Une grande perte pour le monde

Édouard Glissant est décédé

4 février 2011, par Céline Tabou

Édouard Glissant, écrivain, poète et essayiste, s’est éteint hier à l’âge de 82 ans à Paris. Considéré comme le créateur du terme « créolisation », Édouard Glissant a durant toute sa vie mené un combat pour le respect des peuples des Antilles.

En 1946, il quitte son île natale pour étudier l’ethnographie au Musée de l’Homme, mais également l’histoire et la philosophie à la Sorbonne. Quinze ans plus tard, il fonde le FAGA (Front antillo-guyanais pour l’autonomie) avec Marcel Manville, Ephraïm Marie-Joseph, Justin Catayée et Albert Béville. Quatre mois après sa création, en juillet 1961, le général de Gaulle décide la dissolution du FAGA et interdit la brochure “Les Antilles et la Guyane à l’heure de la décolonisation” rédigée par Albert Béville.

Une vie de connaissances et de luttes

D’obédience indépendantiste, puis autonomiste, il sera expulsé de la Guadeloupe, car interdit de séjour dans son île natale pour « séparatisme » de 1959 à 1965, puis assigné à résidence en France métropolitaine. De retour en Martinique en 1965, il fonde l’Institut martiniquais d’études, ainsi qu’“Acoma”, un périodique en sciences humaines.
En 1989, il est nommé « Distinguished University Professor » de l’Université d’État de Louisiane (LSU), où il dirige le Centre d’études françaises et francophones. Il est « Distinguished Professor » en littérature française, à la City University of New York, en 1995.
Le président Jacques Chirac confit à Édouard Glissant une mission de création d’un Centre national consacré à la traite et à l’esclavage, en 2006. Il a vivement contesté la création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale par Nicolas Sarkozy, et dénoncé la politique d’immigration de l’actuel chef de l’état.

« La pensée unique frappe partout où elle soupçonne de la diversité »

En 2007, il crée avec le soutien du Conseil régional d’Île-de-France et du ministère de l’Outre-mer, l’Institut du Tout-Monde. Celui-ci souhaite faire avancer la connaissance des phénomènes et processus de créolisation, et de contribuer à diffuser l’extraordinaire diversité des imaginaires des peuples, que ces imaginaires expriment à travers la multiplicité des langues, la pluralité des expressions artistiques et l’inattendu des modes de vie.
Dans une interview accordée à “Télérama”, en début d’année, Édouard Glissant a expliqué : « Je crois à la mondialité. Au mouvement qui porte les peuples et les pays à une solidarité contre les mondialisations et les globalisations réductrices. Être indépendant, c’est peut-être entrer dans ces mouvements du monde. Je crois aussi aux petits pays, à des mini-nations, regroupées éventuellement dans le cadre de fédérations, et qui peuvent plus facilement mettre en œuvre des mesures réalisables contre l’énorme uniformisation imposée par les grands trusts et les grands États. L’État-nation n’a pas d’avenir. Il ne provoque que des catastrophes parce qu’il est intimement lié au chaos du capitalisme libéral, qui démantèle le monde et est incapable de l’organiser ou d’en réparer les désastres ». Fervent défenseur du respect des peuples, l’écrivain a vécu son militantisme loin de tout parti, préférant associer poétique et politique, afin de conscientiser les populations.

Céline Tabou

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