Max Rivière aux victimes de l’ordonnance Debré

« La prise de conscience du peuple réunionnais »

22 décembre 2011

Le dimanche 3 septembre 1961, un grand rassemblement populaire est organisé au cinéma Rio de Saint-Denis, à l’appel d’un collectif de démocrates, pour dénoncer la décision gouvernementale du 15 octobre 1960, appelée ’l’ordonnance Debré’, du nom de son auteur. Les victimes réunionnaises de cette mesure répressive, exilées par le pouvoir, sont toutes dans la salle, entourées par leur famille, avant de devoir prendre l’avion deux jours plus tard pour la France. Max Rivière est le dernier des intervenants de ce meeting à s’adresser à l’assemblée. Au nom de ses camarades frappés par l’ordonnance, il lit une déclaration dont voici des extraits, tel qu’ils sont publiés dans le tome 3 de l’ouvrage d’Eugène Rousse intitulé ’Combat des Réunionnais pour la liberté’ :

« Contraints à l’exil en application de l’Ordonnance du 15 octobre 1960,
Obligés de quitter le pays qui nous a vus naître,
Arrachés à nos familles et au peuple au milieu duquel nous avons vécu et dont nous partageons les souffrances, les luttes et les espoirs,
Douloureusement meurtris, mais non vaincus...

Nous déclarons solennellement que nous restons fidèles à notre combat, fidèles aux idées et aux conceptions politiques qu’en conscience nous estimons propres à faire avancer notre pays sur la voie du progrès.

Le gouvernement français nous frappe parce que... nous dénonçons la réalité coloniale imposée à notre peuple, parce que nous luttons contre les atteintes aux libertés...
Le pouvoir frappe des militants syndicalistes ou laïques parce que, fidèles au mandat qui leur a été confié, ils ont combattu pour l’amélioration du sort si misérable de la grande masse de leurs compatriotes...

Dans notre activité politique ou syndicale, comme d’ailleurs sur le plan professionnel, le gouvernement n’a pu, à aucun moment, retenir contre l’un d’entre nous un seul acte susceptible de poursuites judiciaires, une seule faute justiciable de sanctions disciplinaires, un manquement à l’honneur et à la probité. Il ne restait plus à ce gouvernement que l’arbitraire absolu. Il l’a choisi, dissipant les dernières illusions que pouvaient encore nourrir certains et apportant lui-même la preuve que les "Départements d’Outre-mer" sont bien des territoires d’exception.

Mais face à l’arbitraire du Pouvoir, l’indignation générale provoquée par le bannissement de 7 Réunionnais, la solidarité qui se manifeste de toutes parts dans l’île... marquent à jamais la prise de conscience du peuple réunionnais...

Assurés de l’amitié du peuple de France, nous sommes certains de revenir demain dans notre beau pays...
Bannis aujourd’hui de notre pays, nous saluons le dur combat que ceux qui restent auront à livrer...
Vive la France républicaine et démocratique !
Vive La Réunion ! ».

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