Hommage à sept martyrs réunionnais (1949 – 1978) — 3/7 —

L’assassinat d’Héliar Laude à Sainte-Clotilde

15 mars 1959

14 février 2009

Dans le cadre de la célébration du cinquantenaire du Parti Communiste Réunionnais, voici comme chaque samedi des extraits d’un ouvrage d’Eugène Rousse à paraître prochainement sur les 7 Réunionnais qui ont trouvé la mort en étant victimes des violences néo-coloniales entre 1949 et 1978.
Nous avons d’abord rappelé l’agression mortelle infligée à Marcel Dassot, un jeune de 21 ans décédé le 20 octobre 1949 suite à une garde à vue musclée au commissariat de police de Saint-Denis, puis l’assassinat de François Coupou par des CRS le 29 mai 1958 à Saint-Denis, après un meeting du “Comité de Défense de la République’ avec Paul Vergès.
Voici l’évocation de la mort d’Héliar Laude, un Dionysien de 17 ans, tué le 15 mars 1959 par un nervi devant le bureau de vote de Sainte-Clotilde, lors d’une manifestation contre la fraude électorale.

Héliar Olivier Laude, tué à 17 ans par un nervi de Gabriel Macé lors d’élections frauduleuses à Saint-Denis.
Le jeune Antoine Baïkiom, âgé de 14 ans, l’autre victime de Calpétard, dut subir une délicate opération consistant à extraire de sa cage thoracique une balle qui était venue se loger tout près de sa colonne vertébrale.

Nous sommes au soir du second tour des élections municipales de mars 1959 à Saint-Denis, qui opposent la liste conduite par Pierre Lagourgue — dont le véritable leader est le maire sortant, Gabriel Macé — à celle de Paul Vergès.
Après le dépouillement de 19 bureaux sur les 22 que compte le chef-lieu, l’avance de la liste Vergès sur celle de Lagourgue est de 1.700 voix. Au “quartier général” de l’hôtel d’Europe, à 150 mètres de l’Hôtel de Ville, où Macé a rassemblé son équipe, dont de nombreux nervis, c’est la panique.
En dépit des fraudes grossières pratiquées dans les 3 derniers bureaux des écarts de la ville, dont les résultats ne sont pas proclamés comme l’exige le code électoral, Gabriel Macé, qui ne se résigne pas à être battu, a recours à la falsification des procès-verbaux de certains bureaux de vote.

Paul Vergès assommé

Pour mener à bien cette opération, il sait pouvoir compter sur la complicité du maire sortant de Saint-Denis et du préfet Jean Perreau-Pradier. Afin d’éviter toute riposte populaire, le préfet donne l’ordre aux CRS et aux militaires venus de Madagascar de faire évacuer l’hôtel de ville et ses abords. C’est au cours de cette évacuation à coup de matraques, de grenades lacrymogènes et de crosses de fusils, que Paul Vergès est assommé et laissé inanimé sur un trottoir de la rue de Paris.
Quant à Gabriel Macé, il se charge de faire échec à une explosion de colère qu’il juge prévisible aux abords du bureau de vote de Sainte-Clotilde. Dans ce but, il demande à 4 de ses nervis — Calpétard, Junot, Vienne et Rivière — de retourner dans cet écart de Saint-Denis, où deux d’entre eux étaient présents à la clôture du scrutin.

Une balle en plein cœur

La décision ayant été prise de recourir aux grands moyens, Calpétard sort son énorme pistolet de sa voiture et, malgré les cris de l’épouse de Guy Grondin qui le supplie de « ne pas tirer », l’envoyé de Macé à Sainte-Clotilde fait feu à deux reprises et à sept secondes d’intervalle sur des personnes dont le seul “crime” est de crier : “vive Vergès !”.
La première balle atteint en plein cœur Héliar Olivier Laude, âgé de 17 ans, qui s’affaisse sur la chaussée. La seconde frappe au thorax le jeune Antoine Baïkiom, âgé de 14 ans.
Finalement, Calpétard, qui avait assuré n’avoir « pas hésité à sortir le revolver (…) et à faire feu à deux reprises », ne sera condamné qu’à 5 ans de prison. Une peine qu’il ne purgera même pas à la prison centrale de Saint-Denis, mais à l’APECA de La Plaine des Cafres, où ses puissants amis le feront embaucher comme éducateur de jeunes délinquants…

Eugène Rousse

(à suivre, samedi prochain)

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