Veillée mortuaire au Funérarium

Récits fragmentés et amicaux d’une “épopée”

14 septembre 2005

L’adieu à Daniel Pavageau a commencé hier matin au Funérarium de Commune Primat, où seuls de rares proches avaient accompagné le corps, la veille au soir. Hier, les visites se sont enchaînées toute la journée, témoignages vivants de l’immense sympathie que le disparu avait su éveiller autour de lui et s’attacher parfois depuis de longues années.

Quand un être humain disparaît, les conflits, rivalités ou guerres de position qu’avait pu susciter sa présence, dans chaque enjeu de pouvoir, fondent dans un flot de compassion, rappelant à ceux qui restent qu’ils et elles ne sont pas là pour longtemps. Avec un homme de la dimension de Daniel Pavageau, la comédie du pouvoir n’avait jamais le dernier mot. Ceux et celles qui vont l’accompagner ces jours-ci sont pour l’essentiel des proches, d’anciens collaborateurs, des compagnons d’arme de l’“épopée de la Semader”, des amis d’hier ou de toujours. Peu de masques, ou jamais bien longtemps.
“L’épopée de la Semader” racontée par Eric Wuillai, directeur de CBO-Territoria, et Michel Oberlé, directeur de l’association régionale des maîtres d’ouvrage sociaux (ARMOS), c’est l’histoire d’une “bande de copains” qui, à force d’y croire, ont forgé le plus formidable outil de développement encore jamais essayé ici. "On était fous" se souviennent ensemble l’ancien directeur technique de Daniel Pavageau à la Semader et l’ancien trublion de l’Agence d’Urbanisme de Saint-Denis, qui évoque "vingt ans de compagnonnage" avec le disparu. Pas pour remuer des histoires d’anciens combattants mais, ajoute Eric Wuillai, "parce qu’on ne se rend pas compte ce que c’est que monter une société à partir de rien et se retrouver à 170 quinze ans après". "Plus qu’une société, c’était un super challenge", rappelle Michel Oberlé. "De 85 à 2000, la Semader, cela a été une embauche par mois", résument-ils.
Et travailler avec Daniel Pavageau, ce n’était pas aller faire des heures de présence dans un bureau. Les quelques anciennes collaboratrices de la Semader venues de Saint-Louis, Saint-Pierre ou le Port, en témoignent avec passion : "Daniel Pavageau, c’était quelqu’un d’humain, toujours à l’écoute"... "Ce n’était pas un politicien, mais un être un humain, et quelqu’un comme nous..." "Les acquis sociaux de la Semader, c’est lui", ajoute une autre. "Nous étions tous traités de la même manière, nous, les employés de toutes catégories. Il n’y avait pas de rapport de hiérarchie avec lui. Nous étions une famille..." "C’était notre papa", dit même une autre, Mylène, qui a suivi il y a six mois son ‘coach paternel’ à la Sedre.

