Sheikh Hasina, Premier ministre du Bangladesh

L’engagement minimal des pays riches : réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020

19 janvier 2010

C’est la dirigeante d’un pays trois fois plus peuplé que la France qui est venue témoigner du drame déclenché par les responsables du changement climatique. La montée du niveau de la mer et l’intensification des cyclones ne concernent pas uniquement les petites îles de l’océan Indien, de la Caraïbe ou du Pacifique, mais aussi des pays bien plus peuplés que la France, et en pleine croissance démographique et économique. Sheikh Hassina rappelle le minimum que les pays riches doivent aux autres pays du monde : une baisse d’au moins 45% des émissions de gaz à effet de serre pour contenir l’augmentation de la température en dessous de 1,5 degré. C’est la seule solution pour ne pas condamner un milliard de personnes à l’exil. Qui peut accepter que le double de la population de l’Europe soit privé de foyer et de moyens de subsistance pour qu’une part infime de l’humanité puisse préserver des privilèges qui ont conduit à la catastrophe climatique ?

« M. le Président,
La conférence est une des plus critiques, avec de profondes conséquences pour l’humanité. L’incapacité de prendre des décisions correctes et immédiates ici se traduirait par des changements dans la topographie, l’insécurité alimentaire, le manque d’eau, les fléaux sanitaires et des mouvements de masse de populations.
Un tel cauchemar peut être évité par l’élévation au-dessus de la perception mesquine des intérêts nationaux, et par la sagesse d’un leadership collectif, et de décisions résolues.
Un développement important est la prise de conscience par les pays développés de leur responsabilité dans leurs émissions de gaz à effet de serre débridées, qui ont pour résultat le réchauffement planétaire et le changement climatique.
Tout aussi important est leur volonté d’être prêts à réduire leurs émissions pour inverser la tendance défavorable de l’évolution du climat.
Cependant, pour atteindre les niveaux recommandés par la science, volonté politique et décisions audacieuses sont nécessaires pour investir dans les ressources et dans la technologie.

Les réserves de pêche détruites

M. le Président,
La contribution du Bangladesh aux émissions de gaz à effet de serre est négligeable, mais le Bangladesh est une des plus grandes victimes de ces émissions. Le changement climatique, et l’augmentation de la fréquence, de la férocité et du caractère aléatoire des catastrophes naturelles provoquent des ravages au Bangladesh.
La Stratégie internationale pour la réduction des catastrophes a classé le Bangladesh comme le pays le plus vulnérable aux inondations, le troisième plus vulnérable aux tsunamis, et le sixième plus vulnérable aux cyclones en termes d’exposition des humains aux dangers. De plus, la pénétration de la salinité dans les régions côtières réduit notre surface cultivable, et menace la plus grande forêt de mangrove du monde, la Sunderbans, un site classé Patrimoine mondial par l’UNESCO.

Au Bangladesh, le nombre des réfugiés du climat augmente tous les jours. La hausse visible du niveau de la mer et l’augmentation de la température ont détruit les réserves de pêche, et les moyens de subsistance de nos pêcheurs. Catastrophes naturelles, érosion des bords des rivières, et intrusion de l’eau salée prélèvent une lourde taxe sur les vies, et déracinent des familles d’agriculteurs par millions. Ils viennent gonfler nos villes, ce qui provoque des désordres sociaux. Les fonds alloués au développement sont réorientés vers la reconstruction, ce qui nuit à notre Objectif de développement du millénaire. En fait, le changement climatique nous coûte une part importante de notre PIB.

Ce que doivent faire les pays riches

Il est estimé qu’une hausse du niveau de la mer d’un mètre due au réchauffement climatique inonderait 18% de notre territoire, créerait 20 millions de réfugiés climatiques, et 40 millions de plus perdraient leurs moyens de subsistance d’ici 2050. En fait, les estimations scientifiques indiquent qu’un milliard de personnes serait déplacé dans le monde d’ici 2050, par le changement climatique.
Par conséquent, il doit être adopté un nouveau régime légal, dans le cadre du Protocole de l’UNFCCC (Convention-cadre sur le changement climatique — NDLR), garantissant la réparation pour les émigrants du climat du monde entier.

