Une première aux retombées considérables

Le brise-glace chinois Xuelong a traversé l’océan Arctique en empruntant le passage du Nord-Est

4 octobre 2012

Nous reproduisons ci-après un article paru avant-hier sur Le Point.fr sur la traversée du brise-glace chinois Xuelong dans l’océan Arctique.

Le tour de l’Arctique en 85 jours. C’est un voyage à la Jules Verne que vient d’accomplir le Dragon des neiges dans les eaux glacées du pôle Nord. Parti du port de Qingdao le 2 juillet, le navire est rentré à Shanghai jeudi 27 septembre, après sa cinquième expédition. Pour la première fois, le navire a emprunté le passage Nord-Est, une route qui commence juste à se libérer des glaces en été en raison du réchauffement climatique. Ce nouveau tracé pourrait bouleverser la carte des équilibres militaires et commerciaux.
Après être remontés vers le Nord, le long de la Corée, du Japon, puis de la côte sibérienne, les 119 membres de l’équipage ont franchi le détroit de Béring, situé entre l’Alaska et la Russie. Ils ont ensuite parcouru 9.950 kilomètres dans l’océan Arctique proprement dit sans pour autant passer par le pôle Nord. Le Dragon des neiges s’est enfin stabilisé en Islande, où une équipe de scientifiques a mené un audit géophysique et installé en mer une station météorologique à énergie solaire pour collecter des données. Les chercheurs ont également enquêté sur la présence de méthane, ce gaz naturel stocké dans les abysses du Grand Nord.

Ressources énergétiques

Selon les analystes, l’intérêt chinois pour l’Arctique est essentiellement d’ordre environnemental, même si les considérations politiques ne sont jamais loin. « Les chercheurs ont étudié l’impact du méthane pour deux raisons : d’une part, c’est une ressource potentielle qui n’est toujours pas exploitée commercialement ; d’autre part, le réchauffement des eaux arctiques libère d’importantes quantités de ce gaz à effet de serre très puissant qui accélère les déséquilibres climatiques », explique Frédéric Lasserre, un géologue spécialiste de l’Arctique à l’Université de Laval, au Québec. « L’escale en Islande, elle, était peut-être motivée par des projets de recherche, mais surtout pour porter le drapeau. La Chine tente d’accélérer son rapprochement commercial et diplomatique avec l’Islande, comme avec les autres pays scandinaves, dans l’espoir d’accéder, via des contrats réguliers, aux ressources à découvrir », poursuit ce chercheur qui a déjà participé à plusieurs missions scientifiques en Arctique sur des brise-glace.

La deuxième économie mondiale prospecte les possibilités énergétiques et commerciales des deux pôles. Selon des estimations du centre de géologie américain United States Geological Survey (USGS), l’Arctique abriterait 30% des réserves de gaz mondiales encore à découvrir et 13% des réserves de pétrole. Des ressources importantes certes, mais bien inférieures à celles contenues en Antarctique, une région où la Chine a déjà mené 25 expéditions depuis le début des années 1980, sous l’impulsion du père de l’ouverture chinoise, Deng Xiaoping.

Prudence

Le réchauffement climatique, de son côté, raccourcit sensiblement les routes commerciales. À terme, plutôt que d’emprunter l’itinéraire classique passant par l’océan Indien et le canal de Suez, les navires à double coque pourront économiser près de 6.400 kilomètres en suivant le passage Nord-Est au travers de l’Arctique.

Contrairement aux puissances riveraines de ce gigantesque océan, la Chine ne dispose pas de côtes bordant l’Arctique. Le régime communiste doit donc avancer avec prudence. Tout au long du voyage, le Xuelong — son nom en chinois — a été escorté par le brise-glace russe Vaygach, l’un des sept brise-glace à propulsion nucléaire dont dispose la Russie, qui règne en maître sur l’océan Arctique avec les quatre autres grandes puissances riveraines que sont les États-Unis, le Canada, la Norvège et le Danemark.

Un moyen pour Pékin de démontrer son souci de coopération, puisqu’il n’y avait aucune obligation légale à ce que le brise-glace chinois soit escorté au-delà de la zone économique exclusive russe. À l’intérieur des eaux russes, en revanche, l’escorte de Moscou était juridiquement nécessaire, même si, techniquement, le Xuelong aurait sans doute pu naviguer seul. Mais dans un contexte international tendu, notamment en mer de Chine du Sud, et à quelques semaines du 18ème Congrès du Parti communiste chinois, Pékin n’avait pas intérêt à provoquer le Kremlin sur ce point.

Candidate au Conseil de l’Arctique

Comme l’Union européenne, le Japon et la Corée, la Chine consacre donc de plus en plus de moyens à l’exploration du pôle Nord. Depuis 2004, la Chine a installé une station de recherche dans les îles Svalbard, un archipel appartenant à la Norvège. Un second brise-glace plus performant, qui sera opérationnel en 2014, est actuellement en construction. Mais celui-ci devrait être utilisé principalement pour les expéditions au pôle Sud. Pékin s’active enfin sur le front diplomatique, en demandant un siège d’observateur permanent au Conseil de l’Arctique, un forum intergouvernemental consultatif réunissant les pays de la région.

Mais les États riverains ne se précipitent pas pour lui ouvrir leurs portes. Après un premier refus en 2009, le second dossier d’application dort dans les tiroirs de l’organisation. Interrogé par mail, le Suédois Gustav Lind, Ambassadeur spécial pour l’Arctique qui assume la présidence tournante du Conseil jusqu’en 2013, affirme que « la décision sera prise en mai prochain »...

 (Source : Le Point.fr) 


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