Roger Hoarau :

« Une vie consacrée à l’édification d’une société réunionnaise plus fraternelle et moins inégalitaire »

8 janvier 2013

Voici un article d’Eugène Rousse résumant la vie de Roger Hoarau.

Roger Hoarau est décédé à son domicile de La Ravine des Cabris le 5 janvier dernier. Avec lui disparaît un Réunionnais qui a fortement marqué l’histoire de son île. L’ayant bien connu ainsi que ses parents et tous ses proches, je me propose, tout au long des lignes qui suivent, de rappeler ce qu’a été sa vie.

En octobre 1949, son père André Hoarau meurt brutalement à l’âge de 43 ans. Directeur du Cours complémentaire [1] de Saint-André, 1er Adjoint au Maire de la ville dont il venait d’être élu conseiller général, il laisse derrière lui une veuve (née Le Toullec) et 9 orphelins. Avec leur mère, ces derniers sont tous immédiatement recueillis par leur grand-père Jean Le Toullec, propriétaire d’une grande villa à Saint-Denis.

La décision est alors prise de confier Roger qui n’a que 11 ans à l’une de ses tantes, Léonide Le Toullec, directrice de l’unique école de filles du Port. Roger obtient son inscription au Cours complémentaire de la cité maritime dirigé par Raymond Mondon. Il y restera quatre années, regagnant toutefois Saint-Denis tous les samedis. Il devait toujours avoir un accompagnateur en raison de son état de santé. En train, ou en autorail, j’étais souvent à ses côtés, du Port jusqu’à la gare ferroviaire de Saint-Denis où l’attendait un de ses oncles.

De ses années passées au Port, Roger gardera un excellent souvenir, se plaisant surtout à évoquer la qualité des cours de Raymond Mondon, son professeur de français qu’il considérait comme son second père et qui joua un rôle décisif dans son admission en Seconde au Lycée Leconte de Lisle à Saint-Denis. Titulaire du Baccalauréat trois ans plus tard, il s’inscrit à la Faculté de Lettres de Montpellier où il obtient une Licence d’Histoire et de Géographie.

En 1967, il est de retour dans son île. Après avoir enseigné pendant une année au Tampon, il est affecté à Saint-Louis où il effectue une brillante carrière qui s’achève en 1998.

Désireux d’apporter sa contribution à un meilleur rendement de notre système éducatif, il n’a de cesse de dénoncer au sein de son syndicat les carences dont souffre l’enseignement dans l’île. Il estime nécessaire la publication d’une revue en vue de faire connaître à l’opinion les causes de la crise profonde qui secoue l’enseignement à La Réunion. Après concertation avec tous les usagers de l’Ecole, le N°1 de cette revue paraît en mai 1970. Son titre : « Ecole réunionnaise » .

Dans l’éditorial de ce N°1, on peut lire ceci : « Il doit être bien clair que les initiateurs de cette publication n’ont aucune intention de se substituer aux organisations actuelles des enseignants (…) même s’ils se réservent le droit de critiquer ou de soutenir l’orientation ou l’action de ces organisations ».

Pour une parution régulière de la revue, un comité de rédaction est constitué. Ce comité, au sein duquel siège Roger Hoarau, se réunit à Saint-Denis une fois par mois. La diffusion de la revue connaîtra des hauts et des bas avant sa disparition au début des années 1980, disparition imputable aux engagements politiques de ses fondateurs.

Le combat politique de Roger Hoarau

En ce qui concerne Roger Hoarau, le choix du combat politique est fait peu après 1971, date de son élection à la Mairie de Saint-Louis où l’exercice de son mandat de 1er Adjoint en plus de son métier d’enseignant ne lui laisse guère le temps de souffler. Ce d’autant qu’il est un militant de premier plan du PCR et qu’il est assidu à toutes les réunions de son parti.

On devine l’amertume de Roger Hoarau lorsqu’il constate, en fin de mandat, que l’équipe élue dans l’euphorie en 1971 à Saint-Louis est fragilisée par de graves dissensions. L’union de la gauche n’est plus qu’un souvenir lorsque le maire socialiste de Saint-Louis annonce le 25 février 1977, au cours d’une conférence de presse, qu’il conduira sa propre liste aux municipales du 13 mars suivant. Résultat : à la faveur d’une triangulaire, le candidat de droite, le député Jean Fontaine, est élu maire de Saint-Louis alors que la gauche est largement majoritaire au scrutin du 13 mars.

Aux municipales de 1983, puis de 1989 gagnées à Saint-Louis par le candidat du PCR Claude Hoarau, frère de Roger, ce dernier conduit la liste de son parti à l’Etang-Salé où il réalise un score honorable. Il lui faudra attendre 1995 pour retrouver son poste de 1er Adjoint au Maire de Saint-Louis, le communiste Guy Ethève. Il conservera ce poste jusqu’en 2001.

Parallèlement à ses activités d’élu municipal, Roger Hoarau assume d’importantes responsabilités à la Région où il est élu conseiller PCR en 1983 puis en 1986. Au cours de la mandature de Pierre Lagourgue qui, en 1986, succède à Mario Hoarau à la présidence de l’instance régionale, Roger est co-fondateur de la Compagnie Air Austral. Il deviendra d’ailleurs un des représentants du Conseil régional à la SEMATRA (Société d’économie mixte chargée du transport aérien).

Aux régionales de 1992 et de 1993 où la liste Freedom arrive largement en tête avec respectivement 17 et 13 sièges, Roger Hoarau, candidat sur la liste du PCR qui obtient 9 sièges à chacun de ces deux scrutins, n’est pas élu. Il n’est pas pour autant privé de mandat électif, car il est élu conseiller général de Saint-Louis le 29 mars 1992. Il siège au Palais de la Source jusqu’en 1998 et retrouvera son siège à la pyramide inversée le 22 mars 1998 aux côtés du Président Paul Vergès. Dans ces deux assemblées dont il occupe une des vice-présidences, l’élu saint-louisien se fait remarquer notamment par sa grande capacité de travail et la clarté de ses interventions. Ayant pris sa retraite professionnelle en 1998, il est à partir de cette date très disponible malgré un état de santé qui lui donne des soucis.

En 2004 — il a alors 66 ans —, il redevient le simple militant qu’il a été 40 ans plus tôt. Il quitte alors sa villa du Tampon dont les agencements intérieurs rendent difficiles ses déplacements. Il s’installe donc à La Ravine des Cabris où, après deux années de souffrance, il s’est éteint samedi dernier, entouré de son épouse et de ses quatre enfants.

Voilà, rapidement esquissé, ce qu’a été la vie de Roger Hoarau, une vie consacrée à l’édification d’une société réunionnaise plus fraternelle et moins inégalitaire. Roger restera pour les générations plus jeunes un exemple. Son souvenir vivra longtemps dans le cœur de tous ceux qui l’ont connu. Que tous ses proches sachent que la douloureuse épreuve qu’ils vivent aujourd’hui est partagée par d’innombrables Réunionnais.

Adieu Roger.

Eugène Rousse


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