Conférence de presse du président de la Région

La Réunion entre l’enclume et le marteau

18 décembre 2004

Paul Vergès revient d’Europe, où il a siégé successivement à la Commission paritaire parlementaire Union européenne-pays ACP (77 pays d’Afrique-Caraïbes-Pacifique) et à la réunion des commissions conjointes du Parlement européen pour la réforme de l’OCM sucre. À écouter le président de la Région Réunion - et président des Régions ultrapériphériques européennes (1) - ni les membres du Conseil européen, ni les représentants de la Commission de Bruxelles n’ont de réponse adaptée aux problèmes posés par les multiples contradictions qui traversent tant l’Union européenne élargie que les pays du Sud.

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Comme l’a expliqué hier Paul Vergès à la presse, sur les 25 États membres de l’UE comme sur les pays du Sud, les changements climatiques font peser des menaces qui amènent à reconsidérer les problématiques du développement durable et les positionnements des petits pays insulaires et vulnérables.
La Réunion saura-t-elle défendre ses positions dans ce mælström ? À en juger par la médiocrité des propos tenus, hier encore dans “le JIR”, par deux élus de la Région - un socialiste et un UMP : quelle convergence ! -, il reste beaucoup à faire.

Un tour du monde des problèmes de l’heure

Les conférences de presse du président de la Région ressemblent souvent à un tour du monde des problèmes de l’heure. Celle qu’il a donnée hier à son retour d’Europe n’a pas dérogé : les relations UE/ACP et les accords de partenariat économique, le positionnement de La Réunion dans son environnement géo-politique, la réforme de l’OCM-Sucre et le sort de la filière réunionnaise, la première déclaration des ministres de l’environnement du groupe ACP...
À première vue, il y a de quoi tourner la tête à qui ne veut pas trop se poser de questions. En réalité, ces questions convergent et c’est ce que Paul Vergès ne cesse d’expliquer partout où il va.
Fin novembre justement, il a participé à La Haye à la rencontre de la Commission paritaire parlementaire UE/ACP. "Après les interventions des ministres ACP et des députés européens, le Prince d’Orange a axé son intervention sur les problèmes climatiques et en particulier sur la gestion de l’eau, qui va devenir un problème central dans de nombreux pays", a retenu le président de la Région.
Il a bien sûr été question de la place de La Réunion, dans ses relations avec les pays ACP qui négocient avec l’Europe des accords de partenariat économique régionaux : peut-on laisser La Réunion "entre l’enclume et le marteau", a demandé Paul Vergès ?

Une réponse de pure forme "faite pour nous calmer"

Au moment où l’Union européenne encourage le développement de la production sucrière dans les pays le plus pauvres (PMA) de notre voisinage, comment La Réunion peut-elle faire face ? Paul Vergès a posé la question à ses interlocuteurs européens.
Il a reçu une réponse de pure forme "faite pour nous calmer", a-t-il dit hier.
Même scénario devant les commissions conjointes, à Bruxelles - les commissions de l’Agriculture, des Transports et du Développement- réunies pour évoquer la réforme de l’OCM-sucre. Au vu des dégâts considérables causés dans la Caraïbe, en Floride, en Indonésie, Paul Vergès a posé la question des conséquences des changements climatiques sur les économies insulaires et vulnérables. Ce thème fera l’objet d’un Sommet tenu en janvier 2005 à l’île Maurice.

Pour "une situation dérogatoire"

Pourquoi ? Parce que si l’on cumule la destruction de l’économie sucrière par la réforme de l’OCM-sucre, les menaces que font peser sur le tourisme les catastrophes naturelles et la ruine de la filière textile par le démantèlement de l’accord multifibre, l’île Maurice (ACP) devient un cas d’école des désastres auxquels peuvent s’attendre les économies fragiles. C’est l’ensemble des relations UE/ACP qui s’en trouvent bouleversées.
"Toute l’argumentation des pays insulaires et vulnérables reprend aujourd’hui ce que nous avons plaidé pour La Réunion et pour les RUP depuis 20 ans", a constaté le président de la Région, qui note que " [ces pays] demandent au sein de l’OMC une situation dérogatoire, comme les RUP au sein de l’Union européenne".

Pas d’optimisme béat

La situation de La Réunion n’est pas plus enviable, dans une Europe élargie à dix nouveaux pays - et bientôt douze ou treize - dont le niveau de vie ramène la moyenne du PIB européen (une notion hautement contestable... mais la seule prise en considération) à un niveau où les RUP ne sont plus les seules à pouvoir prétendre aux crédits du FED attribués aux pays “d’objectif 1” (ceux dont le PIB moyen est inférieur à 75% du PIB européen).
Au final, il n’y a rien dans tout cela qui puisse inciter à un optimisme béat. De quelque côté qu’il se tourne, le citoyen du Sud qui interroge ses “partenaires” européens ne reçoit que de faibles signaux de solidarité ou d’une possible communauté d’intérêts.
Paul Vergès s’interroge sur "le type de relations à avoir avec les pays de notre environnement" et sur l’éventualité, pour La Réunion, de "rejoindre les évolutions mondiales".
"N’avons-nous pas le devoir de marcher au même pas que les autres ?" s’est-il demandé en conclusion. Non sans perplexité devant le niveau de préoccupation de la classe politique réunionnaise, à travers les niaiseries d’un Sam-Chit-Chong ou d’un Vergoz, rapportées par la presse du jour. "Le monde politique réunionnais est-il prêt à s’intégrer à ce mouvement mondial des regroupements régionaux ?".

P. David

(1)
En sa qualité de président actuel des RUP, Paul Vergès a obtenu un accord de principe à l’audience demandée au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.


ACP/UE : Un plan d’action pour l’environnement

"Quel est l’avenir du “développement durable” dans des pays qui vont devoir passer leur temps à réparer des dégâts cycloniques ?" a demandé Paul Vergès à ses interlocuteurs européens, sans cacher le fait que des régions européennes sont elles aussi menacées par des dégâts nécessitant "des mesures d’adaptation", à distinguer des mesures à prendre pour réduire les émissions des gaz à effet de serre (GES).
Lors de la première réunion des ministres ACP de l’Environnement, qui s’est tenue à Bruxelles le 10 décembre, la déclaration politique finale fait une place importante aux changements climatiques et à la Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques qui se tenait dans le même temps à Buenos Aires (l’observatoire national que préside Paul Vergès y était représenté par le directeur général de l’ONERC).
La déclaration du groupe ACP mentionne des “facilités ACP/UE” pour prévenir les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes, et l’adoption d’un plan d’action pour l’environnement.


Filière canne-sucre : "Limiter les dégâts"

Dans un contexte général où rien de clair ne se dessine pour les pays producteurs de sucre soutenus par les subventions européennes et où les contradictions grandissent dans tous les camps, la priorité des priorités, pour Paul Vergès rejoint celle rappelée par le député Jean-Claude Fruteau - en dépit de la position acrobatique qui est aujourd’hui la sienne : "limiter les dégâts".
Cela signifie sauver les 94% de planteurs qui assurent 70% de la production de cannes réunionnaises. Sans leurs cannes, plus d’usine ; sans usine, plus de planteurs. Un “scénario catastophe” sur le plan économique et social.
Aussi, devant une allusion du représentant de la Commission européenne à une “étude d’impact économique et social” de la réforme de l’OCM-sucre, Paul Vergès a demandé que les conclusions en soient rendues publiques avant le débat de mai 2005 devant la Commission.


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