L’évocation historique

La vie militante de Gisèle Rabesahala

2 juillet 2011

Lors de la cérémonie organisée hier au Port, Eugène Rousse a évoqué la place de Gisèle Rabesahala dans l’histoire des deux îles soeurs.

Mes premiers mots seront pour remercier les organisateurs de la cérémonie de ce soir et de me permettre d’évoquer sommairement quelques-uns des souvenirs que j’ai gardés de Gisèle Rabesahala et de m’associer à l’hommage rendu à cette grande figure de la vie politique et syndicale de Madagascar avec laquelle j’ai eu d’amicales relations.
Sachez que c’est au cours du procès des 32 patriotes malgaches, dont les 6 parlementaires autochtones, qui s’est déroulé à Tananarive de juillet à octobre 1948 que le nom de Gisèle Rabesahala est apparu pour la première fois dans la presse parisienne, ainsi que dans le journal réunionnais "Témoignages", dirigé à l’époque par le député Raymond Vergès.
Lecteur assidu de certaines de ces publications, j’apprends en 1948 qu’une jeune fille de 19 ans, Gisèle Rabesahala, a accepté d’occuper le poste à haut risque de secrétaire des avocats parisiens chargés de la défense des parlementaires malgaches. Le recours à ces avocats venus dans la Grande Île, à la demande du Secours populaire français, était indispensable ; les avocats de Tananarive ayant reçu l’ordre du barreau de la capitale malgache de refuser d’assurer la défense des inculpés.
Les attentats dont ont été victimes deux de ces avocats parisiens, Pierre Stibbe et Henri Douzon, témoignent du climat de terreur et d’insécurité entretenu alors dans la Grande Île avec la complicité active de la Haute Administration. Dans ces conditions, on mesure le courage dont a fait preuve Gisèle Rabesahala en acceptant d’accomplir sa lourde et délicate mission.
Le procès de Tananarive qui s’achève le 4 octobre 1948 par un scandaleux verdict (pas moins de 6 condamnations à mort) marque pour Gisèle Rabesahala le début de son engagement dans un très dur combat qui va durer plus de 60 ans. Un combat qui va la conduire dans une trentaine de pays, dont l’île de La Réunion, où elle apporte sa contribution à l’édification d’un monde plus solidaire. Un combat qu’elle mène inlassablement sur tous les fronts dans son île natale en dépit de la répression dont elle est très souvent victime. Témoin privilégié de la parodie de procès des parlementaires malgaches, elle met tout en œuvre afin d’obtenir leur amnistie, ainsi que celle de tous les prisonniers politiques de Madagascar, dont le nombre se chiffre à plusieurs milliers. Ce qui la conduit à fonder le 3 mai 1950 le Comité de solidarité de Madagascar, dont elle sera pendant plusieurs décennies la secrétaire générale. Sa persévérance finira par porter ses fruits : en 1957, l’Assemblée nationale française se prononce pour l’amnistie de tous les prisonniers politiques de Madagascar, impliqués dans le soulèvement de 1947, qui, rappelons-le, fit près de 100.000 morts. En élevant, en 1967, au grade de la Légion d’honneur deux des parlementaires malgaches condamnés en 1948, le général de Gaulle admettra implicitement que la cause défendue par des dizaines de milliers de Malgaches en 1947 était juste.
Outre le Comité de solidarité de Madagascar, Gisèle Rabesahala était cofondatrice de nombreuses associations politiques et syndicales. Parmi celles-ci, citons :

- L’Union du peuple malgache (UPM) fondée en 1956 qui devint très vite une des principales forces politiques de l’île.

- Le Parti du congrès de l’indépendance de Madagascar (AKFM) fondé en novembre 1958. Ce parti regroupe 5 organisations indépendantistes, dont la puissante UMP. Le secrétariat général de l’AKFM fut confié à Gisèle Rabesahala.

- Le Syndicat des travailleurs malgaches (FISEMA) dont elle a été membre d’honneur jusqu’à sa mort.
Ajoutons qu’elle faisait partie du comité de rédaction de deux importantes publications malgaches, dont la plus connue est "Imongo Vaovao", née le 22 avril 1955.
Ma brève intervention serait incomplète si je ne vous disais qu’il m’a été donné de rencontrer Gisèle Rabesahala à 2 reprises à Tananarive en 1968 et au Port, lors d’une de ses dernières visites à la cité maritime.
En outre, j’ai eu l’occasion de lui téléphoner ou de lui écrire à chaque fois que je rédigeais un texte concernant Madagascar.
De la dernière lettre qu’elle m’a adressée le 7 juin 2010, permettez que je vous cite un bref passage : « je me doute que ces quelques lignes ne répondent pas à vos attentes et je suis heureuse de constater que sur le plan documentation, vous êtes mieux nanti que moi… Je profite de l’occasion pour vous dire, cher ami, combien je suis sensible à l’intérêt que vous témoignez à l’histoire de Madagascar. Grâce à "Témoignages", j’apprécie vos efforts de recherche et je vous souhaite bien du succès ».
Voilà schématiquement rappelé ce que fut la vie militante de Gisèle Rabesahala, une vie totalement consacrée à la défense des droits élémentaires de tous les êtres humains. Elle a donc droit à notre gratitude.

Eugène Rousse

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Messages

  • Merci d’un parisien militant de la cause anticoloniale.

    Nous allons maintenant, à la limite de nos moyens, devoir ébranler le mur de silence qui tente d’étouffer les voix de la mémoires.

    Merci de ces repères pour étayer par des faits incontournables les raisons d’un combat à faire partager...et ici, ce n’est pas si simple.
    Avancez, continuez à tracer votre propre voie. C’est la meilleur façon de faire tomber les murs.

    Fraternellement
    C. le R.


Témoignages - 80e année


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