10 décembre 1967, jour d’’élections’ à Saint-André : Édouard Savigny était assassiné par des nervis
lundi 10 décembre 2012
10 décembre 1967 – 10 décembre 2012 : cela fait 45 ans que l’on « votait » ce jour-là à Saint-André pour des élections municipales. « Voter » n’est sans doute pas le mot qui convient, ce qui se passait à cette époque n’ayant assurément pas grand-chose à voir avec des élections dignes de ce nom.
Déjà, le 24 septembre précédent, les conditions de fraude et de violence avaient été telles que le préfet de l’époque avait dû suspendre les opérations de « vote ». Le 10 décembre, deux listes étaient en présence, l’une dite « nationale » était conduite par le Dr Dubard ; la seconde l’était par Paul Vergès.
Dès le matin, la tension était à son comble, la campagne électorale ayant été marquée par de nombreuses violences et intimidations de la part des nervis si aimablement qualifiés de « nationaux » par la presse officielle de l’époque. De nombreux incidents se produisaient durant la matinée, le plus grave d’entre eux étant constitué par l’arrestation et l’expulsion de Paul Vergès de Saint-André, sur réquisition… du président de la délégation spéciale. C’est dire comment tout ce beau monde s’entendait pour faire régner l’ordre « national ».
Sauvagement frappé devant la mairie
Par la suite, encouragés par cette expulsion, les nervis envahissaient plusieurs bureaux de vote, les assesseurs communistes étaient chassés et les urnes bourrées selon le protocole « national » habituel et maintes fois utilisé depuis la mort du Dr Raymond Vergès en juillet 1957.
Mais, cette fois les nervis « nationaux » firent très fort. En fin de matinée, cinq d’entre eux repéraient un modeste journalier agricole, Édouard Savigny qui, malgré les menaces, avait eu le courage de venir voter en mairie. Pourquoi des menaces à son encontre ?
Le malheureux avait eu le « tort », aux yeux des grands démocrates « nationaux », d’avoir prêté sa cour à Mille-Roches pour une réunion de Paul Vergès. La veille du scrutin, plusieurs nervis l’avaient précisément menacé et le lendemain, les menaces étaient mises à exécution : poursuivi depuis la place de la Mairie, Édouard Savigny était rapidement rattrapé de l’autre côté de la route, jeté à terre et sauvagement frappé à l’angle de la rue montant le long du cimetière (aujourd’hui rue du Père Répon).
Des assassins impunis
Transporté chez lui agonisant, il mourait dans la soirée dans sa modeste case de la cité des Figues. L’épilogue judiciaire confirmait la tradition : sur le plan administratif, le tribunal de Saint-Denis validait l’« élection » du Dr Dubard (finalement cassée par le Conseil d’État en novembre 1969) ; sur le plan pénal, la Cour d’assises de Saint-Denis acquittait, comme il se devait, quatre des nervis, le cinquième étant « condamné » à une peine plus que symbolique avec sursis !...
Une habitude dont l’institution judiciaire, depuis des décennies, a toujours eu du bien du mal à se dégager, lui faire sauter la Rivière Saint-Jean semblant constituer pour elle un obstacle insurmontable …
JPC
L’hommage de la section communiste de Saint-André Pour ne jamais oublier cette dramatique journée et l’assassinat de l’un des siens, la section communiste de Saint-André, sous l’impulsion de notre regretté camarade Ary Payet, avait pris l’habitude de se retrouver et de se recueillir en délégation sur la tombe d’Édouard Savigny à l’occasion de chaque 10 décembre. Régulièrement respectée jusqu’au milieu des années 1990, cette tradition fut ensuite négligée, faute de suivi dans la section et d’avoir su transmettre le flambeau aux plus jeunes. On se doit aussi de regretter que, depuis son élection en mars 2008, la municipalité actuellement en place et, dit-on, de « gauche », n’ait pas su ou voulu manifester la moindre velléité de rendre hommage à la mémoire d’un modeste travailleur, sympathisant communiste. C’est donc une action hautement symbolique, dans sa tâche de reconstruction de la section, que le collectif provisoire a voulu réaliser hier 9 décembre, en se rendant en délégation sur la tombe d’Édouard Savigny pour honorer sa mémoire et se recueillir, avec la ferme intention que, désormais, le flambeau du souvenir soit transmis, et cela, dans une fidélité définitive. JPC |