Conférence internationale de l’Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN)

12 juillet 2008, par Edith Poulbassia

Journée de clôture du séminaire initié par l’ONERC et l’UICN : ’L’Union européenne et l’Outre-mer : stratégies face au changement climatique et la perte de la biodiversité’.

Témoignages

• Paul Néaoutyine, Président de la Province Nord de la Nouvelle-Calédonie

L’Union Européenne doit assumer la responsabilité du changement climatique

De retour du Québec où le récif calédonien a été classé au patrimoine de l’humanité, Paul Néaoutyine a ouvert ce dernier jour de colloque. La Nouvelle-Calédonie se trouve aujourd’hui dans un mouvement d’émancipation vers la pleine souveraineté. « Ce pays s’est engagé dans une phase de développement économique dont l’objet, le rééquilibrage, est d’assurer à la majorité de la population, en particulier au peuple kanak, peuple premier, l’accès au développement », explique le Président de la Province Nord de Nouvelle-Calédonie.

(photo MM)

L’archipel tente de définir un schéma raisonné d’exploitation du nickel pour une économie durable. L’accord de Nouméa a permis de reconnaître et restaurer l’identité du peuple kanak, et c’est à partir de cet accord que se construit « un développement durable dont le socle est la biodiversité biologique exceptionnelle du pays ». Or, cette biodiversité est aujourd’hui menacée. Paul Néaoutyine a donc appelé l’Union Européenne a assumé les conséquences du changement climatique et de l’exploitation des ressources.
« Au moment où le pays prend en main son destin, les réponses à apporter à ces nouvelles menaces ne peuvent relever des seuls moyens locaux. La responsabilité de ce changement climatique doit être assumée par ceux qui en sont à l’origine », a t-il déclaré. « Le Pacifique est particulièrement concerné par la montée du niveau de la mer et verra probablement les premiers réfugiés climatiques. Ces populations sont doublement pénalisées, n’ayant pas bénéficié pour une grande part du développement économique, elles doivent néanmoins subir les conséquences du modèle de développement des pays industrialisés ».
Il estime par ailleurs que le peuple Kanak a joué un rôle actif dans la conservation de cette biodiversité grâce à son mode de vie traditionnel. « Il serait juste et souhaitable que l’Union Européenne reconnaisse le service rendu par les pays insulaires à l’humanité toute entière, en les accompagnant spécifiquement dans la prise en compte des nouveaux défis ». Ce qui ne dispense pas les populations insulaires de s’adapter au contexte, avec un travail d’explication.
Paul Néaoutyine a rappelé la difficulté pour les PTOM d’accéder aux fonds européens. Il a demandé un soutien plus appuyé à l’action concrète et décisive des ONG qui, « en jouant leur rôle de contre-pouvoir, de force de contestation, de force de proposition, sont aujourd’hui la conscience de l’Humanité ». Pour le Président de la Province Nord, « un engagement et un soutien plus forts vers ces acteurs de terrain de la part de l’Europe seraient une utilisation efficiente des crédits alloués ».
« C’est un véritable accord gagnant-gagnant qui doit être imaginé, construit, entre l’Europe et nos populations. Cet accord doit mettre en œuvre sa responsabilité planétaire vis-à-vis du réchauffement climatique et de la perte de la biodiversité et de contribuer avec les populations locales à la conservation du patrimoine universel qu’est la biodiversité ».

• Ahamed Attoumani Douchina, Président du Conseil général de Mayotte

« Une démarche partenariale assumée pour prendre sa place dans l’Océan Indien »

Pour Ahamed Attoumani, les Mahorais ont pris conscience de la fragilité de leur territoire, et ce colloque est un signal fort de la nécessité d’agir ensemble pour protéger la diversité biologique outre-mer. L’inventaire de la biodiversité de Mayotte est loin d’être achevé, souligne-t-il mais le caractère unique du lagon, le littoral, la forêt, la faune et la flore sont menacés par l’installation de villages sur le littoral et la démographie galopante. Des efforts sont en cours dans une « démarche partenariale assumée pour que Mayotte prenne sa place dans l’Océan Indien ». Un programme de lutte contre la dégradation de la biodiversité est en train d’être défini, un observatoire des tortues marines, la mise en place d’un parc marin pour une gestion durable des ressources, un plan énergie-climat sera prêt en 2009, un programme sur les économies d’énergie est en cours d’élaboration avec l’ADEME et l’ARER.

• Frédérico Cardigos, Directeur de l’Environnement, gouvernement des Açores

(photo MM)

Nous avons besoin de la solidarité européenne

Les Açores développent un tourisme durable et une qualité de vie pour ses habitants. La moitié de l’électricité est produite par les énergies renouvelables. Ces piles comptent une soixantaine d’espèces endémiques, et près de 25 espèces de cétacés. Elle est devenu un lieu d’observation de ces animaux. Elles disposent de nombreux statuts reconnaissant la richesse de son patrimoine, ce qui lui apporte une plus-value touristique. Mais la montée de la mer, la pollution menacent aujourd’hui ces îles. Frédérico Cardigos a souligné comment les piles sont touchées de plein fouet par les conséquences et les décisions prise pour lutter contre le changement climatique. Exemple cité, les taxes sur les carburants vont contribuer à isoler encore plus les îles (avions et transports maritimes). Face à ces menaces, il a souligné également la difficulté d’être entendu par l’Union Européenne pour protéger la biodiversité et les ressources naturelles. Ainsi, l’autorisation d’exploiter les ressources marines, "application aveugle par l’UE", ont mis les bancs d’espadons et de requis bleus en mauvaise posture. Enfin, il a demandé à alléger les procédures pour accéder aux financements, et se prononce en faveur d’une meilleure coordination.

• José Luis Herranz Saez, Directeur Général du Milieu Naturel, Espagne

Constituer des réseaux

S’exprimant pour les îles Canaries, José Luis Herranz Saez a présenté les initiatives prises par l’Espagne en faveur de la biodiversité. Il espère que les futures présidences de l’UE, comme la France, conduiront ces initiatives. La biodiversité espagnole subie l’impact du développement urbain, la pression démographique avec l’arrivée de nouveaux migrants, les espèces envahissantes, et la nécessité de disposer de ressources économiques. En 2006, un plan national d’adaptation au changement climatique a été défini. Un programme d’évaluation de l’impact du changement sur la biodiversité ainsi que de la flore et l’habitat sont en cours. L’Espagne et le Portugal ont défini ensemble un plan de travail pour la Macaronésie et la péninsule ibérique. Des réseaux se sont mis en place également : les stations météorologiques pour mesurer les variations du climat et le niveau de la mer ; les parcs nationaux pour évaluer les effets du changement climatique sur ces espaces épargnés par l’homme. L’Espagne veut partager les résultats de ces initiatives avec l’ensemble des îles et des Etats. Des études seront accessibles sur Internet.

• Michel Laurent, directeur général de l’IRD, institut de recherche pour le développement

Un partenariat encore faible entre l’université et les instituts

L’IRD étudie les conséquences sur changement climatique que l’habitat, les ressources, la santé, elle intervient dans la lutte contre la pauvreté, les maladies, etc... Plus de 250 permanents sont installés en Outre-mer français. Michel Laurent a insisté sur la nécessité de développer dans ces îles un partenariat entre l’université et les instituts de recherche. Trop peu d’étudiants s’orientent vers les sciences de la vie et de la terre (17% des étudiants), alors que la connaissance et la protection de la biodiversité a besoin de renfort. Il plaide ainsi pour la création de master régionaux européens et la soutien des étudiants grâce à des bourses doctorales.

Climat et biodiversité

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