Un mot d’ordre rassembleur à la Conférence de Copenhague

Les riches doivent payer la dette climatique

26 décembre 2009, par Manuel Marchal

La Conférence de Copenhague a montré que les petites îles pouvaient être un des moteurs d’un large front pour tenir en échec les pays riches. Elle a aussi mis en avant un mot d’ordre partagé par les représentants de 80% de l’humanité : les pays riches doivent payer la dette climatique. Son montant : plusieurs centaines de milliards de dollars tous les ans. Sa première échéance : immédiatement.

À la veille de l’ouverture de la Conférence des Nations-Unies sur le Changement climatique, l’UNFCCC représentée par son secrétaire exécutif, Yvo de Boer, annonce que l’un des objectifs de la rencontre est d’arriver à un accord comprenant l’engagement des pays riches à financer une dotation annuelle de 10 milliards de dollars par an, puis un total de plusieurs centaines de milliards de dollars à verser à partir de 2020.
Mais pour nombre d’ONG et de pays en voie de développement, l’estimation diverge profondément de la version présentée par l’UNFCCC et par ce qui sera appelé ensuite l’"Accord de Copenhague". L’unité de compte n’est pas le milliard de dollars, mais la centaine de milliards de dollars par an.
Tous soulignent en effet la responsabilité historique des pays riches dans la situation actuelle. Les émissions de gaz à effet de serre sont en effet le résultat du développement d’un modèle économique fondé sur la surconsommation de charbon et de pétrole. Ce modèle a été créé en Occident au 19ème siècle, et durant quasiment 200 ans, il est resté l’exclusivité de l’Europe, de l’Amérique du Nord, du Japon et de l’Australie.

Une responsabilité incontestable

Il est d’ailleurs révélateur de constater qu’en 1990, date de référence choisie par le Protocole de Kyoto, plus de 90% des émissions de gaz à effet de serre viennent de l’Europe, de l’Amérique du Nord, du Japon ou de l’Australie, soit d’une population d’à peine un milliard d’habitants, moins qu’un pays comme l’Inde ou la Chine.
Mais ce sont ces gaz à effet de serre accumulés dans l’atmosphère depuis 200 ans qui sont à l’origine des catastrophes liées au changement climatique : fonte des glaciers et de la banquise, tempêtes, sécheresses, cyclones, montée du niveau des mers… autant d’événements meurtriers qui frappent des pays qui ne sont en rien responsables des émissions de gaz à effet de serre qui produisent aujourd’hui ces effets.
C’est de là que vient cette notion de responsabilité historique. Elle considère que depuis 200 ans, les pays riches ont abusé du charbon et du pétrole à un point tel qu’ils ont confisqué l’atmosphère à leur profit. Cet abus est à l’origine des désordres climatiques.
L’existence d’une telle dette est de nature à changer les termes de la négociation. En effet, la dette climatique est due sans condition par les pays riches, et elle est donc en dehors de toute discussion puisque c’est une dette qui est contractée depuis 200 ans, et dont le montant ne cesse d’augmenter puisque les dégâts des impacts du changement climatique sont sans cesse plus coûteux.

Le Protocole de Kyoto : un premier pas

Durant la conférence de Copenhague, les victimes du changement climatique ont décrit un mode de recouvrement se répartissant en quatre formules qui s’additionnent : réduction des émissions de gaz à effet de serre, versement dès maintenant et chaque année de plusieurs centaines de milliards de dollars par an pour que les pays du Sud puissent s’adapter au changement climatique, fourniture gratuite des technologies telles que les énergies renouvelables, et engagement à respecter la biodiversité de Terre-mère.
Le Protocole de Kyoto est un premier pas vers la reconnaissance de cette dette climatique, puisque ce traité mondial introduit la notion de responsabilité commune mais différenciée. Doivent en effet s’engager sur des objectifs chiffrés les pollueurs historiques que sont l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon et l’Australie. Les pays en développement ne sont tenus à rien, si ce n’est qu’ils doivent avoir à l’idée qu’ils ont aussi une responsabilité, mais différente. C’est ainsi que la Chine, un pays en développement, a décidé de faire aussi bien si ce n’est mieux que les pays riches, puisqu’elle a réduit fortement ses émissions par unité de PIB depuis 1990, et qu’elle s’est engagée à les réduire encore de 45% d’ici 2020.