Des co-équipières fidèles

Elles racontent que toutes les anciennes co-équipières de Daniel Pavageau ont demandé à le suivre à la Sedre, ce qui était irréalisable. Mais il n’avait pas renoncé à les retrouver un jour, qui sait... à nouveau à la Semader ! "Après les élections de 2008", leur aurait-il lancé. Beaucoup en gardaient l’espoir.
Amina pas moins que les autres, elle qui depuis deux mois a fait le choix de quitter le siège de Saint-Louis. À la Semader, elle était l’assistante de direction d’Eric Wuillai, en collaboration avec Sergiane, aujourd’hui à la SR21. "En 2001, on a d’abord pensé qu’il resterait là (à la Semader -Ndlr). Il est tellement humain, sans conflit. Mais il s’est senti surveillé dans ce qu’il faisait. Les nouveaux dirigeants lui ont demandé de faire un compte-rendu d’activité hebdomadaire !", se souvient-elle.
Tous racontent, chacun avec des fragments différents, une même histoire de compagnonnage, un combat de tous les jours pour monter les dossiers de lotissement, contourner ou abolir une législation ou réglementation inadaptée aux besoins de l’Outre-mer. Michel Oberlé rappelle comment ils ont obtenu, en 1987 du ministre Bernard Pons, une modification "du texte qui empêchait de faire du locatif dans les DOM". Si la force de frappe de la Semader tenait parfois du “commando de choc”, c’est aussi parce qu’elle bénéficiait d’une assise politique et sociale peu commune.
Au bord du patio apparaît Bruno Mamindy-Pajany, actuel maire de Sainte-Rose, précédé d’un bouquet. Il y a maintenant vingt ans, il a été avec Daniel Pavageau l’un des porteurs de la création des Mutuelles, un outil imaginé avec un dirigeant mutualiste de France, M. Papo, pour permettre aux attributaires d’un logement social de se porter acquéreurs.
"La Semader a tout défriché : la vente des LTS, leur gestion, les LES (en accession à la propriété), les RHI...", se souvient Michel Oberlé. "C’était une sorte de folie ; il fallait plus que du professionnalisme pour réussir cela, mais si la Semader n’avait pas commencé, personne n’aurait rien fait", dit encore le directeur de l’ARMOS.
Les autres opérateurs, SIDR, SEDRE et SHLMR - dont des représentants étaient là hier - reconnaissent en général ce rôle pionnier et défricheur de la SEMADER. M. Davrinche, parti de la SEDRE quand Daniel Pavageau y arrivait, pour rejoindre la CINOR et M. Thibier, directeur général de la SHLMR, sont passés vers la mi-journée avec d’autres collaborateurs, passés par les différents organismes.

Quelques amis...

Autour d’eux, quelques amis du cercle semi-professionnel ou du cercle privé. Bertrand Reverdy, ancien directeur de l’AREA - dont la Semader était actionnaire - parti sur un conflit dur avec les nouveaux dirigeants de la SEM, garde le silence du “pote” qui ne veut pas craquer. Jean-Serge Torres, ancien responsable de la cellule prospective de la DDE, est un ami de 35 ans. Ils s’étaient connus dans le Nord de la France ; lui était urbaniste à l’agence de Dunkerque quand Daniel Pavageau était à l’agence d’urbanisme de Calais, après un passage en Algérie et dans le Sud de la France. Puis il l’avait précédé sous les tropiques. "Je l’ai accueilli ici à son arrivée... C’était un ami très cher. J’ai vu grandir ses enfants", égrenne-t-il, abasourdi. Il pensait aussi accueillir son copain dans la retraite et regrette leurs parties d’échecs dominicales.
Philippe et Clarisse ont fait le voyage depuis Paris, où ils accueillaient leur ami lors de ses passages, récemment encore, dans des liens d’amitié entretenue depuis quinze ans. Philippe a créé ici en 1987, une antenne du bureau d’étude Béture. Il avait travaillé sur les RHI et lorsqu’il est arrivé : "Il y a une personne qu’il te faut voir", lui a-t-on dit en le dirigeant droit sur le jeune directeur de la SEMADER. "Il ne m’a pas fait de grandes démonstrations techniques. Il m’avait emmené à Saint-Ange Doxile (au Port -Ndlr). Il montrait simplement que pour bien faire, il fallait voir en grand et agir dans l’ordre en faisant les choses les unes en lien avec les autres dans une vision globale et toujours anticipées", se souvient-il.
Dans la soirée, d’autres amis et connaissances affluaient. Toutes les personnes qui se sont déplacées étaient toutes très touchées quelle que soit leur place dans la société. Tous avaient rencontré un homme à l’écoute et venaient lui témoigner leur tristesse. Ils seront au moins aussi nombreux cet après-midi à 15 heures, pour la cérémonie religieuse et la bénédiction donnée par le père Recollet, curé du Bois de Nèfles.

