Une priorité nationale

Le réchauffement climatique au cœur de la politique énergétique de la France

20 mars 2008, par Sophie Périabe

Le Premier ministre a demandé le 12 mai 2006 au Centre d’analyse stratégique de réunir une commission de haut niveau en vue de définir les perspectives énergétiques de la France à l’horizon 2020-2050 et de proposer des recommandations pour la politique française de l’énergie. La synthèse du rapport a été remise au Premier ministre le 2 octobre 2007.

Le réchauffement climatique est devenu, aujourd’hui, le fondement principal de la réflexion, de l’analyse et de l’action. Encore objet de contestation dans son principe, dans ses causes et dans ses effets il n’y a pas très longtemps, il fait, depuis le dernier rapport de printemps 2007 du GIEC, l’objet d’un consensus indiscuté, du moins sur quelques points : il y a réchauffement climatique, les conséquences des variations possibles de température sont potentiellement catastrophiques pour l’humanité, même sans se fonder sur les pires scenarii ; la contribution humaine à ce réchauffement est indéniable. Il n’est certes pas sûr que le pire arrive, mais pour ne pas courir le risque de se trouver confrontée, à terme, à des situations ingérables, la communauté mondiale doit aujourd’hui relever un nouveau défi auquel elle ne peut envisager de se soustraire : freiner, puis réduire, et vite, les émissions de Gaz à effet de serre (GES).
Ce que la commission veut faire entendre est que cette analyse n’est pas réservée à des pionniers ou à une avant-garde administrative ou politique éclairée : c’est désormais l’horizon quotidien de chacun et c’est le fondement majeur d’une politique énergétique.

Des propositions au Gouvernement

Au plan national, le rapport s’est attaché à formuler des préconisations de mesures nouvelles, qui sont loin d’être exhaustives, qui ne sont, pour la plupart, pas quantifiées et qui n’ont ni pour but, ni pour effet de supprimer celles existantes qui ont fait leurs preuves.
Plusieurs priorités se dessinent, et il reviendra au Gouvernement de se prononcer. Quelques traits saillants de la réflexion conduite peuvent ici l’illustrer, dans trois secteurs : la production d’énergie, les transports et l’habitat :

- En matière d’offre énergétique, la commission souhaite que toutes les énergies propres, et d’abord les diverses énergies renouvelables, se développent, au maximum, à un rythme justifié par leur efficacité économique environnementale.
Parallèlement, à cette contribution doit s’ajouter le maintien de l’atout nucléaire ; la réduction de la part nucléaire dans le “mix énergétique” ne pourrait pas être compensée par un accroissement de celle des énergies renouvelables, déjà poussée à un niveau très élevé. Par ailleurs, l’optimisation de la régulation et des infrastructures de réseau au niveau communautaire doit faire partie des priorités collectives.

- En matière de transport, une stabilisation des émissions ne peut provenir que de la combinaison d’une meilleure maîtrise individuelle des consommations et du développement de véhicules de plus en plus propres, avec des biocarburants de deuxième génération. À plus long terme, la coordination du développement des infrastructures, dans une perspective de lutte contre le réchauffement climatique, et la planification des usages de l’espace sont des voies à approfondir, dans la limite où nos sociétés peuvent supporter une pareille orientation des comportements.

- En matière d’habitat, le parc bâti existant appelle une mobilisation immédiate et de long terme, constituant la source essentielle d’action efficace et le premier gisement d’économie. La part de l’habitat et du tertiaire, la lenteur du renouvellement du parc (contrairement à l’industrie où le progrès technique peut être incorporé rapidement), le coût des investissements pour les ménages ou les artisans et commerçants rendent nécessaire une intervention publique de grande ampleur, programmée, continue et réellement incitative.

De plus, les collectivités locales compétentes en matière d’utilisation des sols recevront du Parlement les pouvoirs de mettre en œuvre des péages urbains, de permettre la prise en compte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’élaboration des règlements d’occupation des sols, et d’imposer, lors de la délivrance des permis de construire, des dispositions permettant des économies d’énergie et l’utilisation d’énergies renouvelables.
En parallèle, les moyens de l’État techniques, humains et financiers dédiés à la politique énergétique seront redéployés, notamment dans les régions.
A côté de ces mesures, le gouvernement et, plus généralement, les autorités publiques, à tous niveaux, doivent renforcer la sensibilisation du public aux raisons et aux moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre à travers une réduction des consommations d’énergie et le développement des énergies renouvelables.
Les comportements des autorités publiques concernant les investissements et l’exploitation dans le secteur de l’énergie doivent être un exemple pour leurs concitoyens.

La politique énergétique doit être l’affaire de tous

Il serait illusoire de s’en remettre à une seule instance, mondiale, communautaire, nationale, du soin de définir et conduire une politique dont la multiplicité des formes exclut qu’elle n’incombe qu’à un seul acteur. Le succès ne peut venir que du partage des objectifs, donc d’abord du diagnostic et de l’addition, dans un cadre commun, d’initiatives multiples susceptibles de se développer, sur le long terme, sans subir de changements brutaux de cap de la part des pouvoirs publics.
Tous les acteurs sociaux sont concernés, consommateurs, salariés comme citoyens, individuellement ou regroupés en associations, syndicats ou partis, l’État, les collectivités territoriales, chacun doit prendre part. Il faudra sans doute, devant l’ampleur des changements envisagés, concevoir des modes nouveaux de prise de décision et de conciliation des intérêts et, d’ores et déjà, veiller à se donner les moyens, par la concertation, la formation, par des mesures de transition et d’accompagnement, de gérer les transformations sociales qui s’annoncent : de nouveaux métiers apparaissent où l’on manque de compétence et de structures de formations ; des filières amorcent un déclin dont les salariés et entrepreneurs peuvent se voir épargner, en y travaillant collectivement maintenant. Le débat démocratique est et demeure nécessaire pour faire face à ces défis.

Sophie Périabe
(Avec le rapport “Les perspectives énergétiques de la France à l’horizon 2020-2050”, présidé par Jean Syrota)


Les plans d’action gouvernementaux de 4 autres pays européens

Si tous les rapports étudiés tracent des chemins possibles pour atteindre les objectifs environnementaux fixés, ils n’ont pas vocation, comme toute étude prospective, à se réaliser.
Seul le Livre blanc britannique, publié en mai 2007 par le Département du commerce et de l’industrie, peut être considéré comme une feuille de route du gouvernement britannique. Il mise énormément sur la maîtrise de la demande, mais aussi sur le développement espéré de technologies encore peu matures (CSC, énergies marines).
La Leitstudie 2006 allemande met en avant l’alternative que constituent, selon les experts, les énergies renouvelables.
Pour la Belgique, les options résident plutôt dans le gaz et le charbon, dans la mesure où ce dernier peut donner lieu à une utilisation “propre” ; dans les deux cas, elles sont considérées comme plus coûteuses, au regard de la lutte contre le changement climatique, que la reprise du nucléaire. Mais au-delà de la façon d’atteindre les objectifs, la répartition et l’ampleur des efforts à fournir sont également à étudier.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus