Communiqué du Parti communiste réunionnais

Édouard Glissant : « C’est la poésie qui m’a amené à la politique »

Édouard Glissant (21 septembre 1928 – 3 février 2011)

4 février 2011

Dans un communiqué diffusé hier par son secrétariat, le PCR rend hommage à Édouard Glissant qui vient de nous quitter.

L’écrivain, poète, philosophe, ethnologue, enseignant, militant, Édouard Glissant, vient de s’éteindre à 82 ans. Il laisse, de l’avis de tous, une œuvre considérable et pourtant méconnue des sociétés créoles.

Cette méconnaissance — du public réunionnais notamment — souligne à quel point l’enseignement dispensé dans les écoles de La Réunion, n’a que bien peu à voir avec la réalité et la richesse de l’identité créole dont Édouard Glissant disait qu’elle est une identité composite à plusieurs racines, préfiguration de l’identité d’un monde entrant dans la diversité et puisant sa force créatrice dans le bouillonnant magma de tous les apports civilisationnels. Peuple banian, disons-nous ici, « créolisation » et « tout-monde » chante Édouard Glissant tout au long d’une œuvre authentiquement fidèle à l’engagement de sa jeunesse.

Tout au long d’une vie et d’une œuvre profondément humaniste, Édouard Glissant nous a mis en garde contre ce qu’il appelait « l’identité fixe, fermée sur elle-même », une barbarie génératrice de maints massacres identitaires. « Chaque fois qu’existe un lieu de partage, de mélange, d’acceptation de l’autre, il est pris comme cible par les tenants des pensées identitaires », avait-il coutume de dire. « C’est la conception poétique du monde qui m’a fait comprendre qu’il y avait une manière uniforme, unilatérale, fixe, et enfermée de concevoir le monde, et une autre manière, diversifiée et solidaire. C’est la poésie qui m’a enseigné ça. C’est l’imaginaire qui se met soudain à fonctionner, sur des paysages, des horizons, des cris, et on ne conçoit plus le monde à partir du nombril de sa propre identité  ».

Cette constance dans l’ouverture à l’autre : « Je peux changer, en échangeant avec l’Autre, sans me perdre pourtant, ni me dénaturer », cette volonté de rechercher en tous ses semblables l’enrichissement des différences, l’ont conduit, sur tous les continents, à se ranger aux côtés des opprimés en lutte contre le colonialisme et le racisme dont il affirmait qu’il n’est « ni naturel, ni inné ».

Son engagement politique lui vaudra, de 1959 à 1965, d’être exilé de la Martinique vers la France. Sa patiente et rigoureuse démonstration que la diversité de l’histoire des humains, étudiée notamment sous trois aspects de la mondialité : l’esclavage, la créolisation linguistique et la création culturelle, « pénétrait l’inconscient du monde », a conduit le président Chirac, en 2006, à confier à Édouard Glissant — 40 ans après son bannissement —, la présidence d’une mission devant conduire à la création d’un centre national consacré à la traite et à l’esclavage.

En 2007, Édouard Glissant crée l’Institut du Tout-Monde afin « de faire avancer la connaissance des phénomènes et processus de créolisation, et de contribuer à diffuser l’extraordinaire diversité des imaginaires des peuples, que ces imaginaires expriment à travers la multiplicité des langues, la pluralité des expressions artistiques et l’inattendu des modes de vie ».

Il serait souhaitable que l’hommage légitime rendu à Édouard Glissant et à son œuvre, ne soit pas que de circonstance, mais s’accompagne désormais de la décision d’inscrire, dans les programmes, l’étude de ses romans, essais et poèmes : « le poème va sa route par-dessous, il manifeste ses éclats dans toutes les langues du monde, c’est-à-dire dans toutes les directions que nous avons peut-être perdues, il s’étend d’une vérité de paysage à une autre : le poème roule de temps à temps ».
Secrétariat du PCR

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