Un élément essentiel de la lutte pour le développement durable

La responsabilité commune et différenciée : une des clés de l’après-Copenhague

2 janvier 2010, par Manuel Marchal

Le projet d’accord que quelques dirigeants ont tenté d’imposer dans la dernière nuit de la conférence de Copenhague portait en lui une remise en cause du principe de la responsabilité commune et différenciée. Le Protocole de Kyoto met bien en évidence cette responsabilité différenciée, en demandant à une minorité de pays d’être les chefs de file de la lutte contre le changement climatique.

Lorsque dans la nuit du 18 au 19 décembre 2009, des représentants de quelques pays tentent d’imposer à la communauté internationale un accord qu’ils jugent acquis, ils sont obligés de s’incliner face au verdict de la démocratie. Le monde ne veut pas voir remettre en cause le principe de la responsabilité commune mais différenciée, inscrit dans le Protocole de Kyoto et qui constitue la base de la gouvernance de la lutte contre le changement climatique.
Cette responsabilité différenciée tient compte du rôle historique joué par les pays riches dans le déclenchement et l’amplification de la crise climatique. Les émissions de gaz à effet de serre par l’industrie ont commencé en Occident voici 200 ans, et ont été jusqu’à une époque très récente une "exclusivité" spécifique aux pays riches. Ce qui veut dire que quand des pays du Sud ne connaissent plus de saisons, sont confrontés à la sécheresse brutale et aux phénomènes climatiques intenses et inattendus, la responsabilité vient des gaz à effet de serre qui ont été émis par les pays riches et qui s’accumulent dans l’atmosphère depuis 200 ans.

Les pollueurs doivent payer davantage

Le Protocole de Kyoto met en évidence le principe de la responsabilité commune mais différenciée. Seuls les pays riches, regroupés au sein de l’annexe 1, sont tenus de prendre et donc de respecter des engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Car outre la responsabilité historique, le bloc des pays riches reste le plus gros émetteur.
C’est donc parmi lui que se trouve la plus grande marge de manœuvre.
Les engagements sont fixés pour la période allant jusqu’à 2012. Il reste à déterminer l’après 2012. C’était une des missions de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique du 7 au 18 décembre 2009.
Lors de la conférence de Copenhague est apparue clairement une ligne de fracture autour de ce principe de la responsabilité différenciée.
Du côté des représentants de la majorité des pays des Nations Unies, la position est de demander aux pays riches d’aller nettement au-delà des engagements de la première période d’application du Protocole de Kyoto. Autrement dit, les pays riches doivent aller au-delà de 40% de réduction d’ici 2020 par rapport au niveau de 1990. Il ne faut pas que la température augmente de plus de 1,5 degré pour sauver les îles. De plus, il est demandé instamment aux États-Unis d’appliquer enfin le Protocole de Kyoto, plus de 10 ans après l’avoir signé.
Cette revendication est également portée par la société civile. À ces réductions drastiques des émissions s’ajoute la revendication du fonds d’adaptation au changement climatique. Pour les pays du Sud et la société civile, les pays riches doivent financer plusieurs centaines de milliards de dollars par an au titre de leur responsabilité historique.

Un enjeu de 2010

Mais dans l’accord de dernière minute que quelques pays ont tenté d’imposer, il n’était plus question de cette responsabilité différenciée. Une poignée de dirigeants a pensé que la communauté internationale allait enterrer le Protocole de Kyoto en reconnaissant que tous les pays ont la même responsabilité. L’"Accord de Copenhague" prévoyait le maintien d’objectifs chiffrés d’ici 2020 pour les pays riches à donner pour le 31 janvier 2010, mais demandait aussi aux pays en voie de développement de donner par écrit la liste des mesures envisagées avant le 31 janvier 2010. Et pour mener leurs actions, les pays en voie de développement ne pourraient puiser que dans un fonds dix fois inférieur à leurs revendications.
S’il n’est pas demandé aux pays en voie de développement de donner immédiatement des chiffres, leurs instances nationales doivent mesurer le résultat prévisible des actions, et les communiquer au monde.
Autrement dit, la différence entre les pollueurs historiques et leurs victimes se serait atténuée. Et donc la responsabilité des pays riches se serait trouvée atténuée.
Heureusement pour la justice, les règles de la démocratie n’ont pas pu être contournées et l’"Accord de Copenhague" n’a pas pu être imposé à la communauté internationale. Le principe de la responsabilité commune et différenciée reste la base de la lutte contre les effets du changement climatique. Va-t-il être pleinement reconnu par l’ensemble des pays riches ? C’est un enjeu de l’année qui commence.

Manuel Marchal


Les victimes culpabilisées ?

Depuis la fin de la Conférence de Copenhague, "Témoignages" publie dans chacune de ses éditions la reproduction des interventions des chefs d’État et de gouvernement à la tribune des Nations Unies à Copenhague.
Ce sont en priorité les discours des représentants des îles qui sont publiés. Que disent-ils ? Ils décrivent la crise subie par des pays à cause du changement climatique. Ils rappellent aussi que ces petits pays sont de très faibles émetteurs de gaz à effet de serre.
Cela démontre à chaque fois la responsabilité historique des pays riches dans la catastrophe.
Ce qui souligne que demander à Tuvalu de publier l’estimation des mesures qu’il compte prendre pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, c’est aller dans le sens de la négation de cette responsabilité historique. Et c’est ouvrir la voie vers la culpabilisation des victimes du changement climatique.


Le Conseil constitutionnel et le principe de la responsabilité différenciée

Dans un arrêt publié le 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a déclaré « inconstitutionnelle » la "taxe carbone".
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel s’appuie sur le fait que les plus gros pollueurs étaient exemptés de la "contribution carbone". L’institution cite les centrales thermiques, les 1.018 sites industriels les plus polluants, le transport aérien…
En France, le Conseil constitutionnel reconnaît donc qu’il est juste que le responsable paie au niveau de sa responsabilité.
À La Réunion, un octroi de mer plus élevé qu’auparavant s’applique sur le charbon, le fuel des centrales thermiques, et une catégorie de voitures extrêmement polluante. Cette décision de fiscalité régionale est aussi une application du principe de la responsabilité différenciée.

A la Une de l’actuConvention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique

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