Rencontre du GIEC à Paris : le discours de Paul Vergès

« Des rendez-vous redoutables »

31 juillet 2004

À l’occasion de la préparation de son 4ème rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat s’était réuni lundi dernier, à Paris, sous la présidence de Paul Vergès, par ailleurs président de l’Observatoire national sur les effets du du réchauffement climatique (ONERC).
Nous publions ci-aprés son discours prononcé ce jour-là, que nous n’avons pu publier dans son intégralité dans l’édition de mardi dernier, pour des raisons techniques. Nous nous en excusons auprès des lecteurs et du président de l’ONERC.

"C’est un grand plaisir pour moi de vous souhaiter la bienvenue pour cette réunion en France et de m’adresser à notre groupe d’experts.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental) est connu dans le monde entier pour son travail d’information concernant les décisions relatives au changement climatique. Le groupe de travail numéro 1 (GW 1) a joué un rôle majeur dans cette voie, en établissant que le réchauffement climatique a déjà commencé et que cette évolution est due aux activités humaines. Personne aujourd’hui ne met plus sérieusement en doute ce fait.
Pour cette raison, il n’y a désormais aucune excuse pour retarder plus longtemps l’action dans les deux voies suivantes :

- d’abord que faire pour faire cesser le réchauffement climatique ?

- ensuite que faire pour s’adapter au changement climatique désormais inévitable ?

Le travail dans ces deux directions bénéficiera de nouveaux résultats de notre session et des conclusions de notre groupe de travail. En effet, une meilleure compréhension et une modélisation du processus physique permettront une description plus précise du climat à venir. Cela veut dire une meilleure évaluation des effets de l’émission de gaz à et ainsi une meilleure précision dans la description des conséquences sur le changement climatique.
Après la vague de chaleur de l’été de l’année dernière, l’opinion publique en France est maintenant convaincue de la réalité du réchauffement climatique. Les deux groupes de modélisation du climat en France, l’Institut Pierre Simon Laplace et Météo-France, ont tous les deux démontrer qu’un tel été n’avait aucun précédent depuis le début du 20ème siècle.
De même les organismes ont convenu que ce type d’été sera la norme pour la fin du présent siècle. C’est un argument très fort pour entreprendre l’adaptation au changement ; déjà l’augmentation de la vente des climatiseurs a montré cette volonté d’adaptation.

"Les économies des îles menacées"

Mesdames, Messieurs
Je suis président du Conseil régional de La Réunion. L’île de La Réunion est située dans l’océan Indien ; ses voisines sont les îles de Maurice et de Madagascar.
À La Réunion et dans les pays voisins, dont certains sont de petits États insulaires, nous sommes préoccupés des risques liés au changement climatique. Par ailleurs, La France détient environ 10% des récifs coralliens du monde, dont la seconde barrière corallienne après l’Australie, en Nouvelle-Calédonie et dans de nombreuses îles et atolls de Tahiti et de la Polynésie ; de même à Mayotte, dans l’océan Indien.
Ces récifs ont beaucoup souffert en 1998 à la suite du phénomène El Nino, et actuellement ils se reconstituent lentement. Malheureusement, le lent réchauffement de l’océan, dû au changement climatique, menace sérieusement cette lente reconstitution des barrières.
Aussi nous sommes très exposés aux cyclones tropicaux et aux pluies diluviennes.
Les économies de ces îles et des pays voisins sont très dépendantes des cultures tropicales, de la pêche et du tourisme ; de ce fait, elles sont sérieusement menacées par le changement climatique.
En tant que responsable politique de La Réunion, je suis très préoccupé par les conséquences prévisibles de cet événement - sans précédent depuis des millions d’années - d’autant plus qu’elles surviendront dans les décennies à venir qui verront les pays, en pleine transition démographique, phénomène lui aussi sans précédent à une telle échelle, celle de la planète.
Ces phénomènes, certes sur des plans très différents, mais intervenant simultanément, posent aux responsables politiques, à condition évidemment qu’ils en prennent conscience, des rendez-vous redoutables. Ces deux processus, en cours actuellement et pour les décennies du présent siècle, ne nous laissent aucun sursis.

