Dépenses à la hausse pour protéger la population

L’Indonésie face au défi de l’adaptation

24 avril 2013

Pays en pleine expansion économique, l’Indonésie est aussi un des plus vulnérables aux catastrophes climatiques. Ceux qui ont urbanisé Djakarta (la capitale) étaient sans doute loin d’imaginer que cette ville serait aujourd’hui cinq fois plus peuplée que Paris, avec 40% de sa superficie sous le niveau de la mer du fait de la montée du niveau des océans. Comment protéger plus de 10 millions d’habitants des cyclones, trombes d’eau et de la menace des tsunamis ? Dans cet article, IRIN montre comment la résistance s’organise.

Abdul-Majid, commerçant de 50 ans, a tout perdu quand la rivière Ciliwung est sortie de son lit en 2007.
(photo Brendan Brady/IRIN)

En janvier dernier, quand la rivière Ciliwung est sortie de son lit à Jakarta, la capitale indonésienne, Abdul Majid a déménagé à la hâte sa famille et leurs affaires à l’étage.
« Quand j’ai appris que l’inondation allait être de taille, j’ai déplacé toute ma marchandise sur le toit pour éviter de tout perdre à nouveau », a déclaré Majid, 50 ans, propriétaire d’un petit kiosque au rez-de-chaussée de sa maison.
En 2007, lors de la dernière inondation importante de la capitale de 10 millions d’habitants, il a perdu toute sa marchandise. « J’ai dû utiliser toutes mes économies et emprunter de l’argent pour acheter de nouveaux produits », a-t-il ajouté.
Ses chances de déménager dans un quartier de la ville moins exposé sont limitées. Donc, comme beaucoup d’habitants de cette ville, il se contente de trouver des moyens pour limiter les pertes, en espérant que le fleuve sera clément.

Moins de morts, plus de dépenses

L’Indonésie est l’un des pays du monde les plus exposés aux catastrophes naturelles, mais les risques évoluent : ici, comme partout ailleurs sur la planète, moins de gens meurent dans les inondations, tremblements de terre et éruptions volcaniques, même si la facture de ces catastrophes est de plus en plus lourde.

Partout dans le monde, les mesures d’urgence et d’anticipation mises en place pour répondre aux catastrophes naturelles se sont améliorées, mais des mesures équivalentes pour préserver l’économie des pays touchés sont à la traîne, d’après Maplecroft, une société de conseil britannique qui publie annuellement un Atlas des dangers naturels (Natural Hazards Risk Atlas) qui évalue l’exposition et la résilience des pays face aux catastrophes naturelles.
Maplecroft considère que 2012 a été l’année où les catastrophes naturelles ont causé le moins de morts ces dix dernières années. Cependant, le Fonds monétaire international (FMI) estime que le coût des dégâts causés par les catastrophes naturelles est passé d’une moyenne de 20 milliards de dollars par an dans les années 1990 à environ 100 milliards par an entre 2000 et 2010.
« Cette tendance à la hausse va certainement se poursuivre du fait d’une concentration toujours plus importante de personnes vivant dans des zones davantage exposées aux catastrophes naturelles et au changement climatique », a annoncé le FMI.

D’après un rapport de 2010 de la Banque mondiale, neuf des dix villes considérées comme les plus sujettes à des inondations maritimes d’ici 2070 se trouvent en Asie, ce qui en fait le continent le plus touché.
Le rapport de 2012 sur les catastrophes d’Asie et du Pacifique publié par le Bureau pour la réduction des risques de catastrophes des Nations unies indique que cette partie du monde a déjà subi un fort déficit économique à cause des catastrophes naturelles ces dernières années. En 2011, les pertes en Asie et dans le Pacifique s’élevaient à 294 milliards de dollars, 80 pour cent du montant total planétaire de 366 milliards de dollars.
En Asie et dans le Pacifique, le coût des dégâts dus aux catastrophes a été multiplié par 16 depuis 1980, alors que le PIB par tête a été multiplié seulement par 13 sur la même période.

Selon le Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes naturelles (CRED) de Bruxelles, les Samoa, Haïti, les îles Fidji, le Pakistan, Madagascar et les Philippines sont les premiers sur la liste des pays dont les pertes dues aux dangers naturels sont les plus importantes par rapport à leur PIB en 2012.

Des risques variés

Bien que la population de Jakarta se soit adaptée à ces risques en prenant des mesures douloureuses, mais pratiques telles que sacrifier régulièrement le rez-de-chaussée aux inondations, la menace croissante des catastrophes naturelles qui pèse sur la ville finira certainement par submerger les habitants des zones inondables.

