La lutte contre le changement climatique en prend un coup
Londres stope certains de ses engagements climatiques
21 septembre 2023
Les ambitions climatiques du gouvernement britannique semblent faire les frais de la crise du pouvoir d’achat et de ses possibles répercussions électorales pour le parti conservateur. Comment une politique environnement cruciale se fait remplacer par des logiques politiciennes.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a annoncé le 20 septembre le report de plusieurs mesures de la politique climatique du Royaume-Uni. Cette décision est qualifiée d’électoraliste et est réprouvée dans les milieux économiques et jusqu’au sein des conservateurs au pouvoir.
« J’ai confiance dans le fait que nous puissions adopter une approche plus pragmatique, proportionnée et réaliste pour atteindre la neutralité carbone, qui allège le fardeau sur les travailleurs », a déclaré Rishi Sunak lors d’une conférence de presse.
L’annonce la plus emblématique concerne les voitures neuves roulant à l’essence et au gazole, qui seront désormais interdites à la vente en 2035 et non en 2030. Cette mesure s’« aligne » avec le calendrier d’autres pays, issu de l’UE, a défendu Rishi Sunak, face au tollé suscité dans le secteur automobile.
Le Premier ministre britannique a également annoncé l’assouplissement des conditions d’élimination progressive des chaudières à gaz et l’abandon d’une mesure sur l’efficacité énergétique des logements qui prévoyaient de fortes contraintes sur les propriétaires.
Les ambitions climatiques du Royaume-Uni, qui vise la neutralité carbone en 2050, fait les frais de la crise du pouvoir d’achat qui touche les Britanniques et de ses possibles répercussions électorales pour le parti conservateur.
Au pouvoir depuis 13 ans, le parti conservateur peine dans les sondages face aux travaillistes, en vue des élections législatives de 2024. D’ailleurs, certains responsables conservateurs appelaient depuis de nombreuses années le gouvernement à réduire les mesures en matière environnementale.
Fin juillet, Rishi Sunak avait déjà provoqué un tollé en promettant des centaines de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en mer du Nord. Cette annonce survient alors que l’organisme indépendant chargé de conseiller Downing Street sur ses politiques climatiques avait déploré en juin la « lenteur inquiétante » de la transition dans le pays.
Le frein annoncé par Rishi Sunak a ravi l’aile droite des conservateurs, comme l’ex-Première ministre Liz Truss qui a « salué » des mesures « particulièrement importantes pour les zones rurales ».
Mais les critiques se sont multipliées, y compris chez les conservateurs, présageant des débats houleux chez les Tories qui ont été pris par surprise. « Nous ne pouvons pas nous permettre de faiblir maintenant ou de perdre de quelque manière que ce soit notre ambition pour ce pays », a taclé l’ancien Premier ministre Boris Johnson
« Je ne crois vraiment pas que cela puisse aider électoralement quelque parti que ce soit de décider de s’engager dans cette voie », a estimé le député conservateur Alok Sharma et président de la COP26 de Glasgow en 2021.
Le député du parti d’opposition travailliste chargé des questions d’Énergie Ed Miliband a moqué un « acte de faiblesse d’un Premier ministre sans direction, désespéré ». Et le chef du parti libéral-démocrate Ed Davey a estimé que le Royaume-Uni « se retrouvait au dernier rang au moment où le reste du monde se bat pour adopter les industries de demain ».
Les acteurs économiques sont aussi montés au créneau. L’association représentant l’industrie manufacturière, Make UK, a dénoncé « une annonce qui envoie un signal totalement mauvais », tandis que la patronne de Ford au Royaume-Uni a dénoncé une décision qui va « à l’encontre » de « l’ambition, des engagements et de la cohérence » attendue par le secteur automobile.
De son côté, l’organisation qui représente la puissante City de Londres souligne que Downing Street a raison « d’explorer les façons d’apporter des solutions dans un environnement budgétairement contraint ».
Ces annonces sont « une escroquerie géante contre le pays », a aussi dénoncé l’ONG Greenpeace dans un communiqué, fustigeant les « revirements incessants de ce gouvernement qui vont faire fuir les investisseurs et coûter des emplois ».
Le gouvernement de Rishi Sunak a amorcé un virage en juillet sur la politique climatique, après la victoire surprise des conservateurs dans une élection locale de l’ouest de Londres, attribuée à la défiance des électeurs face à l’extension d’une taxe sur les véhicules polluants par le maire travailliste Sadiq Khan.
Depuis New York où il assiste à l’Assemblée générale des Nations unies, ce dernier a estimé que « les entreprises et des millions de personnes sont déçues » par la direction prise par le gouvernement Sunak.