Il a donné son cœur et sa voix aux Mozambicains, aux Angolais, aux Brésiliens, aux Portugais et au monde entier avec un seul objectif : voir le peuple au pouvoir

Les Mozambicains pleurent “Azagaia” !

18 mars 2023, par Messias Uarreno

Comment ne pas pleurer avec mon peuple ? Comment ne pas me joindre à mes frères et sœurs Mozambicains pour honorer et rendre hommage à l’un des meilleurs rappeurs que le Mozambique n’ait jamais vu naître ? Le jour noir pour le peuple mozambicain a certainement été le jeudi 9 mars 2023, lorsque la triste nouvelle de la mort d’Edson da Luz, sous le pseudonyme d’Azagaia, s’est rapidement répandue. Le terme azagaia désigne une lance courte et fine utilisée comme épieu par les chasseurs.

Lorsque j’ai reçu la triste nouvelle qu’une crise d’épilepsie nous avait arraché Azagaia, à seulement 38 ans, je n’arrivais pas à y croire. Mes yeux se sont rapidement inondés de larmes lorsque j’ai vu les statuts WhatsApp, Facebook et Instagram couverts de messages, de photos et d’une partie des paroles de la chanson de celui qui est certainement l’un des meilleurs rappeurs et si ce n’est le plus aimé et applaudi par notre génération.
Qui criera pour nous à la porte de la ville ? Le peuple au pouvoir !

Azagaia était un musicien mozambicain au traitement simple, il parlait et, avec beaucoup d’audace, il discutait de sujets tels que la corruption, les inégalités sociales, les guerres, le chômage et la liberté d’expression. C’est un homme qui a donné son cœur et sa voix aux Mozambicains, aux Angolais, aux Brésiliens, aux Portugais et au monde entier avec un seul objectif : voir le peuple au pouvoir.

Azagaia ne donnait pas de spectacles, il donnait des rassemblements. Je me souviens qu’à l’âge de 19 ans, j’écoutais déjà la musique d’Azagaia, qui a commencé sa carrière musicale à l’âge de 13 ans, au sein du groupe Dinastia Bantu, avec MC Escudo, avec qui il a sorti l’album “Siavuma” en 2005. Cependant, son nom s’est fait connaître en 2007 lorsqu’il a publié sa première œuvre solo, “Babalaze” (qui signifie « gueule de bois »), sur Cotonete Records. Cet album, qui a battu des records de vente, témoigne d’une voix expressive, d’une rigueur esthétique et d’une approche cohérente. Dans l’une de ses chansons, « As mentiras da verdade » en français (Les mensonges de la vérité), met à nu les graves problèmes de justice, parle de la richesse du pays contrastant avec la pauvreté de son peuple. Il remet également en question la liberté d’expression, dénonce le népotisme, le néocolonialisme et la corruption. En 2013, il sort l’album “Kubaliwa” qui ne fait que réitérer sa grandeur. Mais la maîtrise se transcende dans « Cães de Raça » en français (Chiens de race). Sans crainte, la chanson nous entraîne dans un débat sur la question de savoir si les Mozambicains sont moins ou plus nationaux, s’ils sont ou non d’origine africaine. Mais Azagaia ne s’arrête pas là. Il parle des Mozambicains pauvres et noirs, de l’asservissement de leur religion, celle d’origine africaine…

Azagaia a déclaré un jour dans l’émission « 2 Contra 1 » en Angola « Je ne suis plus important, parce que ce que je devais faire, je l’ai déjà fait (…) le travail, ce que j’ai fait (…) c’est ce qui est important… ». Il a déclaré qu’en tant qu’artiste, il était un éclaireur pour la société, un conseiller, et qu’il le faisait par le biais de la musique. La date de la mort de ce musicien marque le début d’un phénomène social appelé “Azagaia”. Comme on peut le constater, le 14 mars, de manière spontanée, la Place de l’indépendance a été inondée d’admirateurs du musicien “rappeur” et activiste social. Alors que ses funérailles se déroulaient à l’intérieur du bâtiment du Conseil municipal de Maputo, les gens scandaient le refrain de certaines chansons d’Azagaia, en particulier : Le peuple au pouvoir.
Une légende ne meurt pas. Azagaia, l’éternel vainqueur des causes perdues, vit en chacun de nous.

Messias Uarreno

Messias Uarreno est Mozambicain, titulaire d’un master en sciences politiques : gouvernance et relations internationales de l’Université catholique portugaise. Il est étudiant en master d’information et de communication à l’Université de La Réunion.
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