Année polaire 2007/2009

Les pôles, témoins et acteurs du changement climatique - 1 -

13 septembre 2007, par Sophie Périabe

L’ouverture de la quatrième année polaire internationale (API) représente un événement scientifique majeur. La première API, en 1882-1883, fut l’occasion d’étudier les phénomènes géophysiques et astronomiques. La seconde, en 1932-1933, fut consacrée à la météorologie, au géomagnétisme et aux sciences de l’atmosphère. Au cours de la troisième, organisée en 1957-1958, diverses données sur l’atmosphère, les calottes glacières et la dérive des continents furent collectées.

Place à cette quatrième année polaire internationale qui, comme les précédentes, s’étendra en réalité sur deux ans. Et ceux-ci ne seront pas de trop pour conduire les 209 projets labellisés, dont 45% relèvent de l’environnement et du développement durable, 45% des sciences de l’univers et 10% des sciences humaines et sociales.
Et l’un des six thèmes retenus pour cette quatrième année polaire est “les pôles”, témoins et acteurs de notre climat.
L’année polaire internationale est un événement majeur et rare. Il rassemble tous les cinquante ans les hommes et les femmes de nombreux pays désireux de faire progresser nos connaissances sur les pôles et sur notre planète.
L’année 2007-2008 apparaît comme une année décisive, une année attendue par l’opinion publique internationale.
Les menaces qui pèsent sur le climat, la biodiversité ou certaines sociétés autochtones exigent une prise de conscience et des décisions.

Un traité pour l’Antarctique

Dans le cadre de l’Année géophysique internationale, la troisième année polaire fut décidée. Douze nations dont la France, animée par les expéditions polaires françaises que dirigeait Paul-Emile Victor, installèrent une base scientifique permanente en Antarctique. Dans ce grand élan fédérateur, tous les chercheurs de tous les pays qui, en 1957-58, se lancèrent dans cette aventure, avaient la consigne d’échanger leurs résultats. En pleine guerre froide, cette coopération internationale remarquable se conclut par la signature du Traité de l’Antarctique, faisant du continent du pôle Sud une terre de paix dédiée à la science. Le principal objectif de ce traité était d’assurer, pour l’avenir de l’humanité, que l’Antarctique soit occupé pour toujours à des fins pacifiques et ne soit jamais le sujet de discorde. Depuis sa signature et sa reconduction en 1991, toutes activités militaires et nucléaires sont interdites et les chercheurs sont dans l’obligation d’échanger leurs résultats. Le Protocole de Madrid relatif à la protection de l’environnement interdit l’exploitation des richesses potentielles de l’Antarctique jusqu’en 2048.
Voilà, ce que la précédente année polaire internationale a légué à l’humanité, un traité de paix, un modèle exemplaire de gestion à l’échelle planétaire, et cet acte fondateur n’a pu exister que parce qu’il a été le fruit d’une communauté scientifique unie.

Météo France prévoit une disparition de la couverture de glace en Arctique pour 2060

« Certaines régions polaires subissent des changements extrêmement rapides. Ainsi, dans l’Arctique, la couverture de banquise a reculé de deux millions de kilomètres carrés. Depuis 1975, l’observation des pôles par satellite permet de mieux observer les évolutions aux pôles », a indiqué Nelly Olin, Ministre de l’Ecologie et du développement durable dans le gouvernement de Dominique De Villepin. Selon cette dernière, non seulement, l’étude des pôles nous permet de connaître l’évolution du climat jusqu’à nos jours, mais elle nous aide à prédire ce que sera la Terre dans les prochaines décennies.
Ainsi, le modèle de Météo France prévoit une disparition de la couverture de glace en Arctique pour 2060.
Si la prochaine année polaire a lieu dans cinquante ans, la couverture de glace sur l’Océan Arctique aura donc presque disparu. Il s’agit d’un réchauffement global de 3,5° C correspondant à la poursuite des rejets de gaz à effet de serre au rythme actuel, c’est-à-dire sur la base d’une augmentation de 25% depuis 1990.
En Antarctique, on constate à peu près le même phénomène avec des conséquences importantes sur les écosystèmes qui se sont adaptés à cette couverture.
Le GIEC, dans son rapport rendu en 2007, présente l’état actuel des connaissances à ce sujet. Entre 1993 et 2003, l’observation par satellite révèle une augmentation du niveau des mers de l’ordre de 3 mm par an, une contribution importante de la fonte des petits glaciers et de la dilatation thermique de l’océan, ainsi qu’un rôle non négligeable du Groenland et de l’Antarctique.
Aujourd’hui, l’état du monde a changé et les régions polaires sont sous la menace grandissante du changement climatique.
L’année polaire internationale qui s’ouvre va permettre un état des lieux sur l’impact humain, géopolitique, biologique et environnemental de notre civilisation, un impact malheureusement connu d’avance, notamment en Arctique.
Comme la dernière année polaire nous a offert le Traité de l’Antarctique, espérons que les scientifiques sauront élaborer un appel solennel de nature à convaincre tous les décideurs, industriels et politiques, qu’ils doivent urgemment engager, dans leur champ de responsabilités, les mesures environnementales qui s’imposent, que leurs craintes pour leurs intérêts sectoriels et nationaux ne sont plus de mise, et qu’en prenant tout de suite ces mesures, l’avenir leur donnera raison.
« C’est un magnifique défi, que cette année polaire internationale peut relever, en s’appuyant sur l’universalité des pôles, ces points de convergence où les méridiens de tous les pays se rejoignent », a conclu Jean-Louis Etienne, explorateur.

À suivre...

Sophie Périabe

(Avec le rapport sur « La place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l’Antarctique » - « Les pôles, témoins pour les hommes »)


Pôle Nord-Pôle Sud, différences et similitudes

Ces extrêmes se confondent dans la culture populaire, amalgamés dans les mêmes clichés, alors qu’ils sont différents. Au Nord, un océan profond entouré de terres, et recouvert d’une banquise de quelques mètres d’épaisseur. Au Sud, le continent antarctique, une immense calotte de glace de 3 km d’épaisseur, grande comme 28 fois la France, encerclé par l’océan austral et ses vents légendaires. Les écosystèmes de ces deux pôles sont différents, mais les espèces qui y vivent ont en commun une remarquable adaptation au climat, au régime des vents, aux distances à parcourir pour accéder aux ressources, à la nudité des aires de reproduction ouvertes à tous les temps et aux prédateurs, à la brièveté de l’été qui impose d’élever rapidement sa progéniture avant l’arrivée brutale de l’hiver. Au cours des millénaires, ces espèces polaires ont réussi le pari biologique de s’implanter aux frontières de la vie, des frontières qu’aujourd’hui nous transgressons.

Jean-Louis Etienne, explorateur, à l’ouverture de l’année polaire


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