Hommage à Raymond Vergès, décédé il y a 50 ans - IV -

L’entrée décisive de Raymond Vergès sur la scène politique

5 juillet 2007

Voici le 4ème volet de la série d’articles d’Eugène Rousse commencée lundi dernier dans “Témoignages” à l’occasion du 50ème anniversaire du décès du Docteur Raymond Vergès (1882 -1957). Les trois premiers articles ont montré comment après une jeunesse consacrée à se former et après plus de vingt ans au service des peuples d’Asie, Raymond Vergès a commencé à servir La Réunion. Ce dévouement pour son peuple s’est d’abord manifesté surtout à travers son travail acharné et généreux de médecin mais aussi et de plus en plus en tant que militant intellectuel, associatif, syndical ou politique. Un militant durement réprimé.

Fin de la Seconde Guerre mondiale célébrée devant le monument de la victoire à Saint-Denis.

La répression contre le Docteur Raymond Vergès a commencé en novembre 1938, dès son engagement dans l’action syndicale et politique. Cela s’est passé peu après la dislocation en France du Front populaire et au moment où les nazis et les fascistes se préparaient à plonger le monde entier dans un bain de sang.
Effectivement, 10 mois plus tard, éclate la Seconde Guerre mondiale. Une guerre qui provoquera l’isolement presque total de l’île du 10 juillet 1940 au 28 novembre 1942. Isolement qui s’accompagne de privations de toutes sortes, de l’aggravation de la misère et aussi d’une terrible répression.

« Lutter pour le statut de la France »

Alors que La Réunion se prépare à faire face aux pires difficultés, le gouverneur Pierre Émile Aubert, arrivé dans l’île le 27 février 1940, réunit à Saint-Denis une “commission consultative” composée de notables de la colonie, dont le Docteur Vergès. Devant la gravité de la situation, le gouverneur estime devoir auditionner chaque membre de la commission avant toute prise de décision.
Invité à donner son avis, le Docteur Vergès déclare au chef de la colonie : « En tant que fonctionnaire, je vous obéirai (...) mais je crois qu’il est du devoir de chacun de nous d’envisager de lutter auprès de n’importe qui pour le statut de la France ». Mais après discussion, la décision est prise de servir le maréchal Pétain qui avait installé son gouvernement à Vichy (centre de la France).
Fonctionnaire discipliné, le Docteur Vergès le sera pendant les 27 mois du régime de Vichy. La guerre terminée, son obéissance au représentant local du maréchal Pétain sera le grief majeur que lui feront inlassablement ses adversaires politiques.

Après la libération de l’île (28 novembre 1942)

Dès la libération de l’île et son ralliement à la France combattante le 28 novembre 1942, le Docteur Vergès ne cache pas sa satisfaction de voir le gaulliste André Capagorry prendre la succession du gouverneur Aubert.
Il reprend immédiatement toutes ses activités d’avant-guerre après avoir autorisé ses fils à s’engager au sein des Forces françaises libres (FFL).
L’Union départementale des syndicats et fédérations CGT, dont Raymond Vergès est le secrétaire général, apporte une importante contribution à la réussite des manifestations qui se déroulent dans l’île jusqu’à la signature de l’armistice le 8 mai 1945. Il est bon d’en citer quelques-unes :

• La fête de Jeanne d’Arc le 9 mai 1943, à l’occasion de laquelle les rues, les maisons et les bâtiments publics de Saint-Denis sont abondamment pavoisés aux couleurs des pays alliés.

• Le 14 juillet 1943, qui revêt un exceptionnel éclat.

• Le 10 octobre 1943, la libération de la Corse - « premier département français arraché à l’ennemi » - donne lieu à une explosion de joie surtout à Saint-Denis.

• Le 3 décembre 1944, à l’occasion de la célébration du 2ème anniversaire de la libération de La Réunion, des milliers de travailleurs venus par trains spéciaux répondent à l’appel du secrétaire général de la CGT en se rassemblant au Port pour un hommage solennel au résistant Pierre Sémard, dirigeant national de la CGT fusillé par les nazis le 7 mars 1942.

« Soutenir le général de Gaulle »

Notons aussi qu’avec le concours très actif de Raymond Vergès, « l’Association bourbonnaise de la France combattante » voit le jour le 6 janvier 1944 à Saint-Denis. Le rôle de cette association : « Soutenir le Général de Gaulle dans son programme, ses directives et ses discours ».

Ajoutons enfin que les 3 et 10 mai 1945, l’Union départementale des syndicats CGT demande à la population de défiler dans les rues de Saint-Denis pour célébrer respectivement la chute de Berlin et la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La fondation du CRADS

La paix revenue, les populations de la France métropolitaine et de l’Empire colonial français doivent élire leurs représentants au sein de diverses assemblées.
À 62 ans, le directeur du service de Santé fait alors une entrée remarquée et décisive sur la scène politique. Dès le dimanche 12 mars 1945, c’est sous sa présidence que se tient à Saint-Denis la réunion constitutive du Comité républicain d’action démocratique et sociale (CRADS).

« Travailleurs, tous unis pour votre libération »

Ce comité, qui regroupe les progressistes de l’île ainsi que quelques grandes figures de la droite libérale, « demande à tous les vrais républicains de faire bloc avec la classe ouvrière... » et conclut ainsi son appel qu’il se veut solennel : « Travailleurs, tous unis pour votre libération ».
Afin de faire la démonstration que la libération des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, le CRADS décide le 22 mars de demander aux quelque 4.000 membres de la CGT de participer au financement des campagnes électorales de l’année 1945 en faisant don d’une journée de salaire au comité. Demande qui rencontrera un large écho.

Les municipales du 27 mai 1945...

Les Réunionnais sont appelés à se rendre aux urnes le 27 mai 1945 pour l’élection de tous les conseils municipaux de l’île.
Face aux listes du CRADS, la droite conservatrice présente dans les 23 communes de l’île des listes “Républicaine d’Union Démocratique et Chrétienne”. Le CRADS triomphe dans 12 communes, dont la totalité des plus grandes.
Ce triomphe donne lieu à de grandes manifestations populaires, notamment à Saint-Denis, où le maire Raymond Vergès met le grand salon de l’hôtel de ville à la disposition du peuple, qui y vient danser pour la première fois, au son de la fanfare militaire dirigée par l’adjudant Firagay et de l’orchestre Chane-Kane ; et cela, en présence des autorités civiles et militaires de l’île.

...suivies des cantonales du 7 octobre...

Le 7 octobre 1945, les élections cantonales qui ont lieu dans toute l’île sont marquées par une nette victoire des candidats du CRADS qui obtiennent 23 des 36 sièges du Conseil général.
À Saint-Denis, la tante paternelle du Docteur Vergès, « Tante Marie », est elle aussi descendue dans l’arène politique. À l’âge de 71 ans, elle est élue conseillère générale du chef-lieu.

Eugène Rousse

(à suivre)

Raymond Vergès

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