30 Juin 1993 -30 juin 2007. Quatorze ans, après la disparition de Lucet Langenier, son souvenir continue de vivre parmi de très nombreux Réunionnais qui voient toujours en lui l’incarnation de la lutte contre les oppressions, les injustices, l’égalité, les discriminations et surtout le symbole de la victoire des petits et malheureux contre les possédants et dominants. Un exemple de courage à imiter et à vivre...
C’est ainsi que samedi dernier, une forte délégation conduite par le Maire de Sainte-Suzanne, son camarade et collègue du Port, Jean-Yves Langenier, le secrétaire général de la Fédération CGTR-Ports et Docks, Michel Séraphine, le président de l’Association de Sainte-Suzanne “Ensemb, Ensemb” est allée se recueillir sur sa tombe.
Tous ces militants avaient en effet tenu à exercer leur devoir de mémoire en l’égard de celui qui, dès son arrivée en 1980, à la tête de la municipalité avait, avec une équipe de femmes et d’hommes de progrès, inséré la commune sur la voie de la modernisation et du développement.
Un devoir de mémoire qui serait incomplet, voire vain, s’il ne s’accompagnait pas d’un esprit de fidélité incitant à poursuivre la lutte contre les injustices sociales incarnées par Lucet Langenier. D’où la nécessite pour tous de redoubler de mobilisation, et cela, dans un contexte économique et social, particulièrement inquiétant.
Quatorze ans après sa disparition, le souvenir de Kunta Kinté continue de fleurir dans nos esprits et nos cœurs : c’était, outre l’allocution des personnes présentes et la forte présence de militantes et de militants, également le sens de la gerbe de fleurs déposée sur la tombe de ce grand Réunionnais.

1993-2008 : Quinze ans, après la disparition de Kunta Kinté, à l’occasion d’un hommage exceptionnel qui lui sera fait, les Réunionnais de Sainte-Suzanne et du Port se lèveront comme un seul homme pour rappeler fièrement l’héritage de lutte laissé par Lucet, un héritage donné en partage à l’ensemble de la population de l’île qui ne manquera pas, à coup sûr, de s’en enrichir afin de repartir de plus belle sur le chemin de la lutte pour le développement et le respect de la dignité humaine. Autrement dit, une lutte inexorablement permanente ! En d’autres termes, le combat continue !

M.S.

Un fervent combattant de l’identité réunionnaise

Dans son édition du 1er juillet 1993, "Témoignages" retraçait les grandes étapes de la vie de Lucet Langenier.

Lucet Langenier est né le 6 janvier 1943 au Port. Il a fait ses études secondaires au Lycée Leconte de Lisle puis a poursuivi des études supérieures à la Faculté de Sciences de Toulouse. De retour à La Réunion, il nseigne en tant que professeur de sciences. Marié, il était père de quatre enfants. Ses engagements politiques étaient nombreux. En 1961, il est membre fondateur de l’Organisation démocratique de la jeunesse réunionnaise (ODJR). Puis en 1969, il fonde le Front de la jeunesse autonomiste Réunionnaise (FJAR). Membre éminent du Parti Communiste Réunionnais, il occupera de nombreux postes d’élu. Le premier, il le décroche en 1979, lorsqu’il devient Conseiller général de Sainte Suzanne. Au Département, il a occupé le poste de vice-président et de président de la commission "agriculture et pêche". Puis, en 1980, il enlève la Mairie de Sainte-Suzanne. Il devient Conseiller régional en 1986, chargé des affaires agricoles et culturelles. Il était également vice-président du SIVOMR, vice-président de la SEMADER et de la SEMITTEL. Lucet Langenier a toujours été un fervent combattant de l’identité réunionnaise.

An plis ke sa

Hommage à Laurent et à Cédric

La délégation de militants a profité de déplacement au cimetière paysager afin de rendre également hommage à la mémoire de Laurent Vergès et de Cédric Langenier. La délégation s’est recueillie devant les tombes des deux disparus après y avoir déposé une gerbe de fleurs. Des moments placés sous le signe d’une émotion intense...,

Nous ne broirons pas du noir

Au lendemain de la disparition de Lucet Langenier, "Témoignages" rappelait combien il est difficile d’extirper les séquelles coloniales dans les expressions de tous les jours.

Lucet Langenier n’est plus. Il laisse une femme et quatre enfants. Il avait à peine plus de 50 ans. Sans doute y a-t-il beaucoup à dire sur son compte. Par exemple qu’il était l’un des piliers du Parti communiste réunionnais. Ou encore qu’il a de tout temps fait preuve d’un courage politique - quand ce n’est pas physique - qui forçait le respect. Qu’il possédait parfaitement ses dossiers, sans pour autant se laisser envahir par eux au point de se couper de la population. Qu’il était d’un dévouement à toute épreuve vis à vis des plus pauvres. Qu’il avait de l’humour et un coeur gros comme ça. Il y aurait tout cela à dire.
Et depuis hier, cela a déjà été dit et sera certainement encore répété dans les jours, les semaines, les années qui viennent. Car ne dit-on pas que la mémoire des grands hommes ne s’éteint jamais ? Alors que dire de plus pour parler de Lucet ? Peut-être faire part du sentiment personnel que l’on avait pour ce bonhomme. Pour ce pince-sans-rire qui savait si bien faire éclater de rire les autres. Même si parfois ce rire là était un peu contraint. C’est qu’il n’est jamais agréable d’être pris en flagrant délit de comportement... disons pour le moins douteux.
Or Lucet ne laissait jamais passer sans réagir des expressions du style « point noir », « idées noires », « série noire », etc. « Je me demande pourquoi tout ce qui est négatif doit obligatoirement être "noir" », avait-il l’habitude de dire. Simple, mais efficace pour démontrer à quel point notre société - et son langage - baignent dans "Une ambiance que certains pourraient qualifier de raciste.
Cela, Lucet ne pouvait l’admettre. Alors nous ne dirons pas que sa disparition nous fait broyer du noir. Même s’il est dur de trouver une autre expression.
Preuve que Lucet avait raison lorsqu’il disait qu’il n’est pas facile de changer les (mauvaises) habitudes. Nous allons pourtant essayer de le faire. En souvenir de sa mémoire. C’est sans doute la meilleure façon de continuer à le faire vivre.

"Témoignages" du 1er juillet 1993