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Le monde culturel réunionnais endeuillé : Marc Polot, dit “Marco” n’est plus

lundi 12 juin 2006


Marc Polot, acteur culturel portois estimé de tous, est mort brutalement samedi d’une crise cardiaque. Il avait 58 ans. De nombreux amis se sont aussitôt regroupés autour de sa compagne et de leurs deux filles. La veillée mortuaire a eu lieu dans la nuit de dimanche à Saint-André et plus de 150 amis du défunt étaient hier après-midi au Funérarium de Commune Primat, pour un dernier Kabar avant la crémation.


"La moin lé mor moin la !" Petite phrase anodine. Maëlle, l’amie d’enfance, l’a souvent entendue dans la bouche de “Marco” quand, exténué par une de ces tâches auxquelles il se donnait corps et âme jusqu’au bout, il s’effondrait sur une chaise parmi quelques amis ou au milieu des siens.
Qui ne connaît pas Marco Polot au Port, à La Réunion et jusque dans le Sud de la France où il s’était pour un temps exilé avec sa famille ? Partout où il a travaillé, il a laissé à de très nombreux amis le souvenir d’un homme intègre, exigeant, impliqué à fond dans ce qu’il entreprenait et si chaleureux, si rassembleur. “Marco” était un acteur culturel d’une qualité rare, soulignée hier par tous ceux qui sont venus lui rendre un dernier hommage.
Ses amis sont venus nombreux, de partout et notamment du Port. Tous les pôles culturels de la ville ont un jour testé, apprécié et quelquefois mis à dure épreuve les compétences professionnelles et humaines de Marco. Geneviève Pothin, qui l’a recruté en mars dernier au service culturel de la ville, pleurait hier un compagnon de travail sans équivalent. "C’était un rayon de soleil, Marco, une locomotive avec une immense bonté, une sympathie rayonnante, une telle générosité... Je trouve qu’on ne lui a pas vraiment rendu ce qu’il nous a donné. Je ne pouvais pas trouver mieux... Nous commencions la journée par le quart d’heure de sympathie". Il suffisait de donner à Marco un objectif, une ligne directrice... et il partait à fond. "Il avait un réseau plus grand que le mien, et personne ne disait non à Marco", ajoute Geneviève Pothin qui réalisait hier qu’elle a "perdu un guide [qu’elle n’a] pas eu le temps de suivre". Le dernier projet mis en place par le service culturel est “Famn do kèr” dont le double sens créole projette de réunir sur scène, le 24 novembre prochain, des femmes chanteuses entraînées par Françoise Guimbert, Salem et Nathalie Nathiembé.

L’aventure du Village Titan

Alain Courbis, du Pôle régional des musiques actuelles (PRMA) et l’acteur Dominique Carrère, évoquaient le dévouement de Marco dans l’accompagnement des musiciens invités par le PRMA. Ce dévouement, de nombreux acteurs culturels peuvent en témoigner, comme Alain Séraphine qui, au nom de Village Titan, avait chargé Marco d’aller chercher Alain Peters en France, où le poète s’étiolait dans la marginalité. D’autres l’ont vu tout tenter pour sauver les toiles de Patrick Nantaise, un jeune peintre portois qui s’est immolé par le feu.
Alain Gili, lui aussi recruté de fraîche date par la ville du Port après des années de militantisme culturel, a connu Marco depuis le comité anti-apartheid (1978-1982), "dans l’effervescence de la création de Village Titan". "Il a vécu le Port profond, marginal et il en avait gardé un goût du burlesque et du tragique de la vie. Il était d’un anti-racisme véhément, dans la drôlerie et le dévouement" a-t-il dit de Marco.
Orphelin dès l’enfance, Marc Polot a grandi près de la “route déserte”, au Port, chez "une femme malgache qui l’avait adopté" se souviennent quelques amis, qui parlent d’une "enfance dure". Depuis plus de 25 ans, il s’est impliqué dans la vie culturelle réunionnaise : dans l’aventure de Village Titan et dans d’autres associations. "Il avait cette idée d’un orphelin qui crée autour de lui des familles expressives. Il était impossible de l’enfermer dans une définition. Autodidacte, il était à la fois capable de se débattre avec les structures institutionnelles, en même temps qu’il était profondément enraciné dans la culture populaire, et jouait un rôle d’interface rare dans le monde culturel", a ajouté Alain Gili.

"Le roi des chemins de traverse"

"Il était le roi des chemins de traverse. Il ne prenait jamais de ligne droite et est passé par tout", se souvient Dominique Blanc, qui a vécu avec Marco, Nathalie Legros et Danyèl Waro l’épopée musicale et pédestre d’Art Mafate, en 1988 et 89. La revue “Chorus” rappelait l’année dernière encore les sept pages que “Paroles et Musiques” avaient alors consacrées à l’événement.
Comme Nathalie Legros, Antoine Duvignaux (Lerka) et Patrice Treuthardt étaient muets de douleur. Tous étaient consternés, à commencer par les copains “boulistes” de Marco, qui le voyaient tous les week-ends.
Comme tous les samedis, Marco a quitté la kaz et les siens - ils étaient hébergés chez le musicien Serge Sinimalé depuis mai 2005 - pour une rencontre de pétanque à Sainte-Rose. Ils ne l’ont plus revu vivant.
De Saint-André, au Port et jusqu’à Valence où “Marco” a vécu cinq ans parmi les jeunes et les immigrés, tous garderont vivant le sourire, les “coups de gueule” et les marées “gro kèr” du meilleur des dalons.

