Ernesto “Che” Guevara, 1928-1967

Actualité d’un révolutionnaire

9 octobre 2007

Quarante ans après sa mort, alors que les valeurs de courage, de droiture et d’obstination révolutionnaires qu’il incarnait ont construit un mythe plus vivace que jamais, des dizaines de millions d’hommes et de femmes arborent fièrement l’effigie du “Che”, montrant sans ambiguïté où les portent leurs rêves. Puissent-ils aussi faire leur ses qualités et ses idéaux, car le monde d’aujourd’hui a autant - si ce n’est plus - besoin d’être transformé, que celui dans lequel vivait le “Che” il y a 40 ans.

Les Cubains ont commémoré lundi (hier) le 40ème anniversaire de la mort d’Ernesto “Che” Guevara, « comandante » de la révolution cubaine et l’un des plus proches compagnons d’armes de Fidel Castro entre 1955 et 1965, date à laquelle le “Che” fit ses adieux à Cuba pour prolonger le combat anti-impérialiste dans d’autres points du globe. Après le Congo (1965-1966), il passa clandestinement en Bolivie, où il tenta d’implanter une guerrilla. Après 11 mois de tentatives insurrectionnelles infructueuses, il fut traqué par des unités d’élite de l’armée bolivienne formées et entraînées par la CIA. Blessé et arrêté le 8 octobre 1967 au fond d’un canyon, il fut assassiné le jour suivant dans l’école de la Higuera.
Quarante ans après sa mort, alors que les valeurs de courage, de droiture et d’obstination révolutionnaires qu’il incarnait ont construit un mythe plus vivace que jamais, des dizaines de millions d’hommes et de femmes arborent fièrement l’effigie du “Che”, montrant sans ambiguïté où les portent leurs rêves. Puissent-ils aussi faire leur ses qualités et ses idéaux, car le monde d’aujourd’hui a autant - si ce n’est plus - besoin d’être transformé, que celui dans lequel vivait le “Che” il y a 40 ans.

Poussé par la force de ses convictions, mais privé des soutiens les plus élémentaires dans une entreprise de conquête du pouvoir par les armes, Ernesto “Che” Guevara n’a pas réussi à implanter, comme il le croyait indispensable, « un, deux, trois, plusieurs Vietnam » à travers le monde. Pour obliger, disait-il, la plus grande puissance impérialiste à se disperser et s’enliser dans des combats sans issue.
Après 11 mois passés dans les montagnes de Bolivie, et une dernière traque qui avait contraint les 17 guerrilleros survivants à se disperser, le “Che” est arrêté dans la ravine du Yuro par un soldat bolivien de l’unité des rangers - unité entraînée spécialement par la CIA pour sa capture -, l’après-midi du dimanche 8 octobre 1967. En recoupant les différents récits de sa capture, pas moins de 3 agents de la CIA étaient présents - le cubain Félix Rodriguez et 2 autres agents, Gustavo Villoldo (connu sous le nom d’emprunt d’Eduardo González) et le major Roberto “pappy” Shelton, cités par le journaliste britannique Richard Gott (1) , un des rares journalistes présents à l’hôpital de Vallegrande où le cadavre du Che fut transféré après son assassinat, au lendemain de la capture. A ce moment-là, le journaliste pensait que le Che était mort au combat, comme le répandit l’armée bolivienne. Dans le récit qu’il fit 38 ans plus tard, Richard Gott écrit : « Les personnes qui entouraient le corps se révélaient bien plus répugnantes que le cadavre : une religieuse ne pouvait cacher son sourire et se laissait aller jusqu’à rire ostensiblement ; les officiers arrivaient, munis de coûteux appareils photographiques pour immortaliser la scène ; et, naturellement, l’agent de la CIA occupait les lieux, s’accaparant d’office la responsabilité de toute l’opération et entrant dans une rage folle chaque fois qu’on osait pointer un appareil photo sur lui ».
La zone pullulait d’agents américains, et l’on voudrait encore aujourd’hui nous faire croire (2) que l’armée bolivienne a pris la décision de tuer le Che sans en référer à Washington...
Le corps du Che et ceux des guerrilleros de son groupe seront ensevelis dans une fosse commune près de l’aéroport de Vallegrande. En 1997, ces mêmes corps furent transférés à Cuba et inhumés à Santa Clara, haut lieu de la révolution cubaine, où le “Che” et sa colonne s’illustrèrent militairement et permirent la victoire en ouvrant à l’armée des insurgés de 1959 la voie vers La Havana.

