60 ans après les premiers soupçons sur le lien entre énergies fossiles et effet de serre

La difficulté d’agir face au changement climatique

26 octobre 2018, par Manuel Marchal

Hier à l’Université, la première partie de l’exposé de Herve Le Treut, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace, a porté sur les réponses scientifiques et politiques face au problème du changement climatique.

L’humanité a déjà émis 66% du volume de gaz à effet de serre qu’il ne faut pas dépasser si l’objectif est de contenir la hausse moyenne de la température à 2 degrés par rapport à l’époque préindustrielle.

Hervé Le Treut revient d’abord sur le contexte des études sur le climat. Il indique que les premiers sur la possibilité que les émissions de CO2 restent dans l’atmosphère, et donc soient à l’origine d’un effet de serre, remontent à 1955. La réponse scientifique était l’observatoire du Mauna Loa à Hawaï en 1957. En 1972 eut lieu le premier Sommet de la Terre à Stockholm. La climatologie était alors une affaire d’agronomes travaillant dans les pays en voie de développement. Par exemple, il était notamment question de la sécheresse au Sahel.

Le premier rapport sur le changement climatique date de 1979 : le rapport Charney fait à l’Académie des sciences américaines. En 1980 fut lancé le Programme mondial de recherche sur le climat qui a initié toutes les études. Le GIEC fut créé en 1988, dans une optique de médiation d’une science complexe envers le monde politique. Le GIEC fut placé sous un double parrainage : politique avec son placement auprès de l’ONU, scientifique avec les contributions de chercheurs.

Divergence depuis le Protocole de Kyoto

Le GIEC a donné dès le départ une puissance très forte à son domaine. Le Sommet de la Terre de 1992 à Rio s’est appuyé sur les résultats du premier rapport du GIEC. Le Sommet de Rio a permis de mettre en évidence la nécessité de conduire à la fois des actions pour éviter l’amplification de problèmes dangereux, et la promotion d’un développement durable. Il initia la création de la conférence des parties (COP) sur le changement climatique.

En 1997, la signature du Protocole de Kyoto s’inscrivait dans cette prise de conscience. Il laissait les pays en voie de développement libre d’engagement, seuls les nations les plus industrialisées devaient répondre à des objectifs. Il n’entra en vigueur qu’en 2005.

La suite de Kyoto fut l’Accord de Paris adopté en 2015 à la COP21.
Hervé Le Treut constate que la prise de conscience et la réponse politique sont allées très vite ensemble jusqu’au Sommet de Rio. Par la suite, le diagnostic scientifique a évolué, mais le politique n’a pas suivi le même rythme. Cela traduit un désaccord sur ce qu’il faut faire.

Démographie, mondialisation et énergie

Le climatologue note que le problème climatique est très évolutif. Il faut en particulier tenir compte du problème de la démographie.
Les émissions de gaz à effet de serre ont commencé vraiment dans les années 1950. Cela est dû aux modes de production et de consommation des pays d’Europe et d’Amérique du Nord, ainsi qu’à l’industrie du bloc soviétique. Depuis le Sommet de Rio, les émissions ont continué à augmenter de manière très rapide. C’est en raison d’un phénomène qui n’était pas anticipé, le développement extrêmement rapide de la Chine. Hervé Le Treut note que ce développement s’est fait dans une logique de rattrapage du niveau de vie de l’Occident. Ce qui signifie que des pays émergents comme la Chine ont aujourd’hui, par habitat, un taux d’émission approximativement égal. De plus, la Chine est devenue l’usine du monde. L’Europe a délocalisé vers ce pays beaucoup d’entreprises émettrices de gaz à effet de serre. « Si on rétablissait cela, on aurait une vision assez différente du problème », souligne-t-il.

Hervé Le Treut évoque ensuite le prisme de l’énergie. Le CO2 est émis presque exclusivement par la combustion des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel). Depuis 1970, la production d’énergie primaire a été multipliée par deux, tout comme la population mondiale. La répartition par forme d’énergie est inchangée, avec la même forte proportion de sources fossiles. Or, les gaz à effet de serre persistent dans l’atmosphère : la durée de vie du CO2 y est d’un siècle, ou une dizaine d’années, le HCFC a une autre période de dégradation. La connaissance de cette variabilité est très importante, car pour mettre en place des actions justes et équilibrées, il est nécessaire d’entrer dans la complexité pour déterminer quel gaz taxer plus qu’un autre.

