Hommage à un ami des Réunionnais

Disparition de Georges Valbon, résistant et bâtisseur

21 juillet 2009

Dans un article paru hier sous la signature de notre confrère Jean-Paul Pierot, ’l’Humanité’ retrace les événements marquants de la vie de Georges Valbon.

Fils d’immigrés italiens, il participa à la libération du territoire, aux portes de Paris, qui devint la Seine Saint-Denis, et dont il fut le premier président. Il est mort samedi dans sa quatre-vingt-cinquième année.

Il était une figure du communisme en Seine-Saint-Denis, qu’il a parcourue toute au long de sa vie de militant, du Bagnolet des années de jeunesse à Bobigny, où il a présidé le Conseil général dès 1968 à la création du département, jusqu’en 1993. La mort de Georges Valbon, samedi, a suscité une vive émotion dans le 93. Il fut parmi les plus importants artisans des réalisations sociales et culturelles audacieuses qui firent la fierté des collectivités gérées par les communistes. On ne peut réduire le rôle de Georges Valbon aux limites géographiques du territoire séquano-dyonisien, mais il incarnait à lui seul plusieurs caractéristiques de cette banlieue ouvrière depuis les années trente, où l’on travaillait dur, et où l’on se battait dur contre les patrons. Dans le combat de classe se forgeait la solidarité avec les travailleurs immigrés fuyant la misère, les persécutions antisémites, le fascisme ou le franquisme.

Georges Valbon est fils d’immigrés italiens. Son père, Pie-Julien Valbon, a quitté le val d’Aoste où vient de triompher Mussolini. Après un court séjour à Lunery (Cher), lieu de naissance de Georges en 1924, la famille s’installe à Bagnolet. Sa mère Cécile est couturière et Pie-Julien se fixe comme plombier couvreur. Bon élève, le jeune homme obtient son certificat d’études primaires avec mention très bien. Il passe ensuite le concours de l’école Chaix où, pendant quatre ans, il apprendra le métier de typographe. Avec l’occupation nazie, l’adolescent est rattrapé par le fascisme que ses parents ont fui. Il est encore élève typographe, quand il imprime ses premiers tracts anti-nazis sur les presses de l’école.
Réfractaire au STO, il devient clandestin. En juillet 1944, lieutenant FTP, il commande un groupe armé à Bagnolet, participe à la libération de la mairie des Lilas, puis de Montreuil, des forts de Rosny et de Romainville. Il combat les Allemands place de la République à Paris. Engagé volontaire en septembre 1944, il quitte l’armée en 1946 en refusant d’aller faire la guerre coloniale en Indochine.

« Ce n’est pas, expliquera Georges Valbon, parce que des hommes, des femmes, des enfants sont nés pauvres qu’ils doivent avoir en enseignement au rabais »

Dans le pays à reconstruire, Georges Valbon sera l’un des bâtisseurs de cette partie du département de la Seine, où il a combattu les armes à la main. À Bagnolet, d’abord, où il devient secrétaire de la section du Parti communiste puis il occupe des responsabilités dans la fédération Seine-Nord-Est. Jean-Claude Lefort, député honoraire du Val-de-Marne, et lui-même originaire de Bagnolet, se souvient : « Mes parents étaient les gardiens de la section, c’est là que je suis né. Georges n’a plus quitté notre vie depuis ces temps pourtant lointains ». « C’était un homme d’une immense culture. Il a côtoyé les « grands » avec autant de bonheur que ces simples gens ». Ce goût de la culture, cet amour de la musique ne furent pas un violon d’Ingres cultivé dans le jardin secret de l’homme politique. L’ambition, révolutionnaire, des communistes de faire de la culture un bien commun a profondément marqué la gestion des communes puis du département par les communistes. Dès 1970, la Seine-Saint-Denis comptait une trentaine de conservatoires. La culture n’est pas un luxe, pas davantage qu’elle ne doit rester l’apanage des classes favorisées. Cette politique qui fait de l’accès aux activités culturelles une priorité recueille l’adhésion de la population. À Bobigny, dont Georges Valbon est maire de 1965 à 1996, la fréquentation du conservatoire de musique passe de 300 jeunes en 1971 à 1.600 cinq ans plus tard. « Ce n’est pas, expliquera Georges Valbon, parce que des hommes, des femmes, des enfants sont nés pauvres, de par la responsabilité des riches qu’ils doivent avoir en enseignement au rabais. Notre conservatoire est un instrument de qualité, de lutte contre l’inégalité ». Ce qui vaut pour le droit des travailleurs à la musique l’est tout autant pour les autres facettes du champ culturel. La Seine-Saint-Denis doit à cette gestion émancipatrice, le nombre de ses cinémas municipaux, de ses théâtres, du dynamisme de la création artistique que tant d’habitants de la capitale découvrent dans le « 9.3 ».

Tout en continuant d’exercer des responsabilités au plan national dans les instances du PCF, Georges Valbon ne sacrifia qu’une parenthèse de sa vie militante hors de son département. En 1982, après la victoire de François Mitterrand et la formation pour la première fois depuis 1947 d’un gouvernement à participation communiste, il accepta de quitter la présidence du département pour devenir président des Charbonnages de France à la demande du nouveau gouvernement. Le militant, habité par le sens de l’intérêt général, ne pouvait se dérober. Mais un an et demi plus tard, ne voulant servir de caution à une politique s’éloignant des objectifs de 1981, Georges Valbon prenait ses responsabilités en démissionnant, neuf mois avant que les ministres communistes fassent de même en juillet 1984… Et revenait à Bobigny.

Jean-Paul Piérot


Condoléances du PCR

« Chère Marie-George,

C’est avec beaucoup d’émotion que nous apprenons la nouvelle de la brutale disparition de Georges Valbon.

Les Réunionnais avaient eu l’occasion de faire la connaissance de Georges lors de sa venue dans notre île à l’occasion du Congrès de l’Assemblée des Présidents de Conseils Généraux qui s’y tenait.

Nous gardons en mémoire le souvenir d’un homme qui, à l’image de nombreux jeunes de France et de La Réunion, alors assujettie en tant que colonie, s’engagèrent à l’âge de 17 ans pour libérer l’Europe du nazisme hitlérien et du fascisme mussolinien.

Au-delà de nos échanges d’analyses politiques, Georges Valbon nous avait entretenu de ses passions pour l’enseignement, la culture sous toutes ses formes et la peinture à laquelle il se consacrait avec talent lors des rares moments de loisirs que ses tâches d’élu et de militant lui laissaient parfois.

Nous retiendrons de lui également que, nommé à la Direction des Charbonnages de France, il en démissionna lorsque, au nom d’une recherche de rentabilité accrue prétendument nécessitée par l’entrée de l’industrie française dans la modernité, le gouvernement lui demanda de procéder à de nombreux licenciements.

À la mémoire de ce militant dont le rayonnement était indéniable, à cette vie si bien remplie au service des plus fragiles de ses semblables, le Parti Communiste Réunionnais tient à rendre hommage.

À tous les siens, à la grande famille de ses amis et de ses camarades, nous te prions, chère Marie-George de transmettre les très sincères condoléances du Parti Communiste Réunionnais ».

Élie Hoarau
Secrétaire Général
du Parti Communiste Réunionnais

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