M. le Président,
Pour relever le défi du changement climatique, toutes les nations doivent immédiatement agir sur la base du Plan d’action de Bali, pour le développement durable afin de survivre. Les pays développés doivent s’engager sur d’importantes réduction d’émissions de gaz à effet de serre, de manière juridiquement contraignantes.
En effet, les Parties de l’Annexe 1 (les pays riches — NDLR) doivent réduire leurs émissions de 45% d’ici 2020, par rapport au niveau de 1990. Ils doivent faire que le pic des émissions de gaz à effet de serre survienne d’ici 2015. Ils doivent réduire la concentration de gaz à effet de serre à 350 ppm dans l’atmosphère d’ici 2100, et ils doivent agir pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, et pas à 2 degrés, au-dessus des niveaux d’avant la Révolution industrielle.
Le principe de la responsabilité commune mais différenciée et des capacités respectives doit être confirmé.

Les efforts considérables du Bangladesh

Au niveau national, le Bangladesh a apporté un changement de paradigme pour les secours et la reconstruction, dans la gestion des risques liées aux catastrophes. Nous avons également adopté un programme d’adaptation et d’atténuation comprenant 134 plans d’action. Ils incluent le dragages des plus grandes rivières, la reforestation de 20% du pays d’ici 2015 pour créer un puits de carbone, la protection de la biodiversité, le renforcement des côtes et des bords de rivières avec de la mangrove, la modernisation du système de gestion des catastrophes, le développement de variétés de cultures adaptées au changement climatique, le changement des techniques agricoles, l’utilisation de la technologie du "charbon propre", le développement de l’industrie nucléaire, des énergies renouvelables, entre autres.

Une priorité est le dragage pour approfondir le lit des rivières afin qu’elles drainent davantage d’eau ce qui limitera les inondations, permettra de récupérer des terres inondables, de maintenir la navigabilité, de relever le niveau de la rive avec les terres tirées du lit de la rivière, de construire des maisons sur des terres plus élevées pour les réfugiés, etc.
Cela entraînerait des besoins financiers énormes.
La Conférence de Copenhague doit, par conséquent, déboucher sur un accord pour un fonds compensatoire, qui devrait être adapté, durable et facilement accessible, pour couvrir le coût total de l’adaptation, particulièrement pour les pays les plus vulnérables, les pays côtiers, les petits États insulaires en développement et les pays dits "les moins avancés".

Le décaissement de ce fonds doit prendre en compte l’ampleur de la vulnérabilité au changement climatique, l’importance de la population exposée au risque, les initiatives prises par les pays concernés, etc.
Ce fonds d’adaptation doit correspondre au moins à 1,5% du PIB des pays développés, indépendamment de l’aide publique au développement comme stipulé dans le Programme d’action de Bruxelles.

Le jugement de la postérité

Les pays développés doivent aussi favoriser le transfert de technologies vertes, particulièrement vers les pays les plus vulnérables et les pays dits "les moins avancés", à un coût abordable. Ces technologies doivent rester en dehors du régime du Droit de la propriété intellectuelle.
Il y a aussi nécessité de bâtir un Centre international pour l’adaptation, la recherche et la formation dans le cadre de l’UNFCCC, pour renforcer les capacités à travers les expériences partagées de l’adaptation.

M. le Président,
Nous sommes venus ici dans la belle cité de Copenhague avec des espoirs de justice, d’équité, et d’un nouveau départ pour la sûreté commune de l’humanité. Nous sommes venus ici pour voir un monde uni pour une fois, avec une seule vision pour sauver notre fragile planète mère.
En effet, nos futurs sont entrelacés, et dépendent des choix que nous faisons ici. Le temps est venu pour une sagesse collective, et de bonnes décisions pour un monde plus vert, vivable. N’oublions pas que la postérité nous jugera sur les choix que nous faisons ici et le monde que nous laisserons derrière nous, pour les générations du futur.

Je vous remercie

Que vive éternellement le Bangladesh. »

A la Une de l’actuConvention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique

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