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Hommage à Daniel Honoré, grand militant culturel mais aussi politique, éducatif et syndical

Nos peines

lundi 22 octobre 2018, par Eugène Rousse


Ce samedi ont eu lieu les obsèques de Daniel Honoré. Un nombreux public était présent à la cérémonie d’adieu au centre funéraire de Commune Prima à Saint-Denis. Daniel Honoré a ensuite été inhumé à Saint-Benoît. S’il était surtout connu comme un militant culturel, Daniel Honoré a eu aussi des engagements politiques, éducatifs et syndicaux. C’est cet aspect de sa vie qu’éclaire un article d’Eugène Rousse.


La photo de Daniel Honoré blessé gravement au visage par les nervis de son adversaire aux élections municipales de mars 1971 à Saint-Benoît. Photo parue à la une de ‘’Témoignages’’ du jeudi 11 mars 1971.

Le décès de Daniel Honoré, survenu ce 18 octobre 2018 après une courte mais redoutable maladie, a consterné tous les Réunionnais qui ont été témoins de son engagement total au service de son peuple sur les terrains les plus divers. C’est pourquoi, tout ou presque tout a été dit au sujet du militantisme culturel de l’enseignant bénédictin qui a reçu à Saint-Benoît le 18 octobre 2008 le diplôme de ‘’Zarboutan nout kiltir’’ des mains du président de la Région Réunion, Paul Vergès, en présence de diverses personnalités du pays.
J’ai eu le privilège, ce jour-là, de recevoir le même diplôme aux côtés de Daniel, dont le talent d’écrivain, de poète, de conteur, de défenseur de la langue créole réunionnaise et de penseur réunionnais en général a été souligné par tous les intervenants. Mais ces derniers n’ont toutefois pas eu un mot — comme c’est encore souvent le cas aujourd’hui dans l’hommage rendu au défunt — pour le militant politique, le militant de l’école laïque ainsi que le militant syndical. Et ce sont précisément ces zones d’ombre que je me propose de dissiper.

Violences politiques

Sur la scène politique, Daniel Honoré a joué un rôle remarquable à Saint-Benoît, notamment lors des élections municipales de mars 1971. L’engagement de Michel Debré, ministre des Armées, au côté des « 24 listes nationales » de La Réunion était tel qu’on pouvait prévoir que le scrutin se déroulerait dans un climat de violence. Cela n’empêcha pas Daniel d’interrompre un congé à Orléans pour participer à la campagne électorale aux côtés de Bruny Payet qui l’avait placé en second sur sa liste PCR, qu’il conduisait face au Docteur David Moreau à Saint-Benoît.
Peu après son retour à La Réunion, le dimanche 7 mars, Daniel est la cible des gros bras du maire qui, assurés de leur impunité, lancent en direction de l’enseignant un projectile qui le blesse grièvement au visage et l’oblige à se faire hospitaliser, avant d’observer un repos assez long. Comme lors de la plupart des violences politiques qui ont tué nos « sept martyrs réunionnais » des années 1949 – 1978, aucune suite judiciaire ne sera donnée visant les auteurs et complices de cette grave agression contre Daniel.

Un combattant infatigable, efficace et modeste

Par ailleurs, militant de l’école laïque, Daniel l’a été dès son entrée dans l’Enseignement. En 1960, il a participé à la campagne de pétition en faveur de l’École de la République menacée par les lois anti-laïques de Michel Debré.
Administrateur de la Fédération des Œuvres Laïques (FOL), il était chargé notamment du bon fonctionnement des colonies de vacances à ‘’La Maison de nos enfants’’ de la Plaine des Palmistes, où il cumulait les fonctions de directeur, d’animateur, de cuisinier… En compagnie de son inséparable ami l’instituteur Albert Élie, on le voyait souvent fendre des fagots, torse nu, procéder au nettoyage de la cour, etc.
Enfin, militant syndical, Daniel l’a été pendant près de 20 ans au SNI-PEGC, à une époque où, inlassablement, il prêchait l’union avec toutes les organisations syndicales, y compris la CGTR, qui était alors considérée par les « nationaux » comme « un foyer de séparatistes ». [1]

Voilà, brièvement rappelée, outre ses engagements culturels, ce qu’a été la vie militante de Daniel Honoré, dont je suis fier d’avoir partagé presque tous les combats et dont je garde le souvenir d’un combattant infatigable, efficace et modeste. Qu’il serve d’exemple à tous les Réunionnais ! C’est la meilleure façon de lui rendre hommage. Que son épouse et son fils se consolent : le souvenir de Daniel vivra longtemps à La Réunion.

Eugène Rousse


[1Une anecdote qui intéressera certainement les lecteurs du présent texte : en juillet 1979, un responsable national de notre syndicat effectue un séjour d’un mois à La Réunion, au cours duquel il anime une réunion syndicale au Port. J’interviens auprès de Daniel pour qu’il fasse son intervention en français. « Non, me répond-il. L’occasion est trop belle pour faire connaître notre langue créole ». L’exposé de Daniel terminé, je demande à notre invité s’il a tout compris. La réponse est affirmative. L’attachement de Daniel au créole a donc été payant.


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