Le “Che” était le surnom affectueux - et un peu moqueur - que les Cubains donnèrent à leur camarade argentin lorsqu’il les rejoignit au Guatemala en 1953, parce qu’il ne faisait pas de phrase sans y glisser cette interjection typiquement argentine (quelque chose comme notre “oté !”)
Ernesto Rafael Guevara de la Serna était né le jeudi 14 juin 1928 à Rosario, en Argentine, dans une famille aisée. Il est l’aîné de 5 frères et sœurs. Son père, Ernesto Guevara Lynch, d’ascendance irlandaise et espagnole, est architecte, et sa mère, Celia de la Serna y de la Llosa est d’une famille fortunée de la bourgeoisie argentine. Le petit Ernesto, appelé “Tété” dans l’enfance, est asthmatique, et sa famille change plusieurs fois de résidence entre 1928 et le début des années 40 pour lui trouver un meilleur climat que celui de la côte. La famille s’installe un temps dans la province de Córdoba - où Ernesto se lie d’amitié profonde avec les frères Granado et Ferrer - pour revenir à Buenos Aires en 1946 dans un appartement de la grand-mère paternelle, Ana Isabel. Quand celle-ci tombe gravement malade, le jeune Ernesto la veille pendant 17 jours et, à sa mort, annonce qu’il veut étudier la médecine, plutôt que les études d’ingénieur d’abord envisagées.
Peu intéressé par la politique de son pays, malgré l’engagement anti-péroniste de ses parents - de sa mère surtout -, Ernesto fait la connaissance, fin 1947, de Berta Gilda Infante (Tita), membre de la Jeunesse communiste, avec qui il s’initie au marxisme.

En octobre 1950, il décide d’un premier voyage à travers le continent : Chili, Pérou et Colombie. Il découvre les difficultés des pauvres de ces pays et note dans son journal de voyage cette phrase du poète cubain José Marti : « Je veux unir mon destin à celui des pauvres du monde ».
Il repart fin 1951 avec son ami Alberto Granados sur une Norton 500 cm3 qui rend l’âme pendant le voyage, obligeant les deux jeunes gens à travailler pour continuer la route. Ils sont assistants médecins ou font des petits boulots (marchands ambulants, plongeurs, dockers...)
Au retour, en août 1952, Ernesto Guevara reprend ses études de médecine et reçoit le titre de Dr en Médecine et Chirurgie le 11 avril 1953 à l’Université de Buenos Aires.

En juillet 1953, il repart en voyage dans le continent avec Carlos Ferrer “Calica”. Ils traversent la Bolivie peu après l’arrivée au pouvoir du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire, puis c’est le Pérou, l’Equateur, Panamá et le Costa Rica - où les deux Argentins rencontrent les Cubains Calixto Garcia et Severino Rosell, qui venaient de prendre part à l’assaut manqué du Cuartel Moncada (26 juillet 1953) - Nicaragua, Honduras, Salvador et Guatemala.
Au Guatemala, Ernesto Guevara se lie avec une économiste péruvienne exilée, Hilda Gadea Ontalia, qui fut membre de l’APRA (Alliance populaire révolutionnaire américaine) et avec les rescapés de l’assaut au Cuartel Moncada, dont Nico López, qui lui trouve son surnom “Che”. Ernesto Guevara prend contact avec le Parti guatémaltèque du Travail et sert comme médecin auprès des syndicats. Il est actif dans le mouvement démocratique et révolutionnaire de Jacobo Arbenz, qu’une invasion militaire organisée par la CIA renverse en septembre 1954.
Le “Che” se rend alors à Mexico, où il est bientôt rejoint par Hilda Gadea et Nico López. C’est au Mexique qu’il fait la connaissance de Fidel Castro et de son frère Raúl chez la Cubaine Maria Antonia Gonzalez, au 49 de la rue José Amparán. « Je passai toute la nuit à parler avec Fidel », écrira plus tard le Che, « et à l’aube, j’étais le médecin de sa future expédition. (...) Fidel m’a impressionné. Il faisait face et trouvait une solution aux choses les plus impossibles. (...) ».

