Félicitations à une grande Réunionnaise, ancienne ambulancière de la Résistance anti-nazis

Bon 96ème anniversaire Marguerite Jauzelon !

25 juillet 2013

Ce 25 juillet, ’Témoignages’ tient à souhaiter un bon anniversaire à une de nos compatriotes, née en 1917, qui fit partie des 51 Réunionnaises ayant répondu en novembre 1943 à l’appel des représentants des Forces Françaises Libres à La Réunion pour libérer la France des occupants nazis. Cette institutrice a participé à ce combat en tant qu’ambulancière, jusqu’à la victoire des Forces Alliées et sa démobilisation en Allemagne en novembre 1945.
Voilà vraiment un parcours héroïque et solidaire, relaté dans un ouvrage publié en 2009 par Surya Éditions et pour lequel nous félicitons chaleureusement Marguerite Jauzelon à l’occasion de son 96ème anniversaire. Afin de faire connaître son combat de résistante, nous publions ci-après — avec des intertitres de ’Témoignages’ — le texte du discours prononcé le 18 juin 2012 à la Préfecture par le général Yvon Lucas, lorsqu’il lui a remis les insignes du grade d’officier de la Légion d’Honneur.

Marguerite Jauzelon, le 18 juin dernier à la Préfecture, aux côtés de Paul Vergès, qui fit partie avec son frère Jacques des premières centaines de jeunes Réunionnais à s’engager tout au long de l’année 1943 dans les Forces Françaises Libres.

Par décret du Président de la République en date du 6 avril 2012, Madame Marguerite Jauzelon a été promue officier de la Légion d’Honneur. Je mesure l’honneur d’être délégué aujourd’hui pour lui remettre les insignes de ce grade. J’en suis fier. La date de cette cérémonie ne pouvait être mieux choisie : jour de commémoration de l’Appel historique du Général de Gaulle, et jour de remise des Prix du concours de la résistance et de la déportation. C’est que, entre autres décorations, Madame Jauzelon porte la croix de la Libération.

Après l’armistice du 22 juin 1940, La Réunion est sous l’autorité du régime de Vichy. Envoyé par le Général de Gaulle à bord du contre-torpilleur "Léopard" pour rallier La Réunion à la France Libre, André Capagorry débarque à Saint-Denis le 28 novembre 1942 et prend les fonctions de gouverneur de la colonie. Il obtient 2 jours plus tard la reddition du gouverneur vichyste Pierre Aubert, alors retranché à Hell-Bourg. Les premiers jeunes Réunionnais qui rejoignent les troupes combattantes de la France Libre embarquent sur le “Léopard” dès 1942.

Marguerite s’obstine

Le 23 novembre 1943, un an après le ralliement de la colonie, cinquante et une jeunes Réunionnaises, engagées pour la durée de la guerre, s’embarquent à bord du "Gallieni". Parmi elles, Marguerite Jauzelon, enseignante de 26 ans, qui veut servir sur le front des combats comme ambulancière. À Madagascar, le capitaine responsable de la formation décide que Marguerite Jauzelon sera secrétaire :

—  « Mon capitaine, je me suis engagée pour être ambulancière. Je ne veux pas rester dans un bureau ».

— « Taisez-vous, Jauzelon, vous devez obéir ».

Marguerite s’obstine et sera ambulancière. D’ailleurs, elle a déjà son permis et conduit depuis plusieurs années.

Après quelques mois de formation, embarquement en mai 1944 à Tamatave et arrivée à Alger le 7 juillet. Premier bombardement, baptême du feu. Imaginez la joie et la fierté de ces jeunes Réunionnaises qui défilent le 14 juillet 1944 devant le Général de Gaulle. Puis direction Oran, affectation au 431ème Bataillon Médical Colonial. Marguerite Jauzelon est nommée chef de voiture de l’ambulance qu’avec sa coéquipière elles baptisent "L’hirondelle".

« Quelle émotion »

Le 29 juillet 1944, on quitte Oran à bord du "Sidi-Brahim", au sein d’un immense convoi. Attaque aérienne. Des bateaux sont touchés. Le "Sidi-Brahim" descend un avion allemand. À Ajaccio, derniers réglages. Le débarquement en Provence a commencé le 15 août 1944. Le 21 août, Marguerite embarque au volant de "L’hirondelle" sur un LST de l’US Navy, qui fonce le 23 août au matin vers la plage de La Nartelle, à l’Est de Sainte-Maxime. Les roues dans l’eau, crabot enclenché, Marguerite lance son ambulance Dodge 4x4 et franchit la plage. Elle raconte : « C’est la première fois que je foule le sol de la métropole. Quelle émotion. Autour de nous, le canon tonne. Les montagnes flambent. Cette fois-ci, c’est bel et bien le front ».

