Colonisation n’est pas civilisation

Une parole au monde

23 avril 2008

52 ans après son “Discours sur le colonialisme” qui accuse de « mensonge principal à partir duquel tous les autres prolifèrent » la théorie dominante qui défend que l’entreprise coloniale est une œuvre civilisatrice, Aimé Césaire refusait en 2005 d’accueillir en Martinique Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, défenseur du « rôle positif de la colonisation » dans les apprentissages scolaires.

De la colonisation pour Aimé Césaire, il ne s’agit « ni d’une entreprise philanthropique, ni de volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni d’une extension du droit ». Pillage des richesses, aliénation des corps, des esprits, des cultures... de la colonisation à la civilisation, dira Césaire, la distance est infinie. L’Europe « déférée à la barre de la raison et de la conscience est spirituellement et moralement indéfendable ». Indéfendable donc l’article 4 de la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » qui stipulait que les « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Eminent reste le déni.
C’est sous le Second Empire que la théorie de la mission civilisatrice de la colonisation est apparue, s’ajoutant aux arguments économiques et politiques qui ont conduit l’Europe en pleine révolution industrielle à conquérir de nouveaux espaces pour exploiter matières premières et hommes. De là, a découlé le discours raciste crédité par le mythe du bon sauvage, la théorie de terres colonisées vierges de Culture et d’Histoire, la supériorité de l’homme blanc porteur de civilisation. 45.000 pétitionnaires plus tard, levée de boucliers des historiens et des Domiens à l’appui, le texte a finalement été retiré, et Aimé Césaire, en grand homme, aura fini par recevoir le candidat Sarkozy en 2007. « Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs », écrivait encore Aimé Césaire dans “Cahier d’un retour au pays natal” où il conjurait son cœur de le préserver de toute haine.

Aujourd’hui, c’est au cœur d’un monde globalisé guidé par l’économie que celui d’Aimé Césaire s’est éteint. Un monde où les puissances émergeantes se tournent à l’unisson vers l’Afrique, la calculette en main. Dira-t-on demain de ces grandes puissances qu’elles ont réalisé une grande œuvre civilisatrice en exploitant une main d’œuvre bon marché qui meurt encore de faim et de maladies ? Césaire : une parole à partir de laquelle bâtir, un fanal qu’il faut continuer à porter.

Stéphanie Longeras


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