René Payet, journaliste à ’Témoignages’
Aux côtés des plus pauvres d’entre nous
15 septembre 2011
Mercredi 20 Juillet 1988
Des hommes à la voirie
Récemment, un cadavre a été trouvé sur la plage, près du dépôt d’ordures de Saint-Denis. Il s’agissait d’un homme qui allait régulièrement à la voirie comme beaucoup d’autres chercher de quoi survivre. « Témoignages » a voulu aller voir de plus près cet autre monde, aux portes de la capitale, et l’écouter...
« N a bokou i arivré pa viv, si lavé pa sa ». « Sa », c’est le dépôt d’ordures de la Jamaïque. Et celui qui parle ainsi, c’est un de ces hommes que vous pouvez rencontrer habituellement à la voirie, en quête de quelque chose à utiliser à vendre ou à manger.
Comme Maurice Moucouta.
Vous vous souvenez : le 8 juillet, on a trouvé son cadavre sur le bord de la mer. « A proximité de la décharge de la Jamaïque », précise notre confrère « Le Quotidien ». Là où il venait, « comme d’habitude, chercher à manger »... « Il ne travaillait pas et vivait comme des dizaines d’autres hommes sur les restes de cette décharge ». Vous voulez avoir un raccourci saisissant de l’itinéraire de ces personnes ? Allez donc de Saint-Denis vers Gillot. A 200 mètres du nouveau toboggan, quittez la quatre-voies, glissez-vous sous l’ancien pont de la Ravine du Chaudron et grimpez la côte sur votre droite. Vous êtes au sommet de la colline artificielle qu’en 50 ans, la ville de Saint-Denis a fini par cracher.
Le dos à la mer, regardez droit devant vous : Euromarché, gigantesque et la quatre-voies qui y mène, le cimetière embusqué entre les deux, et sous vos pieds, les déchets de notre civilisation. Point final.
Non. On dirait que ça se recycle. Des boutures squelettiques de « tamarins de l’Inde », défiant le vent du large, rigoureusement alignés, finirent par camoufler l’océan de détritus qui gagne du terrain vers le lit de la rivière des Pluies et le bout de la piste de Gillot... La vie prend racine dans ce qui a pourri. Et plus loin, des hommes tout aussi squelettiques cherchent survie dans ce qui est en train de pourrir.
Napoinl’shoi
Une camionnette, remplie de sacs de bouteilles vides s’apprête à démarrer. Trois hommes. Deux à trois mille bouteilles. Ceux-là, ils ont leur chargement. Il est 15 heures. Depuis grand matin, ils sont à « rodé », à parcourir cet immense cimetière de choses, fouettés par le vent et par l’odeur d’os brûlés et de poisson pourri. « I vo mié fé sa, o lié aie volé », dit l’un.
« Ou na poin lo shoi ! » ajoute l’autre. Mais qu’est-ce qu’ils viennent chercher exactement ? Il y a des individus et des groupes dispersés sur un rayon de 500 mètres, des voitures et des camions qui vont et qui viennent. Il y en a qui « rode karton. Po ramass zafèr, la kaz ». Ou bien encore pour faire du feu. Des habitués des lieux assurent même que des bouchers des environs « i rod’ karton po boukane la viand », et ils ajoutent : « sertin zafèr kamion i vid’la, la pa l’tan ariv’ a ter ».
A côté, du maïs en grain semble n’intéresser personne. Akoz ?... « I met’ gazol dési, sinonsa, grézil, konmsa maléré i ginyepatrapé ».
D’autres sont à la recherche de bouteilles ou de bouts de ferraille. Et « si trouv’ kèk soz po manzé, imanz ! ».
Un de ceux qui racontent tout ça est venu, lui, « rod féy koko po fé la vouv ». C’est avec amertume qu’il rappelle s’être vu refuser des feuilles de coco tombées dans certaines « kour gro blan », avec cet affront méprisant : « Aie rod’la voiri ! ».
Napoind travay
« Travay la poin. Kosa vi vé ni fé ? » C’est le refrain de tous ces hommes et femmes en quête de survie. Et c’est, en même temps, l’affirmation de leur dignité.
— « Na poin d’travay... La bours’ somèr, i pari toultan, i donn pa ».
— « Mi travay pa, é i met a moin dann loiyé, koman mi pèy, ek l’o an plis, ek lo kou-ran ? »
— « I met’ a moin létaz. Moin la pa bézoin létaz moin » : il ré- clame une maison avec un bout de cour qu’il pourrait travailler.
— « Ek bann gouvernman an kouyon nou nana la, ousa ni sava ? »
— « Rogard dan lopital moune lé fou nana. I perd’ la tèt, i rand lo moune fou, mi di a ou ! »... Une indignation qui explose.
Eh oui ! sur le terrain — et quel terrain ! — les ravages du chômage grandissant dépassent les limites du tolérable. Ils sont déjà plus de 80.000 actuellement en recherche d’emploi. Sur ce nombre. 17.000 seulement peuvent prétendre à une indemnité de l’ASSEDIC. Et les autres ? Eh bien ! de temps en temps, ils « gagne in kinzinn somaz », payée à un SMIC inférieur de 22% à celui de métropole... pour une misère de quel taux supérieur à celle de là-bas ? A quand les prestations sociales à égalité et le revenu minimum d’insertion comme en France ?
Il n’y a pas de doute, il faudrait faire faire à certains « missionnaires » en mission ici et à certains élus un pèlerinage sur ces sommets de la misère et de la honte pour qu’ils prennent conscience des réalités.
Bien des choix politiques pourraient en être changés. Même s’il est vrai que ces choix dépendent avant tout de la lutte des masses et des rapports des forces.
Olivier Thienbo
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