Ouverture de la session du Groupe de travail n°1 du GIEC : discours de Paul Vergès

L’urgence de l’action

23 juillet 2011

Mardi dernier, Paul Vergès, président de l’ONERC, a ouvert la session de travail du GIEC aux côtés du président de cette institution, Rajendra Pachauri, et Serge Lepeltier, ambassadeur de France aux négociations sur le climat. Voici de larges extraits de son discours.

Habitant d’une petite île de l’océan Indien — l’île de La Réunion —, j’ai depuis toujours été passionné par l’observation de mon environnement naturel. Vivre sur une île aide certainement à développer une sensibilité particulière aux liens entre nos activités humaines et les écosystèmes, un intérêt pour les mouvements et les équilibres fins, et parfois très fragiles, de la mer, de l’atmosphère, des rivages, des forêts qui furent notre berceau et sont notre cadre de vie. Nous en dépendons définitivement, en dépit de tous artifices et de toute réalisation technologique.

Élu de cette île, j’ai toujours eu à coeur de partager et développer, avec la population, une vision de très long terme, où, conscient des échelles de temps dans lesquelles s’écrit l’histoire humaine, nous conduirons le développement de nos civilisations sur des chemins qui respectent notre planète et l’ensemble du monde vivant.

Les départements, territoires et pays d’outre-mer français, dans les trois océans, sont naturellement proches de très nombreux petits États insulaires. Ces peuples, ces États, portent un message particulier, qui interpelle le reste du monde, l’appelle à marquer un temps, écouter la parole de chaque État, connaître notre héritage naturel, comprendre les besoins fondamentaux de tout être humain, s’interroger sur les voies qui y répondront.

C’est aux marges des espaces habitables que les petites variations du climat ont les effets les plus rapidement et les plus grandement sensibles. Les pays en développement sont, souvent, dans une situation géographique ou économique qui les placent à la périphérie d’une richesse, aux limites entre ce qui permet de vivre et ce qui ne le permet pas. Cette plus grande fragilité, il faut en être conscient dans nos choix techniques et économiques. Les éclairages scientifiques que vous nous apportez sont indispensables pour que les pays plus puissants et les plus riches, gardent les yeux ouverts quant à la situation réelle des pays moins favorisés.

Réceptif aux messages des scientifiques et particulièrement aux rapports du GIEC, j’ai promu en France l’idée de créer un Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, à la fin des années 1990. Serge Lepeltier, aux côtés de qui j’ai le plaisir de vous accueillir aujourd’hui, contribua beaucoup à ce projet. Cet observatoire, l’ONERC, fut créé par une loi en 2001 avec, notamment, la mission de produire des recommandations en matière d’adaptation au changement climatique. La base légale de l’ONERC lui assure une pérennité et une stabilité qui conviennent particulièrement au sujet traité et aux échéances de long terme qui y sont associées. Mercredi 20 juillet, dans deux jours, madame Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, présentera à la presse et au public le premier plan français d’adaptation au changement climatique.

Vos conclusions scientifiques nous montrent, d’une part que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est urgente, très urgente. Elle nous montre aussi que nous devrons, dans tous les scénarios, nous adapter à un changement climatique global d’une certaine ampleur. Entreprendre dans chaque pays et chaque région, la réflexion sur l’adaptation, est indispensable pour minimiser les coûts et les difficultés futures. Mais cette démarche à laquelle nous sommes à présent contraints, peut aussi être porteuse de retombées très positives à court terme.
Je pense, par exemple, à la prise de conscience des relations fines entre chaque activité économique et les paramètres de l’environnement naturel, ainsi qu’à la réflexion sur la robustesse de ces activités par rapport à la variabilité climatique, ou aux événements extrêmes. Entrer dans cette réflexion conduit rapidement à une vison plus large, plus intégrative ; elle conduit à mieux mesure les impacts de toute activité sur les milieux environnants : espace, qualité de l’air, eau, biodiversité. Elle contribue, finalement, à développer l’exercice d’une responsabilité individuelle et collective plus accentuée et plus ample.

Tout ceci dépend en grande partie de l’information scientifique que vous, scientifiques, produisez, synthétisez, formulez à l’usage des décideurs politiques, et de la collectivité.

L’une des missions confiées au secrétariat-général de l’ONERC est d’assurer la fonction de point focal français du GIEC. À ce titre, notre équipe, intégrée au ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, a préparé la présente réunion, avec le concours de plusieurs services de ce ministère, avec le concours de partenaires extérieurs, et en liaison avec Jean Jouzel, membre du bureau du groupe de travail 1, ainsi que la TSU, technical support unit et les co-présidents de votre groupe de travail. Cette préparation s’est effectuée dans un excellent esprit, et ces mêmes équipes restent à votre service au long de la semaine à venir.

Le GIEC est une magnifique réalisation humaine. Je reconnais et j’admire vos compétences, vos méthodes de travail, votre engagement volontaire au service d’une cause mondiale.

Je vous exprime ma très grande estime et ma reconnaissance, et je vous souhaite une excellente semaine de travail.

Paul Vergès

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