A partir de 1955 - année de son mariage avec Hilda -, le sort du Che est lié à la révolution cubaine, qui triomphe en janvier 1959 après l’équipée du Granma (25 novembre 1956) et presque 3 ans de guerrilla dans la Sierra Maestra, où le Che créé “radio rebelde”, la voix de la révolution. Il se distingue comme chef militaire, surtout à Santa Clara, fin 1958, où le “Che”, à la tête de la colonne n°8, prit une part essentielle au renversement de la situation militaire, de même que Camilo Cienfuegos, autre “comandante” très populaire à Cuba, qui entre à la Havane un jour avant le Che. Le dictateur Fulgencio Batista prend la fuite.

Le lundi 9 février 1959, Ernesto Che Guevara est déclaré citoyen cubain par le Conseil des Ministres. Dès lors, son rôle sera économique et diplomatique. Du 12 juin au 5 septembre 1959, Ernesto Guevara est en mission pour le gouvernement cubain en Egypte, Soudan, Inde, Birmanie, Indonésie, Ceylan, Japon, Maroc, Yougoslavie et Espagne.
Nommé un temps gouverneur militaire de la forteresse de la Cabaña, il devient ensuite (novembre 1959) président de la Banque nationale de Cuba, puis ministre de l’Industrie et de la Réforme agraire. Il va dans les champs de cannes, à la mine... Son credo : « être ministre du peuple avec le peuple ! ».
Le Che a conduit de nombreuses missions officielles au nom du gouvernement révolutionnaire cubain. Du 22 octobre au 9 décembre 1960, il fait une tournée en URSS, en Tchécoslovaquie, en RDA et en Chine. L’année suivante, les Etats-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec Cuba.

Du 17 au 20 avril 1961, pendant la crise de la baie des Cochons (Playa Girón), il retrouve le commandement militaire à Pinar del Río et repousse en moins de 72h l’invasion de 1.500 contre-révolutionnaires financés par la CIA. Il y sera encore en octobre et novembre 1962 pendant la crise des missiles soviétiques.
A Cuba, le Che a encore initié le “Travail volontaire” (travailler dur pour pas un rond !), notamment dans les champs de cannes, en période de “zafra” (la coupe) ; il organise les Forces armées révolutionnaires (FAR) et laisse de nombreux écrits de cette période.

Entre 1959, année de sa séparation avec Hilda - qui a donné naissance en février 1956 à une petite fille, Hilda Guevara Gadea - et de sa nouvelle union avec Aleida March Torres, et 1963, quatre autres enfants sont nés dans la famille Guevara : Aleida (“Aliusha”, 1960), Camilo (1962), Celia (1963) et Ernesto (1965). Un sixième enfant, Omar Pérez, est né en 1964 d’une liaison extraconjugale d’Ernesto Guevara avec Lidia Rosa López.

En mars-avril 1964, le Che conduit la délégation cubaine à la Conférence de l’ONU de Genève pour le Commerce et le Développement, puis il rentre à Cuba en passant par la France, l’Algérie et la Tchécoslovaquie. En novembre, il participe au 47ème Anniversaire de la révolution d’Octobre (calendrier julien) et préside à nouveau la délégation cubaine lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New-York, en décembre 1964.

