Disparition d’une grande militante réunionnaise

Aliette Gauvin nous a quittés

29 avril 2005

Au cours de la matinée d’hier, la nouvelle du décès d’Aliette Gauvin s’est répandue dans toute l’île plongeant dans la douleur ses parents et ses amis.
Nous la savions malade, très malade ; mais nous gardions l’espoir qu’elle triompherait du terrible mal dont elle souffrait depuis plusieurs années. Il nous faut maintenant nous rendre à l’évidence : Aliette Gauvin n’est plus.

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Fille de l’instituteur André Hoarau - qui fut dans l’immédiat après-guerre, conseiller municipal et conseiller général de Saint André - Aliette Gauvin est née à Cilaos le 19 décembre 1945. Septième d’une famille de neuf enfants, elle a exercé, comme la quasi-totalité de ses frères et sœurs, la profession d’enseignante ; profession qui lui fit prendre rapidement conscience de la gravité des problèmes auxquels les couches les plus défavorisées de la population réunionnaise se trouvent confrontées. Aussi s’employa-t-elle à apporter sa contribution dans la construction d’une société réunionnaise plus égalitaire et plus fraternelle. Ce qui la conduisit à militer de toutes ses forces au sein de nombreuses associations.

Une femme aux multiples combats

Elle a été tout à la fois : une militante du sport, une militante de la laïcité, une militante syndicale, une militante politique. Elle a participé activement à la vie de l’Union des Femmes de La Réunion (l’UFR), de la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE), de la Fédération des Œuvres Laïques (FOL)...
Elle a aussi joué un rôle remarquable dans la lutte des Réunionnais contre le racisme, la fraude électorale, les crimes abominables commis notamment au Moyen-Orient et en Afrique.
Continuant l’œuvre de son père - mort prématurément et brutalement au lendemain d’une victoire électorale remportée le 9 octobre 1949 à Saint-André aux côtés du docteur Raymond Vergès -, Aliette Gauvin s’est battue inlassablement contre l’arbitraire, contre toutes les formes d’injustice et pour l’extension à La Réunion de l’intégralité de la législation sociale métropolitaine.

Une femme politique

Sa grande disponibilité et sa parfaite connaissance des problèmes réunionnais l’ont conduite à siéger au Conseil régional, au conseil municipal de Saint-Denis et au Conseil Économique et Social de La Réunion (CESR).
Aliette a été une militante exemplaire et l’œuvre qu’elle a accomplie est immense.
À l’heure de l’ultime adieu, un tel bilan nous apporte à tous un témoignage exemplaire.
Je crois pouvoir me faire l’interprète de tous les compagnons de lutte d’Aliette en disant à sa famille que son souvenir vivra longtemps dans le cœur des Réunionnais.

Que tous ses proches si durement éprouvés veuillent bien trouver ici l’expression de nos condoléances attristées.

Eugène Rousse


Réactions

o Paul Vergès : "une perte douloureuse"

Paul Vergès, président du Conseil régional a envoyé hier matin un message à M. Robert Gauvin.

"Cher Robert,

Actuellement à Bruxelles, je viens d’apprendre la triste nouvelle. La disparition d’Aliette nous affecte personnellement Laurence et moi.
Militante infatigable, faisant preuve d’un courage et d’un dévouement exemplaires, elle a toujours été présente même dans les moments les plus difficiles pour elle.
Sa disparition représente une perte douloureusement ressentie par l’ensemble de ses amis, frères et sœurs de combats, avec lesquels elle a partagé tant de luttes.
Dans l’épreuve que tu traverses, je tiens à te témoigner de toute ma sympathie.
En mon nom personnel et aussi au nom du Conseil régional, qu’elle a également servi avec abnégation, je t’adresse ainsi qu’à vos enfants et toute sa famille mes très sincères condoléances."

o Laurence Vergès : "une militante disparaît"

Laurence Vergès qui a longtemps milité avec Aliette Gauvin au PCR et à l’UFR a adressé le message suivant à “Témoignages”.

