Une prise de position qui en dit long sur l’état d’esprit de certains négociateurs

Conférence de Copenhague : un résultat « définitivement inacceptable » pour l’Afrique du Sud

24 décembre 2009, par Manuel Marchal

Pourtant partie prenante des négociations qui ont débouché sur l’accord annoncé par Nicolas Sarkozy et Barack Obama, et assumé par l’ONU, l’Afrique du Sud constate que ce résultat est « définitivement inacceptable ». Elle fait porter la responsabilité de cette situation à ceux qui d’entrée de jeu ont tenté de mettre la pression en organisant la diffusion du ’texte danois’, en fait la proposition du bloc des pays riches.

Pour l’Afrique du Sud, l’échec de Copenhague à produire un accord juridiquement contraignant est inacceptable. Le pays rejoint le chorus des condamnations, bien qu’il soit impliqué dans la rédaction de l’accord final. En effet, lors de son intervention télévisée vendredi très tard, Barack Obama ne s’est pas privé de citer l’Afrique du Sud, ainsi que le Brésil, l’Inde et la Chine comme partenaires d’un accord négocié avec les États-Unis.
Buyelwa Sonjica, ministre de l’Environnement de l’Afrique du Sud, et les deux négociateurs en chefs ont affirmé mardi qu’une part de la responsabilité incombe à la manière dont le pays hôte a conduit la conférence.
Dans leur première conférence de presse depuis leur retour de Copenhague samedi soir, les trois responsables décrivent une atmosphère de méfiance et de suspicion à partir du moment où a été diffusé le "texte danois", au lendemain de l’ouverture des débats.
Joanne Yawitch, une négociatrice sud-africaine, indique qu’à la fin, à la dernière heure, les Danois ont dévoilé un avant projet, qualifié de « sérieusement problématique ».

Un accord pour 28 pays

Elle a dit que les négociateurs ont travaillé jusqu’à très tard la veille pour sortir un document que l’Afrique du Sud trouvait mieux équilibré, mais elle a senti que les modifications de fonds apportées n’étaient pas les bienvenues.
Un autre négociateur, Alf Wills, a dit que le document final est non seulement limité en termes de mesures pour sauver la planète, mais aussi en nombre de nations qui l’ont accepté. Il précise que cela ne va pas au-delà des 28 pays représentés lors de cette nuit.
La ministre de l’Environnement précise que les entretiens sur le fond ont été détournés par les débats sur la manière de gérer le processus.
« Le processus est important, car il détermine le résultat, mais certaines interventions hors-sujet combinées avec de mauvaises décisions de ceux qui conduisaient la Conférence ont signifié que les problèmes de procédure ont provoqué la perte de trois jours, un temps précieux en effet », dit Buyelwa Sonjica.
« Le résultat de Copenhague n’était pas acceptable. Ce n’est définitivement pas acceptable, c’est décevant », a dit la ministre sud-africaine.
Rappelons que pourtant l’Afrique du Sud, avec les États-Unis, le Brésil, l’Inde et la Chine a ébauché l’accord sur le changement climatique présenté comme la conclusion de la Conférence de Copenhague.

Le retrait des négociations a été envisagé

Le compromis prévoit le principe d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre pour contenir l’augmentation de la température moyenne de la Terre à deux degrés au-dessus du niveau de l’époque d’avant l’industrialisation de l’Occident.
Sans aucune contrainte juridique, cet accord appelle les pays riches à dépenser quelques milliards d’euros pour aider à faire face aux sécheresses et autres impacts du changement climatique, et à développer les énergies renouvelables.
La ministre de l’Environnement de l’Afrique du Sud révèle que le président Jacob Zuma a discuté avec d’autres dirigeants de pays africains de la possibilité de quitter la Conférence. Mais il a été décidé qu’il valait mieux continuer à essayer d’influencer les négociations de l’intérieur. « Et peut être ce que nous avons aujourd’hui aurait pu être pire » en cas de retrait de l’Afrique du Sud des négociations.


Les bases d’un large rassemblement

Les déclarations de la délégation sud-africaine de retour de Copenhague en disent long sur l’ambiance qui a régné autour de la table de négociation. Selon l’Afrique du Sud, il a même été question de quitter la conférence. Rappelons qu’au moment où le "débat de haut-niveau" a commencé, les pays du Sud ont décidé de suspendre pendant plus de trois heures leur participation aux discussions car ils refusaient de cautionner une mise à mort possible du Protocole de Kyoto à l’initiative des pays riches.
L’Afrique du Sud a donc décidé de rester pour influencer les négociations de l’intérieur, ce qui a peut-être permis d’éviter le pire.
Chacun sait pourtant que l’Afrique du Sud fait partie de la liste de pays ayant conclu un accord avec les États-Unis, et que c’est le texte de cet accord qui a été signé par l’Union européenne et qui a été ensuite présenté en séance plénière comme "Accord de Copenhague" par le président de la Conférence, le Danois Lars Løkke Rasmussen. À peine quatre minutes après sa présentation en plénière, ce texte était définitivement caduc par le refus de Tuvalu, suivi par plusieurs autres pays.
Résultat : cet "Accord de Copenhague" n’est plus qu’un texte dont la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique décide poliment de prendre note, sans plus.
Partie prenante dans l’élaboration de ce texte entre jeudi soir et vendredi soir, l’Afrique du Sud le juge aujourd’hui très sévèrement.
Sur le fond, il ne sauvera pas la planète des conséquences dramatiques du changement climatique puisqu’il ne propose aucune mesure ambitieuse et juridiquement contraignante.
Sur la forme, il ne concerne que 28 pays, affirme l’Afrique du Sud. Contrairement donc à ce qui a été prétendu par un communiqué de presse de l’ONU, ce texte ne bénéficie pas du soutien de la majorité des pays, mais de moins de 15%. Plus de 85% des pays représentés à Copenhague ne l’ont donc pas accepté.
Lors de sa première rencontre avec les journalistes sur le thème du bilan de la Conférence de Copenhague, la virulente réaction de la délégation de l’Afrique du Sud montre en tout cas que l’intransigeance des pays riches dans leur refus d’un accord équitable et contraignant a provoqué des dégâts considérables. Heureusement, l’objectif ultime des anciennes puissances coloniales n’a pas été atteint. Si les pays riches avaient obtenu la mort des États insulaires contre quelques pièces de verroteries, alors Copenhague aurait été un échec historique.
Grâce à la résistance d’un des plus petits pays du monde, à savoir Tuvalu, ce sont tous les peuples qui ont droit à un nouvel espoir. Le monde peut encore être sauvé. C’est tout l’enjeu des mois qui viennent, et La Réunion ne pourra pas être à l’écart de la mobilisation mondiale pour un accord juste sur le Climat. Avec 10.000 habitants, Tuvalu a réussi à changer l’Histoire du monde. Cela montre que l’essentiel n’est pas la taille d’un pays, mais la justesse de la cause qu’il défend. Et quelle que soit la puissance des intérêts qui tentent de l’écraser, cette cause juste finit par triompher. Gageons que La Réunion apportera pleinement son soutien à la lutte des victimes du changement climatique.

Manuel Marchal

A la Une de l’actuConvention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique

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