Victor Langenier, une mémoire du Port, nous a quittés

15 septembre 2006

Les Portoises et les Portois ont eu coup sur coup deux mauvaises nouvelles hier avec les disparitions de deux grandes figures de leur ville : Victor Langenier, le père du Maire du Port, Jean-Yves Langenier, et Ludovic Édouard Latra, ancien Conseiller municipal de Paul Vergès.
Notre ami Eugène Rousse nous raconte la vie et l’œuvre de Victor Langenier et salue sa mémoire.

Hier en début de matinée, nous avons appris avec une grande peine le décès dans la nuit de Victor Langenier à l’âge de 94 ans. Gravement malade depuis plusieurs années, il avait été soigné récemment à l’hôpital de Saint-Paul puis à la clinique Jeanne d’Arc du Port avant d’être ramené chez lui au Port il y a une semaine, pendant laquelle il s’est lentement éteint.
Victor Langenier est né le 23 mars 1912 à Saint-Louis.
En 1930, il vient se fixer au Port, où il est embauché au Chemin de fer et port de La Réunion (CPR), en qualité de maçon d’abord, de forgeron ensuite. Affecté au service “Voies et bâtiments”, il a pour chef Jean Le Toullec, le père de André, Henri et Jean Le Toullec, bien connus des vieux Portois.

Les années de guerre

À cette époque, grâce à leurs luttes courageuses, les agents du CPR étaient mieux payés que les autres catégories de travailleurs. Victor Langenier a donc vécu dans une relative aisance, surtout après les grèves de 1936 et 1937.
Mais dès le mois de septembre 1939, c’est la mobilisation consécutive à la Seconde guerre mondiale. Victor Langenier fait partie des premiers contingents de Réunionnais à être acheminés en Europe par voie maritime dans des conditions d’inconfort inimaginables.
De son propre aveu, il n’a jamais eu l’occasion de rencontrer un seul Allemand. En effet, dès son arrivée à Marseille, où il éprouva une grande satisfaction de parcourir la Canebière (la plus belle avenue du grand port méditerranéen), il fut dirigé sur Bordeaux, où il se trouvait au moment de la débâcle de juin 1940.

Le combat pour sauver le chemin de fer

Rapatrié à La Réunion, il reprit son emploi de cheminot et se lança dans le combat pour la survie du chemin de fer. Celle-ci était très sérieusement menacée dès cette époque.
C’est en vain que tous les progressistes de l’île se joignirent aux cheminots dans l’immédiat après-guerre pour que ces derniers conservent leur outil de travail et pour que La Réunion développe un moyen de déplacement et de transport aussi durable que performant. Malgré les protestations des députés Raymond Vergès et Léon de Lépervanche, ils ne purent éviter la dissolution du CPR en décembre 1950 et la fermeture définitive du chemin de fer en décembre 1963.

De terribles épreuves

Père de famille de 8 enfants et âgé d’à peine 50 ans, Victor Langenier est mis à la retraite au tout début des années 1960. Il se consacra alors à l’éducation de ses enfants, dont la réussite scolaire lui fut d’un précieux réconfort. L’implication de deux d’entre eux, Lucet et Jean-Yves, dans la vie politique réunionnaise reçut son approbation et ses encouragements.
Homme de robuste constitution et au moral d’acier, il surmonta au cours des 40 dernières années de terribles épreuves : le décès de son fils Michel en 1966, de sa fille Marie-Alice en 1972, de son épouse Judith en 1986 et de Lucet en 1993.
Après 94 années d’une vie au service de son pays, il disparaît à son tour. Nombreux sont les Réunionnais qui viendront ce vendredi à 15 heures à l’église Sainte Jeanne d’Arc du Port lui adresser un ultime adieu et exprimer leur gratitude à l’un de leurs compatriotes, dont l’existence fut exemplaire. Son inhumation aura lieu au cimetière marin de la cité maritime.
Que Jean-Yves, Maire et Conseiller général du Port, ainsi que tous les membres de sa famille trouvent ici l’expression de nos condoléances attristées.

Eugène Rousse


Message de Maurice Gironcel

Dans un message de condoléances parvenu hier à la Rédaction, Maurice Gironcel, Maire et Conseiller général de Sainte-Suzanne, rend hommage à Victor Langenier et salue sa contribution active à la lutte pour le respect et la dignité du peuple réunionnais. Par ailleurs il appelle également chacun d’entre nous à s’approprier les valeurs de lutte et de solidarité pour "que le combat pour faire fructifier cet héritage continue".
"Au nom du Conseil municipal, au nom de la section communiste de Sainte-Suzanne et au nom de l’association Ensamb ensamb, je souhaiterais exprimer, à travers ce communiqué, mes sincères condoléances à la famille de Victor Langenier qui nous a quittés en ce jour jeudi 14 septembre 2006 au Port.
Je m’incline devant la douleur ressentie par la famille, proches et amis du défunt et les assure de mon soutien le plus fraternel dans cette épreuve qui les touche durement.
Je voudrais également rendre hommage à ce militant de la première heure qui est resté fidèle à l’idéal de justice, de solidarité et de développement qu’il a toujours soutenu avec force et conviction. Ancien travailleur du chemin de fer, il s’est investi pleinement dans la lutte pour le développement de La Réunion et pour le respect de la dignité de son peuple. Autant de valeurs que Victor Langenier a su transmettre à ses enfants, dont il était très fier de l’engagement politique et de l’implication dans la lutte. Je voudrais notamment citer notre regretté camarade Lucet, ancien maire et conseiller général de Sainte-Suzanne, qui nous a prématurément quittés à l’âge de 50 ans en 1993 et qui a marqué de son empreinte la lutte à La Réunion et au-delà, tout comme Jean-Yves qui participe à la bataille politique en tant que Maire et Conseiller général du Port.
Toutes ces valeurs de lutte, de solidarité, portées par cette grande figure, connue notamment au Port, à La Possession et au-delà, doivent plus que jamais être défendues par toutes les Réunionnaises et les Réunionnais en dignes enfants des combattants pour la démocratie et le progrès social.
Je terminerai par cette phrase de Lucet, en te disant, regretté camarade : par respect et par fidélité à ta mémoire et à celle de tous les Réunionnais qui ont fait La Réunion, le combat pour faire fructifier cet héritage continue."


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