Jorge Semprun à La Réunion

22 juin 2011

Notre génération, celle de la guerre et de l’après-guerre, a été marquée par les traumatismes de l’Histoire : l’horreur nazie et la déportation, les guerres coloniales, mais aussi les combats de tous ceux qui ont lutté au péril de leur vie et pour certains en la sacrifiant contre les dictatures en Espagne et au Portugal. Jorge Semprun a été l’une de ses figures, qui vient de disparaître il y a 14 jours.

Je rendrai ici hommage à l’auteur du “Grand voyage”, récit de sa déportation à Buchenwald, en évoquant l’un de ses séjours à La Réunion.

Jorge Semprun vient de nous quitter. J’ai depuis toujours vénéré cet auteur ; cela pour l’exemple d’engagement qu’il nous a laissé, mais aussi pour ses textes, sa voix. “La guerre est finie”, le film d’Alain Resnais consacré parmi d’autres à la lutte antifranquiste, en est un exemple.

C’était à la période des fêtes entre 2001 et 2002. Une de mes collaboratrices les plus proches en psychiatrie au GHSR, le Dr Anka Landman, psychiatre d’origine roumaine, était l’épouse du petit-fils de Jorge Semprun. Ce dernier venait à La Réunion rendre visite à sa famille. Anka Landman me fit part du désir de Jorge Semprun de rencontrer un de ses vieux camarades de lutte dans l’internationale communiste, jamais revu depuis un congrès à Berlin-Est, dans les années 56, Paul Vergès. Je m’efforçais d’organiser cette rencontre qui eut finalement lieu au Domaine de Clermont dans les Hauts de Saint-Paul.

Ce fut là un événement émouvant : dans la vieille Maison qui domine la Baie de Saint Paul, deux personnages exceptionnels marqués par le temps et l’Histoire ont pu ainsi se rencontrer.

Paul Vergès vint en compagnie de Laurence. Jorge Semprun avec sa femme et la famille Landmann. Nous avions préparé simplement un carri poulet au feu de bois. Nous laissâmes après le repas Paul Vergès et Jorge Semprun s’entretenir longuement sous la varangue.

Au crépuscule, un de ces soleils couchants flamboyant, comme on peut les contempler en cette saison, illuminait d’un éclat mélancolique l’océan. Chacun se dit adieu. Mais le message demeure et prend aujourd’hui dans le désordre du monde sa pleine valeur.

Jean-François Reverzy


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