20 années perdues

Hervé Le Treut aborde ensuite la question de la prévision par l’intermédiaire de la modélisation. Dès les années 1970, la déduction de l’application de modèles mathématiques fondés sur les lois de la physique permettaient déjà d’affirmer que le réchauffement climatique allait avoir lieu. « Les preuves par l’observation sont venues 20 années plus tard. On a perdu 20 ans à cause de l’idée qu’il faut voir pour croire », constate-t-il.

« Nous sommes au début d’un réchauffement climatique dont nous commençons à voir les symptômes. Le futur est engagé, on ne sait pas comment enlever les gaz à effet de serre dans l’atmosphère », poursuit-il en rappelant qu’à ce jour, les quantités de polluants émises sont déjà si importantes que la cible de 2050 est déjà dépassée. Le scénario le plus favorable fait apparaître la possibilité d’être à deux degrés sans stabilisation, ce qui est déjà 0,5 degré de plus que la valeur retenue dans l’Accord de Paris.

Les données sont connues. Pour ne pas dépasser 2 degrés, la limite tolérable des émissions de gaz à effet de serre est de 3000 milliards de tonnes d’équivalent CO2 sur 100 ans. Au rythme actuel, il reste une vingtaine d’années pour rester sous 2 degrés, et encore moins sous 1,5 degré. La trajectoire moyenne situe l’augmentation de la température moyenne aux alentours de 3 degrés, soit la moitié qui nous sépare d’un âge glaciaire.

M.M.

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Messages

  • Il est facile pour tous/chacun d’agir efficacement (-80% d’émission individuelle de GEF) en consommant exclusivement végétal au quotidien #vegan et en ne changeant strictement rien d’autre ; c’est une nécessité éthique/civique/écologique, c’est aussi demandé par toutes les religions (pour ceux qui se prétendent croyants ça s’impose) mais encore l’ONU, l’UNEP, la FAO, l’USDA, etc...

  • Ce que vous écrivez et si juste. Hélas, bien peu de citoyens n’en prennent conscience. Ils, elles ne sont pas assez sensibles. Indifférents, égoistes, narcissiques même, c’est l’époque qui veut ça, et malheuresuement, c’est pas bon, surtout sur le long terme et il sera encore pus long de faire machine arrière. Les scientifiques alertent, mesurent, sont sidérés,à juste raison à la lecture des vrais résultats affichés par les appareils de mesures scientifiques. Je vous conseille pour en savoir plus d’écouter sur France Inter en direct (98 ;8 Mhz) ou en allant sur " www.franceinter.fr " les émissions suivantes : "CO2 mon amour" qui est diffusée les samedis de 14 à 15H (heure de métropôle), " secrets d’infos" les samedis aussi. Les dimanches "Interception". Puis la semaine, " le 5-7" les matins, " le jeu des mille euros", " la Tête au carré", " affaires sensibles" . Voilà, bon WE à toutes et tous, Arthur.

  • A quand la géothermie à l’île de la Réunion, comme est en train de le faire la Guadeloupe, enfin, et les pays comme la Nlle Zélande, le Japon, l’Islande depuis déjà bien longtemps ? Personne quasiment, ne semble réaliser que l’énergie, locale, gratuite inépuisable à notre échelle est déjà là, sous les pieds. On préfère importer, donc polluer pour emmener du fioul du charbon, du gaz pour ensuite le bruler, donc polluer encore, tout ça pour fabriquer de l’énergie électrique pour chauffer de l’eau, des marmites à riz, des cumulus de cuisine, SDB, une honte ! Idem pour les transports, au lieu d’abandonner le train, pour le plaisir de rouler tout seul, individualistes alors que toute la planète chauffe, pensons aux futures générations qui nous repprocherons d’avoir tout saccager pour notre "plaisir" la planète pour qui on lui doit tout ! La Vie, tout simplement, Arthur.


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