Il avait donc 47 ans

14 avril 2006

J’allais avoir 16 ans. Ce 25 mars 1962, il ne “leur” restait plus que Le Port à prendre. “Ils” avaient enlevé une à une toutes les communes que dirigeaient le Parti communiste réunionnais. Il ne “leur” restait plus que Le Port pour que leur œuvre commencée à Saint-André en septembre 1957, fut complétée. Ce fut le 25 mars 1962.
Nous ne leur facilitâmes pas - oh ! pas du tout - la tâche. Aux grenades lacrymogènes qu’ils nous balançaient de derrière leurs boucliers pour que nous laissions les fraudeurs sortir manu militari nos pères et nos mères assesseurs et délégués de la liste conduite par Raymond Mondon, bourrer consciencieusement les urnes, falsifier allégrement les résultats, nous répondîmes par ce que nous avions sous la main...
À côté de notre insouciance d’adolescents, il y avait l’indignation de nos aînés, Raymond Mondon, Roland Hoarau, Eugène Rousse, Fabien Lanave, Ariste Bolon, Odette et Roger Mofy, Raymond Hoarau, Jean-Baptiste Rocheland, André Le Toullec et mille autres encore. Mille autres et puis Maillot Carozin...
Il avait donc 47 ans. Je le revois encore, furieux, écœuré devant les méthodes qu’“ils” avaient osées contre une population toute entière acquise à Raymond Mondon, contre le suffrage universel, contre la démocratie, contre la dignité des hommes et des femmes de ce pays.
Je le revois encore, parmi nous, essuyant les grenades qui pleuvaient et se préparant à repartir très vite au combat... Pour la victoire du 21 mars 1971, neuf ans plus tard.
Je le revois encore... Et ce matin, je le salue comme on salue et s’incline devant quelqu’un de bien qui vient de nous quitter.

R. Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus