Conséquence de la sécheresse et de l’importation d’un système de gaspillage : un château d’eau de La Réunion soumis à des restrictions

Crise de l’eau à La Réunion : coupures d’eau à Salazie

28 décembre 2023, par Manuel Marchal

A Salazie, les mesures contre le gaspillage de l’eau potable comme l’interdiction du remplissage de piscine, de l’arrosage du trottoir et du lavage des voitures ne suffisent plus. Pour préserver la ressource, la commune et la CISE organisent des délestages entre 22 heures et 5 heures dans un quartier tous les jours. D’autres délestages peuvent survenir à n’importe quelle heure de la journée et l’eau potable n’est plus garantie. Voilà où conduit la conjonction de deux phénomènes : la crise climatique à l’origine de la sécheresse, et l’importation d’un modèle de consommation de l’eau potable basée sur le gaspillage de cette ressource au profit d’entreprises privées.
Il est évident que le système de consommation de l’eau est à revoir à La Réunion. Il ne s’agit pas de simples « petits gestes citoyens » mis bout à bout, mais d’un véritable changement de la politique de l’eau à La Réunion. Pour relever le défi, des exemples sont nombreux de pays dans le monde qui arrivent à vivre sans gaspiller de l’eau potable. Pourquoi ne pas les étudier afin de moderniser La Réunion pour qu’elle puisse s’adapter à la sécheresse, une conséquence de la crise climatique créée par le capitalisme ?

Traditionnellement, le Cirque de Salazie est un des châteaux d’eau de La Réunion. Situé dans l’Est, il est le cirque le plus humide. C’est de là que part un canal du transfert des eaux de l’Est vers l’Ouest, un projet pensé quand le changement climatique était ignoré à La Réunion. Car depuis que la crise climatique est devenue une réalité à La Réunion, la sécheresse s’est installée et elle touche notamment l’Est qui est la zone humide de notre île.
Le 18 octobre dernier, la Préfecture a émis un arrêté imposant des restrictions dans la consommation de l’eau potable dans plusieurs communes, situées notamment dans l’Est. Outre la capitale Saint-Denis, sont également concernées Cilaos, Saint-André, Saint-Leu, Sainte-Marie et Salazie.
Ces mesures visent à interdire les gaspillages suivants :
remplir une piscine avec de l’eau potable ;
laver un véhicule avec de l’eau potable (uniquement à domicile) ;
arroser le trottoir avec de l’eau potable ;
arroser un espace vert public ou un golf privé avec de l’eau potable (ce gaspillage est interdit entre 6h du matin et 18h).

Ces gaspillages et d’autres, comme le nettoyage des WC avec de l’eau potable, sont en effet responsables à La Réunion de la consommation de 180 litres d’eau potable par jour et par personne, alors que 2 litres suffisent. Compte tenu du manque d’entretien des réseaux, pour amener 180 litres d’eau potable par personne à un robinet, il faut compter en moyenne produire plus de 300 litres d’eau potable à cause des fuites.
Pendant ce temps, la population continue d’augmenter. Avec une telle moyenne de consommation, il n’est guère étonnant que des problèmes surviennent donc en cas de sécheresse.

Les usagers indemnisés ?

Mais à Salazie, des mesures anti-gaspi ne suffisent plus. Des usagers subiront des délestages. Ainsi, l’eau sera coupée entre 22 heures et 5 heures à Mare à Poule d’Eau. La commune et la CISE, entreprise française gestionnaire du réseau, avertissent également de coupures impromptues pouvant survenir en dehors de ces horaires, c’est à dire en pleine journée. Elles indiquent également que l’eau payée par les usagers comme eau potable ne sera plus potable pendant un certain temps après un délestage. Pour éviter les problèmes sanitaires, Salazie et la CISE recommandent d’acheter de l’eau en bouteille pour boire et faire la cuisine. Pour tous les autres usages, l’eau non potable est recommandée de fait : « Cette eau peut toutefois être utilisée pour tous les autres usages
sanitaires (toilette, WC...) ».
Se pose alors la question du dédommagement des usagers qui paient pour utiliser l’eau potable à partir de plusieurs points d’eau répartis dans leur domicile. Puisque cette eau n’est pas potable, elle ne doit donc pas être facturée à ce prix. Face à la crise de l’eau à Mayotte, l’État a décidé de payer toutes les factures des abonnés à un réseau d’eau potable. Paris n’en est pas encore à utiliser autant d’argent à La Réunion pour que le contribuable paie à la place de l’usager, car la crise de l’eau ne menace pas encore la paix sociale dans notre pays, contrairement à Mayotte.