P. David


Messages de condoléances

o Guy Ratane-Dufour, secrétaire général du Mouvement de la Gauche Écologiste Réunionnaise

Un grand bâtisseur social

C’est avec stupeur que nous avons appris le décès de Daniel Pavageau.
Daniel Pavageau était connu de tous les Réunionnais comme un grand bâtisseur social. Nous lui devons la plupart des grands projets de logements sociaux de notre île depuis 1983. Ce qu’il faudra reconnaître avant tout, ce sera le travail considérable qu’il a abattu depuis le jour où il a mis le pied sur la terre réunionnaise.
Mais Daniel Pavageau était surtout un homme de cœur et c’est sans aucun doute le souvenir qu’il laissera à tous ses amis et à tous ceux qui l’ont approché.
Le Bureau politique du MGER ainsi que ses militants se joignent à moi pour présenter nos condoléances les plus attristées à sa famille et à ses proches.


o Gino Ponin Ballom, président de la SIDR

"Un homme qui a apporté toutes ses compétences aux services des Réunionnais"

J’ai été attristé par la nouvelle du décès de Monsieur Pavageau.
Je tiens à rendre un vibrant hommage à cet homme qui a apporté toutes ses compétences aux services des Réunionnais.
À son épouse et à ses enfants je présente mes plus sincères condoléances.


o La SEMADER

Disparition d’un constructeur

Après la disparition brutale de Daniel Pavageau, la SEMADER se souvient avec respect et émotion de l’homme grâce à qui elle a vu le jour, grandi et œuvré, et tient à lui rendre hommage.
À la SEMADER, qu’il avait créée et dirigée de 1985 à 2001, tous ne l’ont pas connu. Et pourtant, tous le connaissent. Haut en couleur, caractère grand teint, Daniel Pavageau était aussi apprécié pour sa générosité et son humanité, son sens du service aux publics.
Développeur visionnaire, il avait fait de la SEMADER la première SEM de France en termes de chiffre d’opérations.
Mais plus que la quantité, c’est la qualité du travail accompli qui aura marqué la mémoire des collaborateurs de la SEMADER. Tout comme il aura imprimé son empreinte dans l’histoire de notre l’île, celle du logement, de l’aménagement urbain et du développement économique.
Grâce à lui, notre entreprise aura innové dans de nombreux domaines et toujours porté haut l’exigence au service du développement de La Réunion et de ses habitants, en particulier des plus modestes.
Le Nombre d’Or - récompense que la SEMADER avait obtenue en 2003 pour des opérations que Daniel Pavageau avait lancées - nous montre, si besoin était, que l’exigence et la recherche de la qualité doivent traverser les époques et nous invite à poursuivre l’œuvre entreprise, et agir avec cette passion qui l’animait.
De sa famille, de ses proches, tous les collaborateurs de la SEMADER partagent aujourd’hui la peine.


o Jean-Marc Bénard, président de la SEDRE

Un acteur incontournable du développement de notre île

Le président Jean-Marc Bénard, les membres du Conseil d’administration ainsi que les collaborateurs de la SEDRE souhaitent rendre hommage à Daniel Pavageau, décédé tragiquement lundi après-midi.
Personnalité unanimement reconnue, acteur incontournable du développement de notre île, Daniel Pavageau laisse l’image d’un homme de dialogue et de conviction.
À tous ses proches, je présente au nom de la SEDRE mes très sincères condoléances.


o Richard Martorelle, président de l’association Technopole de La Réunion

Un homme d’actions et d’avenir

Mesdames, Messieurs
Nous avons le regret de vous informer du décès de Daniel Pavageau, directeur général de la SEDRE, partenaire actif de la Technopole dans ses nombreuses et éminentes fonctions.
À tous ceux qui ont pu partager avec lui la passion du développement de La Réunion, et surtout à sa famille et à ses proches, nous tenons à exprimer nos plus sincères et humbles condoléances.
Nous avons tous perdu, avec le départ de Daniel, un homme d’actions et d’avenir, un homme de cœur, un ami.
Afin de lui rendre hommage et pour soutenir ses proches, sachez qu’une cérémonie de recueillement est organisée au Funérarium de Commune Prima à Sainte-Clotilde, à 15 heures, mercredi 14 septembre.
Nous ne l’oublierons pas.


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