Avec ses 13 cours d’eau qui traversent la ville, Jakarta est naturellement exposée aux inondations. De plus, comme le niveau de la mer monte, Jakarta baisse de 3,5 cm par an, d’après Sutopo Nugroho, porte-parole de l’Agence nationale pour la gestion des catastrophes (BNBP). Selon cette organisation, environ 40 pour cent de Jakarta se trouve actuellement en dessous du niveau de la mer, ce qui induit la stagnation des eaux de pluie plutôt que leur écoulement dans les rivières ou dans la mer.

Les autorités estiment que les inondations de janvier ont coûté au moins 700 millions de dollars à cause des dégâts et des pertes pour l’activité économique.

Des obstacles au changement

En dépit de leurs bénéfices économiques à long terme, les changements structurels des mégapoles surpeuplées sont difficiles à mettre en œuvre.
Une des solutions principales pour diminuer les risques de Jakarta aux dégâts matériels est d’élargir les cours d’eau qui traversent la ville. Cependant, cela n’a été que partiellement tenté, a ajouté M. Nugroho.
Environ 34.000 familles vivent sur les zones des berges du Ciliwung qui devraient être draguées, a-t-il expliqué. Le gouvernement a proposé de les reloger dans des immeubles fournis par l’État, mais à ce jour, aucun plan n’a été mis en place.
D’après M. Nugroho, ce projet va coûter très cher à la ville et risque de se heurter aux résistances de la population vivant près du fleuve. « Il y a de nombreux exemples de gens qui n’acceptent pas de déménager, et je pense que nous allons rencontrer le même problème avec les habitants des berges du Ciliwung. Leur vie et leur travail sont indissociables de leur lieu de vie actuel ».

La hausse du budget national dédié à la réduction des risques, et les efforts pour atténuer les risques de destruction dus aux catastrophes naturelles sont un pas en avant, a affirmé Aris Marfai, du département de Géographie de l’Université Gadjah Mada, située à Yogyakarta, à quelque 550 km à l’Est de Jakarta.

Le plus haut de l’inondation était atteint le 17 janvier 2013 à Djakarta, capitale de l’Indonésie, une ville cinq fois plus peuplée que Paris.
(photo Ahmad Pathoni/IRIN)

Une famille de Djakarta assise sur le pas-de-porte devant sa maison, située le long de la rivière Ciliwung. Le 17 janvier dernier, l’eau est montée jusqu’au-dessus du premier étage.

L’Indonésie est un des pays les plus peuplés du monde. Il est prévu que dans les années à venir, cet État devienne une plus grande puissance économique que la France. Mais l’Indonésie est très vulnérable aux catastrophes causées par l’eau de ruissellement. Sa principale préoccupation : comment s’adapter au changement climatique.
(photo Jonathan McIntosh)

L’adaptation coûte moins cher que la réparation


Ces dix dernières années, les catastrophes naturelles (dont de multiples tremblements de terre ayant provoqué la mort de milliers de personnes et le tsunami de 2004 qui a fait environ 170.000 victimes en Indonésie) ont poussé le gouvernement à redéfinir la gestion des catastrophes, a expliqué Aris Marfai, du département de Géographie de l’Université Gadjah Mada.
« Avant, la priorité était les secours. [On agissait] essentiellement par réaction », a-t-il ajouté. « Mais à présent, le gouvernement et les associations sont plus attentifs à la réduction et à l’anticipation des risques ».

Selon les Nations unies, les investissements du gouvernement dans la réduction des risques de catastrophes (RRC) ont doublé, passant de moins de 0,6 pour cent du budget global en 2006 à plus de 1 pour cent en 2012.
Les observateurs remarquent que l’augmentation des budgets alloués reste en deçà des dépenses liées aux risques croissants.

Le ruissellement des eaux a rapidement augmenté en raison de la déforestation et des constructions, privant le sol des matières organiques qui absorbent les précipitations et accroissant ainsi les risques d’inondation.
L’augmentation de la vitesse de ruissellement entre Bogor, ville proche située sur les hauteurs, et Jakarta, signe de la moindre capacité des sols à absorber l’eau, montre à quel point la ville est exposée, a expliqué Marco Kusamawijaya, fondateur du Rujak Centre for Urban Studies (Centre d’études urbaines) à Jakarta.
« Avant, on parlait du ruissellement de Bogor en termes de jours. Aujourd’hui, c’est en termes d’heures », a-t-il précisé. « Pendant plus d’un siècle, on ne s’est concentré que sur l’augmentation de la capacité de drainage [à Jakarta] et pas sur l’effort pour réduire le ruissellement ».

La réduction du ruissellement, causé en partie par la massification des constructions, est difficile, car les solutions impliquent une croissance régulée, souvent perçue comme une croissance limitée, a ajouté M. Kusamawijaya.
« Du point de vue politique, les solutions ne sont pas évidentes ».

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