C’est une première : l’Équateur renonce à exploiter une partie de ses réserves pétrolières

22 octobre 2007

Rafael Correa, Président de la République de l’Equateur, et également économiste, a prononcé un discours remarqué lors du Dialogue sur le changement climatique pendant le 62ème Assemblée générale des Nations Unies. En voici les passages les plus marquants...

(...) Le changement climatique n’a pas de frontières ; cependant, il faut souligner que sa distribution et ses impacts sont inéquitables. Tandis qu’un citoyen moyen des Etats-Unis génère 6 tonnes de carbone par an, ou un Européen moyen environ 3 tonnes par an, la moyenne mondiale des émissions de carbone par personne est d’environ 1,3 tonnes annuelles, avec une grande asymétrie. Une réalité qui établit clairement où sont les plus importantes responsabilités dans l’atteinte à l’environnement et à la vie sur la planète.
Cette exposition des faits ne prétend pas ignorer les émissions croissantes de quelques pays en voie de développement, mais de mettre en évidence que le modèle actuel de croissance, basé sur l’utilisation intensive des combustibles fossiles et dans la consommation excessive, est un modèle non durable, qui ne bénéficie qu’à une minorité "privilégiée" de la société moderne, mais qui nous affecte tous énormément.
Durant les dernières années, les désastres climatiques ont coûté la vie à plus de 3 millions de personnes dans le monde, ont affecté à 800 millions d’autres, avec des dommages immédiats qui dépassent les 23 milliards de dollars. De ces dommages, 90% se sont produits dans les pays en voie de développement.

L’Equateur est disposé à de grands sacrifices

L’Equateur est un pays marginal en termes d’émissions (moins de 1% du total mondial), mais dans lequel les conséquences du changement climatique pourraient occasionner la transformation graduelle des forêts tropicales par des savanes ; le remplacement de la végétation semi-aride par la végétation aride ; une perte significative de la biodiversité ; le recul des glaciers et des changements dans le régime de précipitations avec des impacts potentiels sur la disponibilité de l’eau pour la consommation humaine. (...)
Cependant, l’Equateur est disposé à de grands sacrifices, avec justice et créativité, pour contrer le réchauffement global. L’initiative du gouvernement équatorien de maintenir le pétrole du champ pétrolier ITT dans le sous-sol, - réserve qui se trouve dans une zone écologique hautement sensible appelée Yasuní -, signifie l’engagement de ne pas exploiter les près de 920 millions de barils de pétrole et, de cette façon, de conserver une des régions renfermant la plus grande biodiversité du monde.
Cependant, cela impliquera de cesser de recevoir d’énormes investissements et près de 720 millions de dollars par an, quantité significative pour un petit pays de 13 millions d’habitants et près de 6 millions de pauvres. Nous sommes disposés à faire cet immense sacrifice, mais nous exigeons la co-responsabilité de la communauté internationale et une compensation minime pour le bien-être environnemental que nous générons, et duquel bénéficie toute la planète.
Le modèle Yasuní-ITT, impulsé par le gouvernement équatorien, évitera l’émission de 111 millions de tonnes de carbone provenant de la combustion du pétrole. Le coût d’opportunité pour l’Equateur de ne pas exploiter le pétrole est d’au moins 10 à 15 dollars par baril.
Cependant, l’Equateur demande au reste de l’humanité une contribution de seulement 5 dollars par baril, pour conserver la biodiversité, protéger les peuples indigènes en isolement volontaire qui habitent là-bas et éviter les émissions de dioxyde de carbone. Le total de la compensation sollicitée auprès du reste de l’humanité est d’environ 4,6 milliards de dollars. Cela serait un extraordinaire exemple d’action collective mondiale pour réduire le réchauffement global, pour le bénéfice de toute la planète.

Une nouvelle logique économique

Notre proposition prévoit de plus la création d’un Fonds Fiduciaire Yasuní-ITT, (...) qui inclut, entre autres, la diversification des sources d’énergie, le développement de capacités et d’investissements en éco-tourisme et l’application d’un agenda intégral qui comprend la santé, l’éducation et la réhabilitation environnementale.
En plus du soutien technique et économique, la proposition équatorienne cherche à transformer les vieilles conceptions de l’économie et le concept de valeur. Dans le système de marché, l’unique valeur possible est la valeur de change, le prix. Le projet Yasuní-ITT se base surtout sur la reconnaissance des valeurs d’usage et de service, des valeurs non financières de la sécurité environnementale et du maintien de la diversité planétaire. Il s’agit d’inaugurer une nouvelle logique économique pour le 21ème siècle, dans lequel on compenserait la génération de valeur, et pas seulement la génération de marchandises.
Pour la première fois, un pays pétrolier, l’Equateur, où un tiers des ressources de l’Etat dépend de l’exploitation de cette ressource, renonce à ces revenus pour le bien-être de toute l’humanité et invite le monde à se joindre à cet effort à travers une juste compensation, pour qu’ensemble, nous asseyions les bases d’une civilisation plus humaine et plus juste.


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