La reconnaissance dans un accord juridiquement contraignant

Mais les pays riches n’admettent pas encore le principe de cette dette climatique. À Copenhague, ils ont même essayé de supprimer le Protocole de Kyoto en voulant que tous les pays assument la même responsabilité dans la situation actuelle. Pareille entreprise aurait signifié un grave recul, puisqu’elle était la négation totale de la responsabilité historique des pays riches dans la situation dramatique que vit le monde.
La résistance de l’écrasante majorité des peuples du monde conduite par Tuvalu a fait échouer ce projet. Elle ouvre maintenant de nouvelles perspectives de luttes pour que la responsabilité historique des pays riches se concrétise dans un traité mondial juridiquement contraignant.

Manuel Marchal


Comment les pays riches peuvent-ils payer ?

40% de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici dix ans

La dette climatique, c’est tout d’abord une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre des pays riches : au moins 40% d’ici 2020, et une baisse d’au moins 80% d’ici 2020, tout cela étant calculé par rapport aux relevés de 1990.


Comment les pays riches peuvent-ils payer ?

Plusieurs centaines de milliards de dollars par an tout de suite

C’est ensuite le financement d’un fonds d’adaptation destiné à donner des moyens aux pays pauvres pour mettre en œuvre des Plans climat. Les pays pauvres sont en effet déjà touchés gravement par les effets du changement climatique, et pour eux, la concrétisation de stratégies d’adaptation correspond à une question de survie. Or, ces pays doivent lutter contre la pauvreté, et construire des infrastructures comme des écoles, des hôpitaux, des réseaux de transport. Ils doivent le faire avec peu d’argent, au moment où la population ne cesse d’augmenter, et ils doivent aussi dépenser des milliards de dollars pour faire face à l’impact du changement climatique.
Dans son Histoire, l’Occident a dû construire ces infrastructures, mais à cette époque il s’est appuyé sur une énergie très polluante et bon marché, et il n’avait pas à se soucier de penser au changement climatique. Les pays pauvres ne doivent pas être contraints de choisir entre construire des écoles ou implanter des éoliennes par exemple, ils ont droit aux deux et c’est aux pays riches de payer au titre de la dette climatique.
D’ailleurs, les pays riches ne manquent pas d’argent puisqu’en quelques mois, ils ont englouti des milliers de milliards de dollars pour sauver des banques.


Comment les pays riches peuvent-ils payer ?

Transfert gratuit des technologies

Un autre volet du paiement de la dette climatique est la mise à disposition par les pays riches des technologies dont ils disposent pour utiliser des énergies telles que l’eau des rivières, le soleil, le vent, les volcans, la mer, pour produire de l’électricité.
Nombre d’habitants des pays du Sud sont encore contraints de brûler du charbon de bois pour cuire leur nourriture. Souvent dans les pays du Sud, la centrale thermique est le seul moyen pour produire de l’électricité. Les pays riches ont réussi à mettre en œuvre une technologie qu’ils utilisent, ils sont appelés à partager.


Comment les pays riches peuvent-ils payer ?

S’engager à respecter Patchamama

À la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’abondement d’un fonds de solidarité pour l’adaptation et à la mise à disposition des technologies s’ajoute un dernier engagement : signer une Charte des droits de Patchamama, la Terre-mère.
Cette revendication est fortement soutenue par les pays d’Amérique latine, et en premier lieu par ceux de l’Alliance bolivarienne des peuples d’Amérique (ALBA). Elle considère que depuis plus de 200 ans, les pays riches ont agressé la Terre-mère, creusant ses entrailles et retournant des montagnes pour en tirer du charbon, du pétrole et d’autres matières premières. Tout ceci doit être réparé, et le premier acte de cette réparation, c’est une Charte des droits de la Terre-mère, qui permettra aussi de protéger les peuples qui vivent en étroite symbiose avec elle, comme les peuples de la forêt, ou les peuples des îles.

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