Aimé Césaire dans le cœur des Réunionnais

La flamme de la liberté

22 avril 2008

« J’ai eu le privilège - et ce mot prend aujourd’hui toute sa dimension -, de rencontrer à deux reprises, à Fort-de-France, Aimé Césaire. J’en garde le souvenir d’un homme ouvert sur le monde, à l’affût de la moindre injustice. Et en même temps, un homme intériorisé, en quête permanente du meilleur de soi, et de l’Humanité ». Roland Robert, Maire de La Possession, se souvient.

« Il y a donc des rencontres, comme ça, qui marquent à jamais, et qui disent des leçons, l’air de rien. On n’en prend pas forcément toute la mesure, sur le moment. Histoire sans doute de « laisser du temps au temps » a dit Césaire (avant Mitterrand), de laisser aussi du temps à tous ces mots qui prennent la route, avant que de nous retrouver, un peu plus loin...
Aimé Césaire a toujours dit que quiconque veut véritablement le rencontrer doit faire le même voyage que ses évocations, ses essais, ses pièces de théâtre, et particulièrement ses poèmes.
Je connaissais un peu son itinéraire, j’avais lu plusieurs de ses textes, écouté quelques-unes de ses interventions à l’Assemblée Nationale. Je ne faisais que retrouver, devant moi, le même homme déterminé - tantôt politique, Maire de Fort-de-France, tantôt poète, philosophe, mais toujours habité de cette volonté de respecter l’autre, quel qu’il soit, et quelle que soit sa propre histoire.
Et à propos d’histoire, Aimé Césaire avait de la mémoire ! Il évoqua un jour avec moi, et sans malice, la “période Debré”, et la trop fameuse Ordonnance du 15 Octobre 1960 boutant hors des DOM, les fonctionnaires qui, accusés d’être hostiles à la politique du moment, troubleraient, disait-on, l’ordre public.

Il n’a cessé « d’aller debout » !

Le poète n’aura pas de mots assez durs, à l’époque, pour fustiger ce Premier ministre pour le moins indélicat. Et je retrouvais alors, souligne le Maire de La Possession, dans ces discussions toutes simples, la même fougue, et tout ce qui a fait fondamentalement la pensée de ce Martiniquais adoré par les siens, à savoir cette détermination à être, comme il l’écrivait, « de la race de ceux qu’on opprime », et « la bouche des malheurs qui n’ont pas de bouche », et cette certitude d’être porteur d’une liberté pour dire toutes celles qu’on supprime. Aimé Césaire n’a cessé d’aller debout, envers et contre tout et tous, avec le même souci d’éveiller les consciences, d’être la voix des sans voix, le porte-parole de ceux qui ne l’ont plus, et l’avocat infatigable des asservis et des humiliés !
Et c’est donc tout naturellement que La Possession a rendu hier officiellement hommage, au nom de la Ville et de la population, à cet Homme de combat, qui repose désormais à Fort-de-France, et dont il fut le Maire 56 ans durant. Une centaine de personnes, réunies dans la Salle du Conseil municipal, ont revécu le destin hors norme de cette voix qui n’a pas fini de faire parler d’elle. »

Aimé Césaire

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