P. David

NDLR : L’équipe du journal s’associe à la douleur des proches et des amis de Marc Polot, pour témoigner à Francia, sa compagne, Nelly et Dévi, leurs filles et à leur famille, notre sentiment de profonde solidarité dans ce drame.


Kabar au Funérarium

Pas de prêtre hier au Funérarium. Marco n’en fréquentait guère, même s’il parlait avec tout le monde. A-t-il ri dans sa boîte, en entendant Juliane Salvat lire un poème apostrophant "le vieux Sourd sans descendance" ? Ses amis autour n’avaient pas le cœur à rire. Danyèl Waro a ouvert le kabar. Maloya, la pa nou la fé... Puis Annie Darencourt, Franswa Sint Omer, Nathalie Natiembé, Françoise Guimbert... Tous avaient une histoire avec Marco. Tous ont voulu lui dire “merci” et le feront encore, dans de prochains rassemblements, tant Marco va leur manquer, comme il va manquer à tous.

La Fête de la musique sur le réseau FAR : Dédiée à Marco
Lundi 19 juin, l’émission de 17h à 18h, sur la Fête de la Musique, sera dédiée à Marc Polot.


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Messages

  • Mon grand frère, parti trop tôt rejoindre un autre monde là-haut, avec qui, à chacune de nos rencontres, causant de La Perle de l’Océan des Indes, nous tâchions de transformer l’ordure en or fin.
    Figure réunionnaise, persistant dans l’étranger-voyageur qu’il estimait être : En prison avec des otages du flagrant délit, pour peindre des berceaux sans barreaux ; lointain, pour conduire un créateur qui s’enfuira sur les terres de L’Ile de France jusqu’en Provence ; poète voyageant sur l’île juvénile auprès des versificateurs militants de la langue réunionnaise ; auteur, y ramass L’A-P dann shomin, kodindé y vé pu artourn lazil ; marin, préférant naviguer dans le déferlant ; martin, du parler malagassy, langue, origine, lexique, phonème, terroir, maloyé dann koko la ; poète éloigné, avec femme, enfants, force et vie, otréman dir, son kote shokola. Il n’était jamais enfermé, fénoirsité lui prévenait que c’était source de kankrela. KAN le KRE lé LA, finissait-il par dire, kankréla lé par la.
    Markopolo, in dépitasion y pran amoin. In kouran d’lo y pass dann mon do. San déranz out zam, mi vien pa démay out trimandaz, mé vé dir solman ké ou la bate la sianss ! Ou la fé kome ou té vé fé, kome out kèr té kontan.
    Markopolo, mi rapèl : kan manzé té tiré, ni té atak. Mé solman baya, nou lavé fin, nou lavé bezoin, alorss nou té fé pa tiboush pou astikote poison noyé dann politik, in soss y défadiz le kari « ti molé-gro jenou » Ni té débouz pa la ziskatan la riv lèr débouss boite makro-pil-sar-ko.
    Koukoune dann bèk, ni arlim sakistan. Markopolo, mi souvien bien, i falé pa fanal i tinn…
    Non, pas le poète, il n’était pas un phraseur. Le K… Barèr ? Oui, le Kabarèr, puisqu’il parlait à l’âme, uniquement à l’âme.
    Markopolo ! Que de sentiers parcourus, de questions posées, de questions non éludées, de questions sans réponse, d’ombres non levées, que de clairs obscurs, d’obscures clartés, de broussailles à débroussaillées, d’emmêlements à démêler, de cheveux maillés à démailler, de boucans brûlés à restaurer, de seaux d’eaux charroyés, jusqu’à ce que la vérité montre les plaies et les cicatrices de ton visage.
    Tu croyais que la vie compte moins que la mort, tu pensais avoir payé tes dettes, avec amour. Tu pensais panser les blessures infligées que d’autres t’ont infligées, recoller les lèvres béantes des plaies, réduire les larges et innombrables fractures… chimérique espoir !
    Mais voilà qu’au lieu de rire de ton éternelle naïveté, ta foi me gagne. A mon tour, je paie ma dette avec amour.
    Notre rencontre non annoncée, mais écrite quelque part sur le quai de la gare de Grenoble, a débouché mes oreilles bouchées, dessoudé ma bouche soudée et fait fuser haut et clair, le chant de ma voix éteinte.
    Comme il nous a fallu du souffle et de la voix pour assembler nos connaissances, les ordonner, les comparer, obstruer les trous, déduire, induire, comprendre pourquoi la voix de nos ancêtres manque à l’appel de leurs noms.
    patrick cazanove

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