À la "Une" du livre publié en 2009 à La Réunion par Surya Éditions sur le combat de Marguerite Jauzelon, on voit l’ambulancière avec Jean Joly, un résistant réunionnais déporté, également évoqué dans cet ouvrage.

Direction Cavalaire, puis Toulon. « Le long du chemin, on nous ovationne, on nous offre les fruits de l’été provençal », se souvient Marguerite. À Toulon, première mission des ambulancières : évacuer les blessés du Fort Sainte Marguerite, où des Allemands se sont rendus. 26 août, Salon de Provence, Solliès-pont, Pont Saint Esprit : c’est la remontée de la vallée du Rhône avec la 1ère Armée. Puis Autun, puis la terrible bataille des Vosges (3 octobre au 8 décembre 1944), puis Colmar. Le quotidien : de jour, de nuit, charger des blessés, les soigner, les réconforter. « Nous sommes confrontées à la mort, à l’horreur des blessures et des peines ».

Rencontre avec deux Réunionnais, résistants déportés

Marguerite Jauzelon raconte : « Un jour, un tout jeune blessé allemand me prend la main. Il y dépose un baiser et me demande d’écrire à sa mère tout ce que j’ai vu. Il se sent mourir. Je l’ai fait en pensant que si Français et Allemands, tous les peuples, pouvaient se donner la main, il n’y aurait plus de guerres ».

L’hiver 44-45 est rude en Alsace pour nos braves petites Réunionnaises qui découvrent les joies de la conduite sur neige et verglas. La conduite de nuit feux éteints ajoute aux risques. Guère le temps d’avoir peur, ni de récupérer. On dort parfois à même le sol dans son sac de couchage, dès qu’un répit le permet.

Le Rhin franchi sur un pont de bateaux avec la 1ère Armée, on entre en Allemagne en avril 1945. L’évacuation des blessés continue : Kandel, Pforzeim, Tübingen et… le 8 mai 1945, on chante, on danse. L’Allemagne a capitulé .

Vous êtes, Madame, neuf ambulancières réunionnaises basées à Reichenau sur les bords du lac de Constance. Non loin de là, à Mainau, sur le même lac de Constance, deux Réunionnais, des résistants déportés, survivants du camp de concentration de Mauthausen, sont soignés dans un château que le comte Bernadotte de Suède a prêté au Général de Lattre pour servir d’hôpital ; il s’agit de Teddy Piat et de Jean Joly. Jean Joly, 1,85 mètres, ne pèse plus que 37 kilos. C’est ce même Jean Joly qui vous fera chevalier de la Légion d’Honneur sur le front des troupes le 30 août 2002 à la caserne Lambert.

Quelle modestie !

Novembre 1945, vous êtes démobilisée. De retour à La Réunion, vous reprenez votre poste d’enseignante à Saint-André. Vous concluez : « Et la vie continue… J’ai conscience d’avoir effectué une bonne action au cours de ma vie ». Une bonne action, tout simplement ! Quelle modestie ! Bel exemple, Madame, pour ces jeunes, aujourd’hui lauréats du concours national de la résistance et de la déportation.

En la personne de Madame Jauzelon, il ne faut pas se contenter d’admirer une figure du passé. Marguerite Jauzelon est surtout une messagère d’espoir. Alfred de Vigny a écrit que « l’honneur, c’est la poésie du devoir »  ; moi j’ajoute que Marguerite Jauzelon a su porter le devoir sur les sommets de l’honneur. Aussi, c’est avec joie, Madame, que je vais accrocher sur votre poitrine les insignes d’officier de la Légion d’Honneur.


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Messages

  • J’ai Madame, une très grande admiration pour vous....j’ai eu l’honneur d’être a vos côtés hier 23 janvier pour le vernissage de l’exposition sur
    Les camps.... Vous m’avez encore une fois éblouie par votre dynamisme et votre jeunesse d’esprit.


Témoignages - 80e année


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