En janvier 1965, Ernesto Che Guevara fait une nouvelle grande tournée : Chine, Mali, Congo (Brazzaville), Guinée, Ghana, Dahomey, Tanzanie, Egypte... Puis en février 1965, il se rend en Algérie pour représenter Cuba au séminaire économique de solidarité afro-asiatique, où il prononce le fameux discours d’Alger donnant une conception de la solidarité et des devoirs des pays dits socialistes envers les peuples du tiers-monde (voir le discours d’Alger). Le Che ne s’en est pas seulement pris à la conduite économique de l’URSS. L’irritation de Moscou est à son comble lorsqu’il déclare qu’« il faut fuir comme la peste la pensée mécanique. Le marxisme est un processus d’évolution. Le sectarisme à l’intérieur du marxisme créé un malaise, un refus de l’expérience ». Lorsque le “Che” arrive à Cuba le 14 mars 1965, le gouvernement cubain a reçu les doléances courroucées de Khrouchtchev. Le Che fait le 15 mars un compte-rendu de ses voyages à l’étranger devant ses collaborateurs du Ministère de l’Industri, et c’est sa dernière intervention publique.
Les trois lettres d’adieux à ses parents, à ses enfants et à Fidel sont datées du 1er avril 1965. Il annonce qu’il part pour le Congo, d’où il apprendra la mort de sa mère. En novembre 1966, il est à la Paz. Il est entré en Bolivie clandestinement, sous le nom d’Adolfo Mena González, fonctionnaire péruvien de l’OEA et possède, au cas où, un faux passeport uruguayen au nom de Ramón Benítez Fernández.
La suite a été une longue descente aux enfers.
Pourtant, le “Che”, qui avait conscience d’avoir eu à intervenir dans des domaines qu’il connaissait mal, était aussi capable de reconnaître ses erreurs. Il a beaucoup appris de ses voyages dans le monde et en avait tiré la conviction qu’il n’était pas possible de faire « le socialisme dans un seul pays » comme l’avait exprimé Staline - a fortiori pas dans une île -, et que le seul moyen d’étendre des échanges économiques équitables était de multiplier les révolutions dans les divers continents. Il n’a pas eu le temps d’en faire la démonstration, mais en mourant à 39 ans, il a laissé à la jeunesse du monde l’exemple d’un engagement total et sans faiblesse qui, 40 ans après sa mort, fait encore trembler les adversaires du socialisme.

P. David

Notes
(1) Lire le récit de Richard Gott dans le monde diplomatique d’août 2005, “Le corps du Che”.
(2) C’est ce que soutient l’agent Felix Rodriguez, exilé en Floride, dans le dossier que publie “l’Express” du 27 septembre 2007, “Ce que le Che m’a dit”. Un tissu d’incohérences.


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Messages

  • je recherche le biographie de roberto guevara de la serna frere du che guevara est il mort est il vivant vit toujours en argentine sachent qu’il etait avocat la bas combien d’enfant avait il ?? tant de questions qui me preocupe fisant un livre sur les guevaras frere et soeur merci de me dire svp monmsn etant [email protected] monsieur jean pierre vidal de nimes france

  • votre ecrit en ce qui me concerne est incomplet sur les freres et soeurs duche siont ils vivants surtout roberto qui avait une formation d’avocat et on ne sait toujours pas si il est vivant décédé ou vit il toujours a rosario et egalement que sont devenues ces freres et soeurs en un mot on ne trouve jamais une biographie des soeurs et freres du che et je trouve cela frustrant pour les connaissances de ces personnages de la famille guevara

  • BONJOUR DESOLé MAIS JE N’ARRIVE TOUJOURS PAS A TOUVER DES ADRESSES OU PERSONNES BIEN PRECISES QUI POURRAIT M’AIDER A RETROUVER LES FRERES ET SOEURS DU CHE GUEVARA CELA M’AIDERAIT BEAUCOUPS POUR MON LIVRE UNE ADRESSE PRECISE MAILS OU DIRECTION SURTOUT DE ROBERTO LE PLUS INTERRESANT POUR MON LIVRE MERCI DE ME DIRE SI VOUS LE POUVEZ JEAN PIERRE VIDAL DE NIMES FRANCE


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