Cérémonie à La Possession

Éloi Julenon : hommage à un militant réunionnais

5 juin 2010, par Manuel Marchal

Éloi Julenon était le doyen de tous les conseillers municipaux de La Possession. Acteur de tous les combats réunionnais, de l’abolition du statut colonial à l’égalité en passant par les luttes pour le respect du droit de vote et de la liberté de la presse, il nous a quittés dans sa 90ème année. Hommage a été rendu hier après-midi devant la mairie avant les obsèques.

Éloi Julenon vient de nous quitter. Cet acteur de toutes les luttes du peuples réunionnais depuis les années 30 était également un diffuseur militant de "Témoignages". Il a également contribué à la diffusion de "Témoignage chrétien de La Réunion".
Un public nombreux est venu hier après-midi à La Possession apporter la solidarité à la famille, aux proches et à toutes les personnes touchées par le décès de ce militant exemplaire. Une forte délégation du Conseil municipal de La Possession conduite par son maire, Roland Robert, a organisé un hommage au doyen du Conseil municipal, acteur de toutes les luttes menées dans la commune. À 16 ans, il défilait à Saint-Denis pour demander l’abolition du statut colonial en 1936. Ancien docker, Éloi Julenon était un de ceux qui avaient assisté au départ des députés Léon de Lépervenche et Raymond Vergès depuis l’aérodrome de La Possession. Au lendemain des élections d’octobre 1945, les deux parlementaires allaient rejoindre Paris où ils ont ensuite fait voter l’abolition du statut colonial.
Parmi la foule, une délégation du Parti communiste réunionnais était conduite par son secrétaire général, Élie Hoarau. Étaient également présents Jean-Yves Langenier, maire du Port, et une délégation de la cité maritime ainsi qu’Yvon Bello, conseiller général de La Rivière. Saint-Paul était également représentée ainsi que d’autres communes. Car les luttes d’Éloi Julenon ne se limitaient pas à faire progresser sa commune à laquelle il sut toujours rester fidèle, mais cette fidélité s’est manifestée dans la défense d’un idéal, celui de la justice sociale et de l’égalité des Réunionnais entre eux, et avec les autres citoyens de la République.
Sur le parvis de l’hôtel de Ville, Roland Robert a rendu un vibrant hommage à celui qui a été élu en 1971 avec lui au Conseil municipal, et qui a donc participé à la restauration de la démocratie qui avait été écrasée durant des années par les fraudes électorales massives.
Proche de la population, son dévouement lui avait valu d’être surnommé le "préfet noir". Gageons que le flambeau des luttes portées par Éloi Julenon sera repris par la jeunesse. Car dans notre pays, la liberté reste une conquête fragile, et il nous reste à gagner la bataille du développement.

Manuel Marchal 


Acteur de l’abolition du statut colonial

Dans l’hommage rendu hier sur le parvis de la Mairie de La Possession, Roland Robert a cité plusieurs phrases prononcées par Éloi Julenon. Des paroles qui honorent l’engagement des militants qui, comme Éloi Julenon, se sont battus et continuent de lutter pour libérer notre pays de la pauvreté, du chômage et de tous les injustices qui entravent le développement de notre pays. Extraits :

« À l’évocation de son passé militant et citoyen, Éloi Julenon savait remonter le temps, avec méthode, la mémoire toujours vive, et impressionnante pour celui ou celle qui l’écoutait, et qui lui faisait rejoindre alors, au plus loin qu’il pouvait, cette année 1936, et l’odyssée du Front Populaire : « J’avais 16 ans, se rappelait-il, je suis allé manifester à Saint-Denis pour le droit des dockers au travail et pour le statut de Département… Ariste Bolon, responsable communiste au Port, est venu tenir une réunion de cellule chez nous… Les communistes ont participé à la constitution d’un large rassemblement pour en finir avec le régime colonial… On voulait que La Réunion devienne un Département car on n’était pas libres… Les travailleurs n’avaient pas droit à la parole, ils n’avaient aucun pouvoir… »
Et d’affirmer, dans un éternel sourire : « La loi Vergès-Lépervanche a changé beaucoup de choses, les travailleurs ont eu plus de droits, des droits sociaux, des droits syndicaux. Mais il fallait quand même continuer à lutter pour faire appliquer l’égalité entre les Réunionnais et les Métropolitains, pour faire respecter le droit de vote. C’est ainsi que nous avons pu avoir des municipalités démocratiques avec Georges Ratinaud en 1945 puis Roland Jamin en 1947 et ensuite avec Roland Robert depuis 1971 ».__
Et de confesser alors, à l’attention de qui aurait eu l’audace d’en douter, « Moin na lamour pou le parti ! »… Et d’ajouter, peut-être avec malice : « Selon moi, un élu communiste doit toujours faire attention aux autres, surtout aux plus pauvres. Lorsque certains pensent d’abord à eux, à l’argent, ils trahissent les idéaux communistes, ce ne sont pas des militants !… Pour rester fidèle aux combats lontan, il faut toujours penser au passé. Si on oublie le passé, on ne peut pas préparer l’avenir ».


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