Comment augmenter la production de denrées alimentaires quand le climat n’est plus le même ?

L’agriculture réunionnaise face aux défis de l’autosuffisance alimentaire et du changement climatique

23 mai 2022, par Manuel Marchal

200000 visiteurs à la Foire de Bras-Panon en une semaine ont montré l’attachement des Réunionnais à leur agriculture. Alors que la guerre en Ukraine relance la volonté d’aller vers l’autosuffisance alimentaire, ce secteur économique étroitement dépendant du climat sort d’une saison des pluies exceptionnelle qui a succédé à trois années de sécheresse. Le changement climatique est bien présent, au moment où les Réunionnais ont le plus besoin de leur agriculture.

Après deux années d’interruption, la Foire agricole de Bras-Panon a été un grand succès sur le plan de sa fréquentation. En une semaine, 200000 Réunionnais ont visité les stands, ce qui témoigne d’un attachement de nos compatriotes à leur agriculture. Cette agriculture réunionnaise est à la croisée des chemins, alors que les conséquences de la guerre en Ukraine ont relancé l’intérêt pour l’autosuffisance alimentaire, et donc le développement de ce secteur.

Dépendance coûteuse aux importations

La pénurie de plusieurs produits et la hausse des prix ont en effet alerté sur la forte dépendance des Réunionnais aux produits alimentaires importés. Ceci explique le retour sur le devant de la scène de la production de riz notamment. Certains plaident pour une réduction des superficies plantées en cannes à sucre au profit des cultures vivrières, alors que des milliers d’hectares de terres en friches pourraient être valorisées. Ceci donnerait des possibilités importantes pour la production locale sans toucher à l’or vert de La Réunion : lors d’un débat organisé à la Foire de Bras-Panon, David Gauvin et Nadine Gironcel Damour ont en effet rappelé que plus de 150 produits autres que le sucre issus de la canne peuvent être industrialisés.
La situation internationale a rappelé l’importance d’augmenter la production de denrées alimentaires à La Réunion. Cette volonté doit tenir compte d’un élément qui va compliquer cette ambition : le changement climatique.

L’installation du changement climatique

L’agriculture dépend en effet étroitement du climat. Le bilan de la saison des pluies par Météo France montre que La Réunion ne bénéficie plus des conditions climatiques du passé, sur lesquelles s’était développé les productions traditionnelles. Notre île a en effet connu « une vraie saison des pluies » en 2022, qui a succédé à trois années déficitaires qui ont favorisé la sécheresse. Cette « vraie saison des pluies » est une des cinq plus intenses de ces 50 dernières années. Elle a donc vu des précipitations plus importantes qu’une saison des pluies normale que les Réunionnais avaient l’habitude de connaître chaque année.
Meteo France note que les trois années précédentes étaient déficitaires en pluies. Ces conditions ont donc favorisé la sécheresse. Cela signifie que sur ces 4 dernières années, La Réunion n’a pas connu un climat normal. Ce fut une succession d’années marquées par des tendances extrêmes : manque ou surplus d’eau. Ceci caractérise l’installation du changement climatique.

Double défi

Ces trois années de sécheresse ont pesé lourdement sur les rendements. Les planteurs de canne à sucre ont demandé et obtenu une aide supplémentaire de 14 millions d’euros pour compenser les pertes financières dues à la sécheresse d’une part, et à la hausse des prix des intrants causée par la situation internationale d’autre part. Ce montant donne une idée des difficultés structurelles provoquées en particulier par le dérèglement climatique.
C’est au moment où l’opinion se réveille pour prendre conscience de la nécessité d’augmenter considérablement la production agricole à La Réunion que le changement climatique rappelle son existence avec pour conséquences une diminution des rendements, et la nécessité d’un accompagnement plus important des pouvoirs publics pour que les agriculteurs puissent surmonter des difficultés structurelles.

L’impact sur les prix

L’agriculture réunionnaise est à la croisée des chemins. Son développement passe par un large soutien afin que les entreprises de ce secteur économique puissent remplir leur mission de nourrir la population réunionnaise. Faute de quoi, la dépendance des Réunionnais aux importations ira en augmentant, avec un impact sur les prix. Ce sont les plus pauvres qui en sont les premières victimes. Or, ces pauvres sont nombreux à La Réunion : près de 40 % de la population, sans compter celles et ceux qui ont des revenus les situant juste au-dessus du seuil de pauvreté.

M.M.

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