Une priorité nationale

Tout temps perdu aujourd’hui risque de ne pouvoir être rattrapé.
Le Parlement français a très tôt pris en compte très sérieusement les résultats des travaux du GIEC. Et cela concerne les partis politiques dans leur diversité.
Sur ma proposition, le Parlement, à l’unanimité de ses deux assemblées, a adopté une loi en janvier 2001, déclarant que l’étude du changement climatique est une priorité nationale. Cette loi a créé un observatoire national pour informer les responsables politiques à différents niveaux comme l’opinion publique des conséquences du changement climatique. Actuellement, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) est également appelé à contribuer la politique nationale d’adaptation. Nous aurons à définir cette année une stratégie nationale de la prévention.
Cette tâche devra beaucoup aux informations fournies par le GIEC et nous attendrons avec beaucoup d’intérêt les nouvelles conclusions, spécialement de notre groupe qui sont à la base de tout le processus.
Je suis certain que les travaux qui seront réalisés cette semaine seront très féconds et je souhaite un plein succès à notre réunion...".


L’Amazonie risque de se transformer en savane

La forêt amazonienne peut se transformer en zone de savane d’ici 50 à 100 ans en raison du réchauffement climatique de la planète et des incendies qui détruisent la zone forestière au Brésil, a averti mardi un scientifique brésilien.
"Presque tous les scénarios laissent prévoir une "savanisation" (de l’Amazonie) d’ici 50 à 100 ans", a dit Carlos Nobre, chercheur à l’Institut national des investigations spatiales (INPE), lors de la 3ème Conférence du "Projet à grande échelle sur la biosphère et l’atmosphère de l’Amazonie" qui s’est ouverte mardi à Brasilia.
"Dans le pire des cas, la forêt perd quelque 60% de sa surface ; dans le meilleur, tout continue comme maintenant ; dans le cas d’un scénario intermédiaire, 20% de sa surface disparaît", a-t-il indiqué.

Les conséquences de la déforestation

"Même sans déforestation, le réchauffement climatique pourrait provoquer la "savanisation" de 20% à 30% de l’Amazonie", a signalé Nobre.
Selon les sources officielles brésiliennes, des années 1970 à fin 2002, les incendies ont détruit plus de 630.000 kilomètres carrés des 3 millions 680.000 kilomètres carrés que compte la forêt amazonienne dans ce pays (70% de toute la forêt amazonienne).
Le chercheur de l’INPE considère que la déforestation, provoquée par l’avancée de la culture du soja (pour engraisser les animaux d’élevage) et l’élevage du bétail, a déjà un impact climatique, tant localement que dans des zones plus éloignées, puisqu’elle provoque "une diminution des pluies et un réchauffement plus important du climat".
Nobre estime qu’on peut inverser ce processus par le biais de la création d’un grand organisme de coordination des efforts en faveur de l’Amazonie. Cela suppose une réorientation des ressources, puisqu’actuellement "seulement 3% des revenus de la recherche vont à l’Amazonie", a dit Nobre


Plus de glaciers dans les Alpes d’ici 2080 !

Les glaciers alpins ne pourraient devenir qu’un vague souvenir, d’ici à 2080, en raison du réchauffement climatique. C’est en tout cas les conclusions d’une étude autrichienne rendue publique avant-hier.
C’est en s’appuyant sur le recul du glacier du Pasterze, situé sur le plus haut sommet des Alpes autrichiennes, que le professeur Heinz Slupetzky et ses collègues de l’Université de Salzburg ont pu modéliser l’avenir des glaciers alpins.
Le recul du glacier du Pasterze, étant à l’origine de nombreux modèles climatiques, est sous la surveillance de la NASA. Heinz Slupetzky s’est donc basé sur les nombreuses observations faites de ce phénomène climatique.
Selon un rapport publié, il y a peu, par Greenpeace, et qui confirme les alarmes du chercheur autrichien, plus de la moitié des glaciers alpins ont disparu, depuis 1850. Ils seraient réduits à une peau de chagrin dans les 100 ans à venir si rien n’est fait pour enrayer le processus.


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