La Réunion et le changement climatique

180 litres d’eau potable par jour et par personne : à quand un réveil réunionnais ?

2 janvier 2023, par Manuel Marchal

Le changement climatique est devenu une réalité à La Réunion. C’est ce qu’a notamment rappelé Jean-Michel Moutama, président de la CGPER, dans une interview parue dans « Témoignages ». Les conséquences pour l’agriculture sont notamment une baisse des rendements à cause de la sécheresse, ainsi que les effets des cyclones sur des exploitations qui ne sont pas équipées de serres capables de résister aux vents forts. Pour la population, ce changement climatique se traduit par des problèmes d’accès à l’eau accentué par un modèle importé de France : 180 litres d’eau par jour et par personne en moyenne. A quand un réveil réunionnais ?

Les îles sont en première ligne face au changement climatique. Cela se vérifie pour La Réunion. En quelques années, c’est une nouvelle réalité qui s’est imposée. Notre île est de plus en plus confrontée à un déficit pluviométrique. La sécheresse devient la norme. Ceci remet en cause beaucoup de choses.
Dans l’agriculture, la sécheresse est une des explications de la baisse des rendements. C’est ce qu’indique, dans une interview parue dans « Témoignages » le 31 décembre, Jean-Michel Moutama, président de la CGPER. 2022 a vu la campagne sucrière se clôturer sur un résultat d’à peine 1,3 million de tonnes de cannes récoltées. C’est du jamais vu depuis plusieurs décennies.
L’augmentation du prix des intrants a eu un impact qui a aggravé celui de la sécheresse. Cela fait en effet plusieurs années que les agriculteurs sont confrontés à une sécheresse qui devient la norme.

Prévisions de pluviométrie pour octobre-novembre-décembre 2022. (Source Météo France)

Manque d’eau même dans l’Est

Cette situation remet en cause l’aménagement du territoire et le mode d’utilisation de l’eau. Traditionnellement, l’Est de l’île était une région très arrosée tandis que l’Ouest est une zone bien plus sèche. Pour développer l’agriculture, un projet a été mis en œuvre : le transfert des eaux de l’Est vers l’Ouest. Il a été conçu au 20e siècle, sur la base du climat de l’époque. L’objectif était d’irriguer l’Ouest pour notamment produire plus de 2 millions de tonnes de cannes à sucre par an. Ce chantier a coûté bien plus d’un milliard d’euros.
Mais aujourd’hui, l’Est est de plus en plus touché par la sécheresse. Ses habitants doivent faire face à des coupures d’eau, c’est le signe d’un déficit. Les conditions climatiques qui prévalaient au moment du lancement du chantier du transfert de l’eau de l’Est vers l’Ouest ne sont plus là. Ce problème s’est accentué avec l’urbanisation croissante de la région de La Réunion la plus ensoleillée. Ceci ne présage-t-il pas de futurs conflits d’usage entre Réunionnais de l’Est et Réunionnais de l’Ouest ?

Modèle inadapté importé de France

A La Réunion, l’eau est consommée de la même manière qu’en France. Mais La Réunion ne se situe pas dans le continent européen, ce n’est pas le même climat. Il fait plus chaud. En à peine une génération, l’accès à l’eau du robinet s’est généralisé. Cette facilité de consommation avec un climat plus chaud qu’en France a eu le résultat suivant : chaque jour en moyenne, un Réunionnais consomme 180 litres d’eau potable. Cette eau potabilisée à grands frais est en effet gaspillée dans des utilisations telles que le remplissage de piscines privées, l’évacuation des déchets, l’arrosage des cours et des jardins, le nettoyage des voitures et des logements. Ce modèle est supporté par les familles qui paient les factures d’eau, et il pèse grandement sur une ressource limitée qui est indispensable à la vie.

A quand un réveil réunionnais ?

Malgré les engagements inscrits dans l’Accord de Paris, l’objectif de limiter la hausse de la température moyenne de la Terre à 1,5 degré au-dessus de la période 1850-1900 semble inatteignable. Cette valeur dépasse déjà légèrement 1 degré et la barre des 2 degrés sera sans doute dépassée au cours des prochaines décennies. Or, avec 2 degrés de plus, ce sont entre 800 et 3 milliards de personnes qui souffriront de pénuries d’eau chroniques. La Réunion est une île aux ressources en eau limitée. Elle risque d’être touchée par ce phénomène. Se poseront alors des conflits d’usage entre l’agriculture et la consommation des foyers si un moyen n’est pas trouvé pour réduire drastiquement cette valeur de 180 litres d’eau potable par jour et par personne. Mais ceci remet en cause des usages tels que les piscines privées et d’autres formes de gaspillage de cette précieuse ressource.
Cela amène également à la recherche de solutions pour capter l’eau qui tombe du ciel. La construction d’un réseau de retenues collinaires pourrait y répondre, tout comme la récupération systématique de l’eau de pluie qui tombe sur les toits.
Mais la réduction de la consommation de l’eau potable et l’utilisation de l’eau de pluie dans les foyers entre en concurrence avec les intérêts des sociétés qui tirent profit de la vente de l’eau traitée.
Autrement dit, une révolution des mentalités est nécessaire. A quand un réveil réunionnais ?

M.M.

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