Kabar 12 novembre, cimetière du Père Lafosse au Gol à Saint-Louis

En souvenance de René Payet

10 novembre 2011

« Journaliste à part entière — C’est une expérience que j’ai vécue avec passion. Le refus de l’évêque de me l’autoriser, combinée avec une participation au ministère sur Saint-Louis, en tandem avec Reynolds Michel, m’a totalement libéré — et je me suis investi dans l’enthousiasme, au service du journal Témoignages. Trois années durant que j’apprécie comme les plus belles de mon parcours sacerdotal » René Payet, Impasse 7, 2007

(12 novembre 1922 - 8 septembre 2011)
« C’est l’événement qui est détonateur » René Payet

Je me suis posé, comme d’autres, la question de l’engagement politique direct de René Payet, prêtre. Il n’ignorait pas, comme il le reconnaît d’ailleurs, « les problèmes que posent nécessairement pour un prêtre et pour l’Église de tels engagements au niveau politique » (“Quel diable de prêtre” (QDP), p.114). Et les sanctions qu’il encourait en cas de passage à l’acte, compte tenu de la réaction de son évêque lors de son engagement comme journaliste à “Témoignages”. Alors pourquoi une telle prise de risque ?
Par amour pour la politique ? « Quand on dit que j’aime la politique, c’est vrai », dit René. Et d’ajouter immédiatement « comme moyen de servir l’Homme… » (p.143). Je vois plutôt la réponse dans sa conception de l’action, du politique et du rapport foi et politique. Celle qui ramène ses engagements à une utilisation de sa « générosité », de sa « naïveté » et de sa « faiblesse » — réponse qui l’a tant fait souffrir (p. 93) —, est indigne du personnage que nous connaissons tous.
René n’est pas un penseur qui s’amuse à tenir des discours sur, mais un homme d’action, un pasteur qui se laisse guider par les événements, « toujours prêt à bondir », car c’est dans l’instant qu’il faut choisir. Pour lui, vivre c’est adhérer aux choses, s’enfoncer dans la réalité, la mordre à belles dents.
« Quand je suis assis, je me tiens toujours spontanément sur le bord du siège, comme prêt à bondir. C’est un peu l’image de mon comportement dans la vie ». Ou encore : « Ce n’était pas du tout — mais pas du tout — dans mon tempérament de rester les bras croisés ou de me taire devant l’arbitraire, l’injustice et le triste sort réservé ″aux plus petits d’entre les miens″, comme avait dit Jésus de Nazareth » (“Quel diable de prêtre” (QDP), p. 138).
Ainsi ce qu’il attendait de son évêque n’était pas des appels à la prudence mais des appels à l’audace. Il était, au début de l’année 70, plus que jamais « prêt à bondir ».
« En ce début de l’année 1970, j’étais en appétit pour tous les combats déclenchés par le verbe du Père Cardonnel dans notre île… un électrochoc qui allait amorcer un nouveau tournant dans ma vie de prêtre pour une troisième étape des plus mouvementées ». (QDP, p. 72).
Il va être servi par les événements, qu’il lira comme des signes des temps, des signes providentiels à l’engagement :
Les attaques contre Croix-Sud et la Maison des Œuvres lors de l’Assemblée Générale du clergé, les 22 et 13 janvier 1970.
l’Assemblée Générale Constitutive du groupe “Témoignage Chrétien de La Réunion” (TCR), le 9 août 1970, affirmant l’option socialiste et la volonté de collaborer avec le PCR.
Michel Debré, de passage dans l’île au mois d’août qualifie les chrétiens progressistes de « crypto-séparatistes diaboliques ».
l’expulsion de Lucien Biedinger, début septembre, pour son appartenance au groupe TCR…
l’expulsion brutale et arbitraire du Père Reynolds Michel de sa Cure de la Rivière des Galets, à l’aube du 29 décembre 1970.
« Je crois pouvoir dire que ces événements… m’avaient fait mettre le pied à l’étrier pour chevaucher gaiement le cheval de la politique » (QDP, p 87).
« Il me fallut du temps, outre les circonstances, pour prendre conscience, à la faveur des événements, de toutes les dimensions où pouvait se déployer ce service rêvé de mon prochain » (QDP, p. 39).
Poussé par ces évènements, René s’engage donc joyeusement dans l’action politique. Le 23 février 1992, il participe au Mouvement pour le Développement, la Démocratie, l’Egalité et la protection de la Nature à La Réunion (MDDENR), initié par le Parti communiste Réunionnais, à la Halle des Manifestations, au Port. René accepte volontiers de prendre la présidence car, il s’agit pour lui d’unir toutes les forces vives du pays autour d’un projet.
« J’ai l’impression que Jésus doit être content ce matin  », disait-il, tout en ajoutant : « Je ne sais pas pourquoi vous m’avez choisi, mais je sais pourquoi je suis avec vous ce matin » (“Témoignages” du 24 février 1992).
Le 27 septembre 1992, il se présente aux Sénatoriales, comme troisième candidat, sur la liste du PCR. En 1993, il est candidat aux législatives. Aux élections municipales de juin 1995, René, qui est curé de Piton Saint-Leu depuis mars 1991…, repart en campagne comme tête de liste des forces de gauche de Saint-Leu. Cette plongée dans le combat politique ne lui pose pas de problème majeur.
Il dit dans un entretien avec Mahdia Benhamla, qu’il a appris depuis longtemps « à ne plus avoir peur de la soi-disant incompatibilité entre prêtrise et politique. (…) Je n’ai plus peur d’assumer mon engagement politique, naturel chez chaque homme » (“Témoignages”, 26-27/09/0992).
Pour René, il n’y a pas deux mondes : la foi et la politique, la prêtrise et la politique. Il ne vit pas séparément sa foi et son action quotidienne de ″croyant, baptisé et prêtre″. Tout au contraire, c’est dans son engagement, y compris l’engagement politique, qu’il exprime sa foi et qu’il la réalise concrètement. « N’est-ce pas cela, l’Incarnation » (QDP, p116).
« Quand j’estime utile d’entreprendre et donc de devoir faire une démarche politique, je ne cherche pas, je ne cherche plus, si ça va à l’encontre de la tradition ou des recommandations de l’Église… Je m’investis » (QDP, p. 144) ;
René répond ainsi à l’invitation de l’Évangile : « Que votre oui soit oui, Que votre non soit non » (Matthieu 5, 37). N’est-ce pas la règle première de la politique, qui relève de l’ordre pratique ?

Reynolds Michel

« Journaliste à part entière — C’est une expérience que j’ai vécue avec passion. Le refus de l’évêque de me l’autoriser, combinée avec une participation au ministère sur Saint-Louis, en tandem avec Reynolds Michel, m’a totalement libéré — et je me suis investi dans l’enthousiasme, au service du journal Témoignages. Trois années durant que j’apprécie comme les plus belles de mon parcours sacerdotal »

René Payet, Impasse 7, 2007

Père René Payet

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