Conférence de Hervé Le Treut, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace

L’adaptation au changement climatique imposera une société différente

26 octobre 2018, par Manuel Marchal

Spécialiste du climat et membre de l’Académie des sciences qui contribue aux travaux du GIEC, Hervé Le Treut a tenu hier soir une conférence à l’Université sur le thème de l’adaptation au changement climatique. Un domaine qui ne se limite pas aux solutions techniques, car il suppose d’imaginer les représentations bien différentes qu’auront les générations futures, façonnées par un environnement bien plus impacté par les effets du réchauffement.

Hervé Le Treut hier à l’Université de La Réunion.

Hervé Le Treut travaille depuis plusieurs années sur un l’adaptation au changement climatique. « L’adaptation est inévitable, c’est insuffisant mais nécessaire ». Hervé Le Treut note que « nous n’avons plus la main sur le problème. 1,5 % des gaz à effet de serre viennent de France. L’adaptation c’est avant tout se protéger ». Autrement dit, ce n’est pas localement qu’il est possible d’avoir une influence sur les émissions globales de gaz à effet de serre et leurs conséquences mondiales. Par contre, le local peut être un échelon où l’action dans le domaine de l’adaptation peut s’avérer efficace.

« Inégaux par rapport au changement climatique »

Préalablement, le directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace rappelle que « nous sommes très inégaux par rapport au changement climatique ». Ainsi en 2050, les besoins alimentaires seront 5 fois plus importants que la consommation alimentaire de 2000, par 2,5 en Asie, par 2 en Amérique latine, par 1,5 en Amérique du Nord alors qu’ils seront les mêmes en Europe.

Dans le domaine de l’adaptation, le projet Acclima Terra en Aquitaine, propose une approche réplicable dans d’autres contextes. En Aquitaine, le réchauffement conduit à des conséquences sociales importantes avec des sécheresses plus nombreuses.
À cela s’ajoute le fait que la protection est complexe en raison de possibilités multiples. La région est en effet soumise à quatre régimes climatiques au cours de l’année, et ce qui signifie quatre possibilités différentes de phénomènes extrêmes.

La base est un Comité régional scientifique pour l’adaptation au changement climatique : Acclima Terra. Il compte 21 membres, et 370 contributeurs ont rédigé deux rapports relatifs à l’adaptation au changement climatique dans cette région. Le rôle du Comité est d’amener la science au plus proche de la décision politique.
Acclima Terra s’attache tout d’abord à définir des zones vulnérables, ainsi que des lieux d’école. En effet, un handicap supplémentaire est une forme d’incompréhension des enjeux. Ainsi, une étude annuelle en France réalisée par un chercheur de Sciences-Po relève que moins de 15 % des personnes interrogées disent que l’effet de serre vient des gaz comme le CO2.

Volonté politique obligatoire

Mais les difficultés rencontrées dans la prise de décision dénotent un problème pour se situer rapport à un problème précis : quelle sera l’image du futur ? La crise est arrivée à un point tel où il n’est plus possible de traiter tous les problèmes en même temps. Des arbitrages doivent être faits. Ainsi, la remontée de la mer dans l’estuaire de la Gironde pose le problème de la protection d’une centrale nucléaire et du vignoble. Quelle sera alors la priorité ?

Hervé Le Treut précise également qu’à Acclima Terra bénéficie d’un contexte politique favorable. Cette initiative est soutenue par Alain Rousset, président du Conseil régional, très sensible à cette question. Un des objectifs du Comité est de structurer Acclima Terra en association, afin d’être indépendant d’un éventuel changement d’orientation politique à la tête de la collectivité.

En effet, l’expérience montre combien la volonté politique est la condition obligatoire pour que puisse être envisagées des actions de protection à une échelle territoriale.
L’évolution constante de la crise amènera la naissance de comportements qui sont aujourd’hui difficilement concevables, poursuit Hervé Le Treut, avec une réaction sociale et militante face au changement climatique. Par exemple, dans un contexte précis, il sera difficile d’utiliser sa voiture ou de prendre l’avion eu égard à l’évolution des représentations sociales en raison de l’impact grandissant du changement climatique.

Une certitude néanmoins, il ne sera plus jamais possible à l’espèce humaine de gérer la planète comme elle le faisait au 19e siècle. Ce qu’ont fait les Irlandais en partant massivement aux USA en raison d’une crise dans leur agriculture n’est plus possible.
Nous sommes 7 milliards, des espaces ne seront plus habitables. Nous devrons donc vivre autrement.

M.M.

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  • Ça n’est pas sérieux de comparer des valeurs par pays ;) ça se fait toujours par individu !!!
    Au-contraire, l’action se situe principalement au niveau local et individuel : l’unique levier d’action avec 80% d’efficacité individuelle pour diminuer son empreinte/emprunt écologique carbone, c’est de cesser la traite animale !
    Seul la consommation exclusivement végétale (alimentation, habillement...) - #goVegan - permet la résilience à l’anthropocène !


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