Anticiper la croissance de la population

Chaque année, la sécheresse rappelle l’impasse du modèle importé depuis la France de consommation de l’eau à La Réunion. Il conduit immanquablement à une pression trop importante sur la ressource et à des coûts d’investissement et de maintenance qui se chiffrent en centaines de millions d’euros pour quelques années alors que La Réunion compte bien moins d’un million d’habitants.
Si Paris ne change pas de politique, la situation à Mayotte continuera de se dégrader accentuant l’exil d’habitants de cette île vers La Réunion. Par ailleurs, le flux migratoire entre la France et La Réunion continue d’alimenter aussi la croissance de la population. L’anticipation reste le maître mot pour que l’accès à l’eau ne soit pas source de conflits entre Réunionnais.
Pour cela, il est évident que le système de consommation de l’eau est à revoir à La Réunion. Il ne s’agit pas de simples « petits gestes citoyens » mis bout à bout, mais d’un véritable changement ce la politique de l’eau à La Réunion. Pour relever le défi, des exemples sont nombreux de pays dans le monde qui arrivent à vivre sans gaspiller de l’eau potable. Pourquoi ne pas les étudier afin de moderniser La Réunion pour qu’elle puisse s’adapter à une conséquence de la crise climatique créée par le capitalisme.

M.M.

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Messages

  • Nous avons à la Réunion suffisamment d’eau pour tout le monde que ce soit pour les besoins domestiques , industriels ou agricoles , mais nous ne faisons pas ce qu’il faut pour aller la prendre là ou elle se trouve pour la distribuer à la population de l’île .
    C’est vrai que cela représente un investissement important qu’il faut gérer dans le temps avec prudence et modération en fonction de notre capacité de financement public . Mais il faut réaliser les investissements nécessaires lorsqu’il est facile d’approvisionner les gens en eau correctement . Ce n’est pas normal que les habitants de Cilaos , de Salazie, de Saint André et de Salazie manquent d’eau potable alors qu’il y a de l’eau en abondance sur leur territoire qui peut être captée facilement et distribuée à la population .
    si on veut maintenir la population dans les hauts de l’île et les rendre attractifs pour tous les réunionnais et pour tous ceux qui viennent nous visiter chaque année , il faut comme je l’ai signalé récemment non seulement les rendre plus accessibles et les désenclaver mais aussi leur donner de l’eau potable . Pour Cilaos on peut facilement augmenter la quantité d’eau potable du cirque en allant prendre l’eau de bras rouge à plus de 1500m d’altitude . Pour Salazie , on peut aussi alimenter correctement le cirque en allant chercher l’eau là où elle se trouve en altitude dans la foret de Bélouve . Quant aux communes de l’Est saint André Sainte Marie Sainte Suzanne il faudrait leur donner l’eau qui est envoyé vers l’Ouest depuis la rivière des pluies et remplacer cette eau prise sur le basculement depuis Salazie par de l’eau prise dans les hauts de Saint Benoit qui pourrait être transférée par tunnel vers Salazie en amont du barrage sur la Rivière Dumas et utilisée en partie pour la consommation des salaziens , en partie pour produire de l’électricité avant de compléter le débit nécessaire pour alimenter l’Ouest de l’ile.
    L’eau potable relève de la compétence des communes , mais dans un département comme celui de la Réunion , il faut qu’elle soit gérée globalement . On est capable de dépenser des milliards pour construire une route de 10 Km sur la mer , mais on ne peut pas donner de l’eau à tout le monde alors nous sommes la région qui enregistre en France des records mondiaux de pluviométrie . Le développement harmonieux et équilibré de notre Ile passe également par une alimentation correcte de notre population en eau potable en comptant sur la solidarité de tous .
    Tous pour un et un pour tous . Personne ne doit manquer d’eau potable chez nous qu’ils habitent sur le littoral ou dans les hauts, et comme l’eau est en train de devenir une ressource très lucratives dans beaucoup de pays ,il est peut être temps de penser à faire ce qu’il faut pour pouvoir la vendre à ceux qui n’en ont pas . Nous n’avons pas de pétrole , mais nous avons de l’eau . Si l’eau coûte plus cher que le pétrole qu’attendons nous pour l’exploiter au profit de tous .


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