Hommage d’Eugène Rousse à Félix Gauvin

« Un militant réunionnais d’une valeur exceptionnelle »

6 mars 2007

Les obsèques de Félix Gauvin, décédé avant-hier dans sa 95ème année, seront célébrées cet après-midi à 14 heures au Centre funéraire de la Commune Primat puis à l’église de Sainte-Clotilde. Notre ami Eugène Rousse, qui a bien connu ce grand Réunionnais, aux côtés duquel il a mené bien des combats pour la liberté et la démocratie à La Réunion, lui rend ici hommage en rappelant les étapes les plus marquantes de sa vie.

Félix Gauvin est décédé dimanche dernier à son domicile de la route du Bois de Nèfles à Sainte-Clotilde.
Né le 14 août 1912 à Sainte-Clotilde, il allait avoir 95 ans.
Avec Félix Gauvin disparaît un militant réunionnais d’une valeur exceptionnelle, bien qu’il n’ait pas joué un rôle de premier plan sur la scène politique, syndicale ou sociale. Sa vie, sa longue vie a été entièrement consacrée à la défense des droits économiques, politiques, sociaux et culturels de ses concitoyens. Elle a été également un combat permanent pour la défense de la justice et des libertés. (...)

Au service des enfants

Scolarisé à l’école centrale à Saint-Denis, où fonctionnait pendant l’entre deux guerres l’unique école manuelle de La Réunion, le jeune Félix y prépare avec succès un CAP de menuisier, tout en suivant des cours d’enseignement général jusqu’au niveau de l’actuelle 3ème des collèges.
Au terme de sa scolarité, il obtient un emploi dans une maison d’import-export et ne tarde pas à épouser une institutrice du Bois de Nèfles. De cette union, naîtront 7 enfants (6 garçons et 1 fille).
À l’école du Bois de Nèfles, où travaille son épouse, Félix Gauvin met ses connaissances agricoles au service des enfants. En effet, il opte pour la profession d’agriculteur - une profession qu’il exercera jusqu’à l’âge de 90 ans - et apporte à la bonne marche de l’école du village un concours si précieux qu’il passe pour être instituteur au même titre que sa femme. (...)
En sa qualité d’“auxiliaire médical”, Félix Gauvin entretient avec le Directeur de service de Santé, le docteur Raymond Vergès, des relations excellentes. Des relations qui le conduisent à être auprès du docteur dans toutes les manifestations à caractère politique organisées par ce dernier. (...)

Le combat pour l’abolition du statut colonial

(...) Homme toujours disponible et d’une grande générosité, Félix Gauvin est tout naturellement amené, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, à s’impliquer dans la vie politique de l’île auprès du docteur Raymond Vergès, du professeur Henri Lapierre et de tant d’autres. Il entend participer, à leurs côtés, au combat pour l’abolition du statut colonial de La Réunion et pour faire de notre île un département français. Un combat qui aboutira au vote de la loi Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946.
En mars 1945, il participe, à Saint-Denis, à la création du Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale (C.R.A.D.S.). Colistier du docteur Vergès aux municipales du 27 mai 1945, il fait une entrée remarquée à la mairie du chef-lieu, où il siégera jusqu’au 15 mars 1959.

La lutte contre la fraude et pour l’égalité

À partir de cette date, en raison du changement de mode de scrutin et aussi et surtout en raison de la fraude électorale institutionnalisée notamment par les préfets Jean Perreau-Pradier et Alfred Diefenbacher, il perd sa qualité de Conseiller municipal. Mais il restera pendant 25 ans candidat aux élections municipales successives sur les listes soutenues par le Parti Communiste Réunionnais.
À la même époque, il œuvrera inlassablement pour le rétablissement dans l’île du suffrage universel, pour le respect des libertés et pour l’extension à La Réunion de la totalité de la législation sociale métropolitaine. Et cela, en dépit des responsabilités nouvelles qu’il lui faut assumer à la suite du décès de son épouse survenu en 1970.

Toujours disponible

Après l’arrivée de la gauche au pouvoir au début des années 1980, Félix Gauvin doit se résigner à réduire ses activités militantes en raison de son grand âge. Il reste toutefois disponible à chaque fois qu’il est sollicité pour sa nombreuse famille et ses innombrables amis.
Je me souviendrai toujours des nombreuses heures qu’il m’a consacrées en 1996 lors du tournage du film “Le Département a 50 ans”. Il tient aussi à être présent lors des grands rassemblements organisés par son parti en différents points de l’île. C’est au cours d’un de ces rassemblements, organisé le 12 février 2006 à l’occasion de la célébration du 60ème anniversaire de la départementalisation, que ses vieux compagnons de lutte l’ont vu debout pour une des dernières fois. Il paraissait si alerte et si lucide que nous pensions tous le revoir encore très souvent.

Un vide à combler

Le destin en a décidé autrement. Félix Gauvin s’est éteint avant-hier, le 4 mars.
Ses funérailles, auxquelles nous serons très nombreux à assister, se dérouleront ce mardi 6 mars à 14 heures au Centre funéraire de Primat puis à 15 heures 30 à l’église de Sainte-Clotilde, et l’inhumation aura lieu au cimetière du même lieu.
Dans la douloureuse épreuve que vivent ses enfants, ses petits-enfants et arrière petits-enfants, nous tiendrons à les assurer, par notre présence, que leur peine est aussi la nôtre. Nous pensons ici en particulier à ses fils Vivian, Robert, Alain, Georges, Joël, Axel et à sa fille Marie-Antoinette.
Le plus bel hommage que nous pouvons rendre à notre cher disparu est d’œuvrer pour que des militants de sa trempe viennent combler le vide qu’il laisse parmi nous.
Adieu Félix.

Eugène Rousse


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