Les records de température se succèdent tous les mois, la montée du niveau de l’océan va s’accélérer

Le projet de route en mer à La Réunion toujours plus discrédité

18 juin 2016, par Manuel Marchal

Le mois de mai dernier a été le plus chaud mesuré. Il poursuit une inquiétante série de records. Ce phénomène va accélérer la montée du niveau de la mer. Cela rend d’autant plus inadaptés les projets de route en mer, dite nouvelle route du littoral ou NRL, de ville nouvelle dans la plaine de Cambaie et de port à Bois-Rouge.

Vue du chantier de la route en mer près de Saint-Denis.

Les derniers mois qui se succèdent se caractérisent par des records de température. Le mois de mai n’a pas dérogé à cette règle. C’est le plus chaud jamais mesuré. Ce mois a été marqué par un phénomène climatique exceptionnel. Des pluies diluviennes ont déflerlé sur le nord de la France. Elles ont causé des crues importantes qui ont même touché Paris. Si l’Île-de-France avait déjà été touchée par de pareilles catastrophes, ce n’était pas en cette saison. C’est pourquoi les lacs de retenue chargés d’atténuer l’impact des pluies pour limiter la hauteur de la crue n’ont pas pu remplir leur rôle. Plus au sud, une autoroute a été coupée pendant plusieurs jours près d’Orléans. La chaussée est construite sur une zone humide asséchée pour les besoins de cette infrastructure. Ses concepteurs n’avaient pas pris en compte les avertissements, et la nature a repris ses droits.

Les récifs coralliens menacés

À La Réunion, les conséquences de cette hausse des températures sont de plusieurs natures. La chaleur fragilise les coraux. Si la température de l’eau reste au-dessus de 30 degrés pendant une longue période, le corail expulse une algue qui l’aide à vivre. Il est alors fragilisé. C’est le phénomène de blanchissement des coraux qui peut faire mourir un récif. 30 % des récifs coralliens sont concernés par cette menace. La mort des coraux empêche la fabrication de sable. Elle met en péril le riche écosystème construit autour de ces récifs. La ressource en poissons diminue. Les plages disparaissent progressivement. La protection de la barrière corallienne face à la houle s’atténue. Le blanchissement des coraux peut alors remettre en cause l’occupation du littoral.

La ressource en eau va diminuer

Le réchauffement climatique fait fondre les glaciers d’eau douce situés sur les continents. D’importants volumes se déversent alors dans les océans qui voient leur niveau monter. Dans les pays où les altitudes sont très faibles, cette hausse du niveau de la mer vient contaminer les nappes phréatiques situées sur le littoral. La Réunion n’est pas à l’abri de ce phénomène. Les ressources en eau de la ville du Port proviennent de la nappe souterraine de la plaine de la pointe des Galets. L’eau de mer va alors pénétrer dans cette zone, ce qui à terme diminuera le pourcentage d’eau douce. Cela posera un problème pour l’alimentation en eau de cette ville de plus de 30.000 habitants.

Une nécessité : protéger la population

La hausse du niveau de la mer a des conséquences importantes pour La Réunion. La plus grande partie de la population se concentre dans les zones littorales, ainsi que des équipements stratégiques comme l’aéroport international Roland-Garros situé en bord de mer à Gillot. La succession des records de température va encore amener à réviser à la hausse les prévisions les plus pessimistes en termes d’augmentation du niveau de l’océan Indien. La principale préoccupation doit donc être la protection de la population et des équipements concernés par cette menace, ce qui peut aller jusqu’à leur déplacement à l’intérieur des terres. Malheureusement, ce n’est pas la voie suivie par des responsables politiques réunionnais soutenus par le gouvernement.

Trois investissements sont en effet annoncés dans des zones qui connaîtront une hausse du niveau de la mer dont l’ampleur reste inconnue : la route en mer dite nouvelle route du littoral ou NRL, la ville nouvelle de 40.000 habitants à Cambaie et le port en eaux profondes dans la plaine littorale de Bois-Rouge. Cela fait de La Réunion un cas sans doute unique au monde : l’essentiel des investissements se concentrent dans des régions qui seront englouties par la mer.

L’aberration d’une route en mer

La route en mer est à ce sujet l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Prévue dans une zone constamment battue par la houle, elle subira donc de plein fouet les effets de la hausse du niveau de la mer. Ses concepteurs ont lancé le chantier sans prévoir les matériaux nécessaires à sa réalisation, et sans disposer du financement pour le raccordement de l’ouvrage au réseau routier terrestre. Une telle improvisation est soutenue par la fuite en avant du gouvernement qui donne les dérogations nécessaires pour saccager la biodiversité, et par des jugements qui autorisent la mutilation du paysage de La Réunion par de gigantesques carrières.

Or les dernières données de la NASA sur la hausse continue des températures dans le monde montrent que les soutiens de la NRL font fausse route. Comment peut-on admettre que plus de 2 milliards d’euros soient dépensés pour construire une route en mer alors que c’est de là que viendront les principaux effets dévastateurs du changement climatique à La Réunion ? Il est urgent de revenir à la raison et de consacrer les crédits disponibles à des projets qui, au lieu d’aggraver la situation de La Réunion, seront utiles à la population.

M.M.

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  • Ce sont tout de même des ingénieurs en BTP qui ont conçu ce plan, dire que le NRL mettrait en danger toute la population est un peu exagérée, puisque cette route est justement l’alternative à l’axe existant qui est "le" danger actuellement dont on aimerait bien se passer.

  • Savez-vous que ce sont des ingénieurs en BTP qui ont conçu la première route du littoral. Ce sont aussi des ingénieurs du BTP qui ont mis au point la deuxième route du littoral parce que la première était "le" danger... quant à ceux qui élaborent une route en mer pour remplacer la deuxième route du littoral, connaissent-ils le niveau qu’atteindra l’océan dans les décennies à venir ?


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