"Bien que nous savions Aliette très affaiblie par la maladie, la nouvelle nous a tous frappés hier matin et chacun de nous en a ressenti une grande tristesse.
Je garde l’image d’une femme vivante, gaie, active et forte.
Aliette, c’était la joie de vivre et de participer.
Aliette, c’était la militante communiste active, généreuse de son temps, même lorsqu’elle était fatiguée, défendant ses idées avec passion, partant à travers les rues de Saint-Denis avec les camarades de la section communiste qu’elle animait, contre vents et marées.
Elle avait affronté courageusement et vaincu cette affreuse maladie qui touche tant de femmes dans le monde, et qui avait emporté sa maman, alors qu’elle était jeune enfant.
Militante active à l’Union des Femmes de La Réunion depuis ses débuts, présente à toutes les manifestations, pour les droits des femmes, contre l’Apartheid devant le Consulat d’Afrique du Sud, elle a participé aux puissantes manifestations contre ce régime qui a dominé dans ce pays jusque dans les années 1990.
Elle allait bien Aliette, pendant des années où elle a pu vivre pleinement sa vie de femme, de mère et de militante.
Mais il y a plusieurs mois, la terrible maladie l’avait de nouveau frappée et malgré sa volonté de combattre pour vivre, la maladie l’a fragilisée. La dernière fois que nous l’avons vue, c’était au Jardin de l’État. Fragile mais forte, elle participait aux manifestations contre la guerre et pour la paix en Irak.
Hier, elle n’a pu résister à ce fléau que la science n’a pas encore pu vaincre tout à fait.
Nous garderons de cette amie, de cette camarade, le souvenir vivant de sa joie de vivre et de lutter pour une vie meilleure et pour la Paix."

o Union des femmes réunionnaises : "notre peine est immense"

Voici un communiqué diffusé hier par l’Union des femmes réunionnaises en hommage à Aliette Gauvin.

"Aliette Gauvin, membre du bureau de l’UFR, vient de mourir et notre peine est immense car nous perdons une sœur de combat, une militante fidèle, une femme-courage devant la maladie et les coups durs de la vie.
Lors de notre 8ème congrès à Sainte-Suzanne, nous avions regretté son absence, elle nous manquait déjà comme elle va nous manquer, car toutes, nous appréciions son dynamisme et son enthousiasme, et nous connaissions sa joie à participer à une manifestation de l’UFR.
Elle représentait notre organisation au CESR et à la Fédération contre les violences, elle avait été conseillère régionale et conseillère municipale, et la lutte pour la dignité des femmes et le respect de leurs droits était sa lutte.
Nous présentons nos plus sincères condoléances à son mari, à ses enfants, à toute sa famille."

o Jérôme Vellayoudom : "une personne de grande conviction"

Jérôme Vellayoudom, responsable communication à la Région, a tenu à nous envoyer le message suivant.

"C’est avec peine que j’apprends la disparition de Madame Aliette Gauvin. C’est une personne de grande conviction qui nous quitte aujourd’hui.
À une époque où le militantisme en faveur de certaines causes était rendu particulièrement difficile sinon périlleux compte tenu du contexte singulier dans notre île, Aliette Gauvin a affirmé et assumé ses choix. Cette attitude est d’autant plus exemplaire que le fait d’être une femme ajoutait alors à la difficulté. C’est une mémoire de cette période qui s’en va, avec laquelle chaque rencontre était l’occasion d’apprendre un peu plus sur cette époque.
Déjà affaiblie dans les premiers temps de sa maladie, Aliette Gauvin était toujours animée par cet esprit de militante, par cette volonté d’agir et cette envie d’échanger.
J’adresse mes très sincères condoléances à son époux Robert Gauvin, ainsi qu’à leurs enfants et tout particulièrement à mon ami Florant que j’assure de toute ma solidarité."


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