Hommage à sept martyrs réunionnais (1949 – 1978) — 6/7 —

Le 17 mai 1974 : l’assassinat de Joseph Landon au Port

7 mars 2009

Comme chaque samedi, nous continuons à célébrer le cinquantenaire du Parti communiste réunionnais en citant des extraits d’un ouvrage d’Eugène Rousse à paraître bientôt afin de rendre hommage aux 7 Réunionnais qui ont trouvé la mort en étant victimes des violences néo-coloniales entre 1949 et 1978.
Nous avons d’abord rappelé l’agression mortelle infligée à Marcel Dassot au commissariat de police de Saint-Denis en 1949, puis l’assassinat de François Coupou par des CRS en 1958 à Saint-Denis, l’assassinat du jeune Héliar Laude par un nervi à Sainte-Clotilde en 1959, la mort de Thomas Soundarom tué par des gendarmes en 1962 à Saint-Louis et la tragédie d’Édouard Savigny tué le 10 décembre 1967 par des nervis près de la mairie de Saint-André.
Voici à présent comment Joseph Landon, un Portois de 35 ans, a été tué le 17 mai 1974 par des hommes de main d’un patron, près du cimetière de La Possession, alors qu’il rentrait chez lui après un meeting avec Paul Vergès pour le second tour de l’élection présidentielle. Jugé par la cour d’assises de Saint-Denis, le 2 août 1979, son assassin a été condamné à 4 ans de prison, dont deux ans et demi avec sursis.

Le vendredi 17 mai 1974, à 20 heures, le meeting de clôture de la campagne électorale présidentielle pour la commune du Port se tient dans la cour arrière de la mairie. En vue de faciliter la participation à ce meeting des habitants de La Ravine à Marquet — un écart de la commune du Port — un bus est mis à leur disposition sous la responsabilité de Ludovic Latra, un militant communiste de ce quartier éloigné de la mairie d’une dizaine de kilomètres.
Joseph Landon et une trentaine d’autres personnes prennent place dans le bus vers 18 heures. À leur arrivée à la mairie, où se presse une foule dense, ces personnes devront faire preuve de patience avant de pouvoir entendre les orateurs de la gauche unie, dont Paul Vergès et Jean-Christophe Mitterrand.

Un meeting sous surveillance

Non loin de là, une camionnette Peugeot 404 de l’entreprise Maurice Tomi reste garée pendant plusieurs heures. Dans ce véhicule, facilement repérable en raison des affiches électorales de Valéry Giscard d’Estaing qui le recouvrent, trois hommes font le guet. Il s’agit de Paul Lefèvre, Augustin Hamilcaro et Gilbert Bourdat.
On apprendra plus tard que s’ils sont là, c’est à la demande du chef d’entreprise Maurice Tomi, dont les ateliers sont situés dans la zone industrielle n°1 du Port. Ce dernier — qui les a réunis dans l’après-midi du 17 mai — leur a confié la mission d’aller « surveiller la réunion politique de la mairie ».
Dès la fin du meeting, vers 22 heures 15, Ludovic Latra entreprend de rassembler toutes les personnes qu’il doit reconduire en bus à La Ravine à Marquet. Et là, très grande surprise : Landon ne répond pas à l’appel de son nom !
Des recherches minutieuses sont alors effectuées dans un assez large périmètre autour de la mairie. Ces recherches étant infructueuses, le retour des passagers du bus à La Ravine à Marquet est décidé. Mais les recherches ne cessent pas pour autant. En vain. Chacun rentre ensuite chez soi, n’osant pas imaginer un seul instant qu’il ne reverra jamais plus Landon vivant.

Derrière le cimetière

Or, le jour est à peine levé lorsque la nouvelle de la mort de Landon se répand comme une traînée de poudre dans le quartier de La Ravine à Marquet. Son corps a en effet été découvert derrière le cimetière tout proche, dans les herbes, à quelques mètres de l’étroit chemin de terre à peine carrossable reliant le cimetière à l’extrémité Est de l’avenue Raymond Mondon en ville du Port.
Ce chemin, long de quelque 1.500 mètres, qui desservait l’aérodrome du Port avant l’ouverture de Gillot fin 1946, permettait aux travailleurs de La Ravine à Marquet et des environs de se rendre à pied au centre-ville du Port. C’est l’un d’eux qui, vers 7 heures, a découvert le cadavre qu’il n’a eu aucun mal à identifier.
La victime gisait à environ 3 mètres du bord du chemin, recroquevillée, les bras tendus vers le visage, comme pour esquisser un ultime geste de défense.

Un verdict sans commentaire

Quelle sera la décision de la Justice à l’encontre des personnes mises en cause dans cet assassinat ? (…) C’est en pensant probablement à l’arrêt rendu 11 ans plus tôt par la Cour d’assises de Saint-Denis, lors du procès des assassins d’Édouard Savigny, que le public attend le verdict dans “l’affaire Landon”.
Après seulement 15 minutes de délibération, il apprend qu’Hamilcaro n’aura plus que quelques semaines à passer à la prison Juliette Dodu, ayant été condamné à 4 ans de prison, dont 2 ans et demi avec sursis. Un tel verdict se passe évidemment de tout commentaire.

Eugène Rousse

(à suivre, samedi prochain)

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