Discours de Mohamed Nasheed, président de la République des Maldives

« La réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas un sacrifice partagé, mais une opportunité commune »

23 décembre 2009

Pays composé de dizaines d’îles ayant une superficie totale de 300 kilomètres carrés (huit fois moins que La Réunion), les Maldives sont peuplées par près de 400.000 habitants. Cet archipel est menacé à court-terme par la montée des eaux provoquée par le changement climatique. En octobre dernier, le Conseil des ministres des Maldives avait eu lieu trois mètres sous l’eau, pour montrer au monde le drame qu’est en train de vivre ce pays. Avec Tuvalu, les Maldives ont été sans doute le pays dont il a été le plus question durant les deux semaines de la Conférence internationale sur le changement climatique. Voici le discours prononcé le mercredi 16 décembre à la tribune de la Conférence par Mohamed Nasheed, président de la République des Maldives. Les inter-titres sont de ’Témoignages’.

« Nous sommes maintenant dans le jour final de ce processus.
C’est la fin de la partie, à plus d’un titre.
Les négociations ont été lourdes, longues et souvent difficiles.
Je pense que nous devrions célébrer les progrès accomplis jusqu’à maintenant : personne ne s’attendait à ce que cette entreprise qui marquera l’Histoire soit facile.
Je reste optimiste, et nous pouvons quitter cette rencontre avec un accord pour sauver la planète.
Le groupe AOSIS a proposé un texte dans ce but, et les Maldives feront tout leur possible pour aider cette idée à devenir réalité.
Pour nous, c’est davantage qu’une rencontre de plus.
C’est une question de vie ou de mort.
La science est claire.
Si des concentrations de carbone sont supérieures à 350 parts par million dans l’atmosphère, la température augmente au-delà de 1,5 degré, et mon pays sera submergé…
… nos récifs coraliens seront dissous…
… nos océans seront transformés en acide…
et le climat de la planète sera déstabilisé.

« Fixer la direction politique, et la technologie suivra »

Quelqu’un qui dit qu’il est impossible d’obtenir un accord sur ces nombres (350 ppm et 1,5 degré maxi — NDLR), dit alors qu’il est impossible de sauver ma nation.
Cela, je ne peux l’accepter.

Pour faire que ces objectifs de 1,5 degré et 350 ppm soient réalité, le GIEC déclare que le pic mondial des émissions doit être atteint en 2015 et ensuite décroître rapidement.
Les États Unis disent qu’ils s’opposent à l’objectif de limiter le CO2 à 350 ppm parce que la technologie pour l’atteindre n’existe pas.
Mais je sais qu’il n’y a pas de limite à l’ingéniosité de l’Amérique.
Quand le président Kennedy a annoncé que les Etats-Unis voulaient envoyer un homme sur la Lune, la technologie n’existait pas. Les Etats-Unis ont alors travaillé sans relâche pour construire le vaisseau spatial Apollo, et quelques années après la déclaration de Kennedy, des hommes marchaient sur la Lune.
Fixer la direction politique, et la technologie suivra.
La créativité dans la technique peut faire de grands bonds au genre humain, mais les dirigeants politiques doivent être le tremplin.

+4 degrés si personne ne bouge

Pour le pic mondial des émissions de gaz à effet de serre soit atteint en 2015, les pays industrialisés doivent absolument revoir à la hausse le niveau de leur ambition.
Ils doivent s’engager collectivement à des réductions de 40% et 2020 et 95% en 2050.
Mais les pays en voie de développement doivent aussi faire leur part.
Les pays riches ont provoqué la crise climatique, en remplissant notre atmosphère de pollution. Mais deux fautes ne doivent pas s’annuler.

Si les Parties ne bougent pas du niveau actuel de leurs offres, nous atteindrons 650 parts per million et le monde se réchauffera de 4 degrés d’ici la fin du siècle. Et le fait est que la majorité de la future augmentation des émissions est prévue venant des pays en développement.

Je demande donc instamment aux grands émetteurs de gaz à effet de serre des pays en développement, y compris notre bon ami la Chine, de se joindre à moi pour reconnaître que la réduction des émissions n’est pas un sacrifice partagé, mais une opportunité commune.
Je suis sûre que si la Chine montre qu’elle prend la tête de cette bataille, les autres vont suivre.
Après tout, ce n’est pas de carbone que nous voulons, mais de développement.

« Notre tâche est d’unir le monde »

Ce n’est pas le charbon que nous voulons, mais l’électricité.
Ce n’est pas le pétrole mais le transport que nous voulons.

Kyoto a divisé le monde.
Il nous a divisé entre riche et pauvre, développé et en voie de développement, Annexe 1 et non-Annexe 1.

Aujourd’hui, notre tâche est d’unir le monde, derrière la vision partagée d’une croissance à faible émission de CO2.
Les Maldives essaient de montrer la voie.
J’appelle chaque pays dans cette salle à nous rejoindre, pas seulement pour le salut des Maldives, mais pour tous ceux qui vivent sur cette belle planète.

A la Une de l’actuConvention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique

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