Réchauffement

Nous ne sommes pas prêts à affronter le changement climatique

"Le Figaro" tire les enseignements des conséquences de la canicule en Europe

11 août 2003

Les scientifiques semblent être quasi-unanimes sur au moins deux choses : le réchauffement de la planète sera durable et il est provoqué par les gaz à effet de serre. Or devant un changement aux conséquences dramatiques qui apparaît aujourd’hui comme inévitable, la solution est dans la remise en cause nos modes de consommation, estime ’Le Figaro’. En attendant un retour à la normale qui de toute façon ne se produira pas avant des dizaines d’années, il s’agit d’être capable d’atténuer les conséquences du changement climatique, mais nous sommes loin d’être prêts.

Neige à La Réunion, canicule persistante en Europe, notamment en France. Nous vivons des mois de juillet-août marqués par des phénomènes climatiques assez inhabituels. Si à La Réunion, le froid est à l’origine de difficultés rencontrées par les éleveurs des Hauts, en France et ailleurs en Europe, les conséquences de la canicule sont désastreuses : pollution à l’ozone, incendies, sécheresse. Le plus grave est que ce type de phénomène exceptionnel risque de devenir la norme.
Dans un dossier publié samedi dernier, "le Figaro" revient sur ce constat : « les années qui viennent de s’écouler comptent parmi les plus torrides depuis plus d’un siècle. Et cela à l’échelle de la planète. 1998 tient la palme. Elle fut l’année la plus chaude du monde depuis 1861, début des mesures citées par l’Organisation météorologique mondiale. Et les dauphines de cette championne sont : 2002, 2001, 1995, 1997 ».
Et de revenir précisément sur cette année, en indiquant que selon Météo France, l’été européen « est d’ores et déjà le plus chaud depuis plus de cinquante ans ». Une anomalie qui risque de durer : « En un siècle, la température de la France a gagné 0,6°C. Les climatologues annoncent des étés plus chauds, mais également davantage de tempêtes en automne et en hiver au cours des prochaines décennies ». « La France peut-elle encore se considérer comme un pays tempéré ? », s’interroge "Le Figaro".

Vers un profond changement

Rappelant « qu’un climat tempéré est un climat sans températures et précipitations extrêmes, la France et l’Europe semblent en effet à certains égards s’éloigner de ce modèle ». Cette année, l’été en France fait plutôt penser au climat continental, mais ce dernier comporte également des hivers rigoureux. Or ce n’est pas le cas actuellement en Europe occidentale : « on compte actuellement en moyenne deux fois moins de jours de gel par an à Paris » qu’au début du siècle dernier.
Étés plus chaud, hivers moins froids, indiscutablement cela porte à croire que le climat se réchauffe en France. Jusqu’où peut donc aller cette tendance ? Le quotidien parisien indique qu’« au vu du réchauffement actuel, l’Institut de biométéorologie du Centre national de recherche de Florence (Ibimet-CNR) en Italie va jusqu’à prédire un avenir équatorial à l’Europe ».
Pour Francesco Meneguzzo, un des chercheurs du centre, « la zone méditerranéenne pourrait avoir à terme le climat de l’Afrique subsaharienne, et l’Arctique celui de l’Europe ». Mais d’autres scientifiques ont une autre opinion. Pour eux, le réchauffement global de la planète amènera une fonte des glaces. Cela sera la cause d’un apport massif d’eau douce dans l’Atlantique Nord. Cela risque de changer totalement la circulation des courants marins. Cela entraînerait à la fin du siècle la disparition du Gulf Stream. « Ce qui aurait alors pour conséquence d’arrêter le transport de chaleur dont bénéficie habituellement l’Europe et qui explique la douceur de ses températures comparées à celles du Canada (Montréal ayant pourtant la même latitude que Paris) », explique "Le Figaro".

Cancers et paludisme

Conséquences de changement climatique : l’apparition de maladies inconnues en Europe. "Le Figaro" fait état de l’arrivée en Angleterre de colonies de moustiques tigres : « s’il arrive que ces insectes vivant normalement en Asie parviennent à s’embarquer dans un conteneur à destination de l’Europe, ils sont en principe incapables, une fois arrivés, de survivre à la différence de température. Or il semble que les fortes chaleurs leur aient cette fois laissé une chance ». Or, ces insectes sont des vecteurs de plusieurs maladies tropicales : la dengue, de la fièvre jaune et certaines encéphalites. Par ailleurs, les scientifiques observent depuis quelques années un retour du paludisme aux portes de l’Union européenne : en Afrique du Nord et en Turquie. Le spécialistes de cette maladie « n’excluent pas qu’une hausse des températures favorise un jour la réinstallation en Europe de moustiques susceptibles de transporter efficacement le parasite ».
Autre catastrophe prévisible lié au changement climatique : l’augmentation de certains cancers de la peau à cause d’un soleil plus intense. Parmi ces cancers, le mélanome, « un peu sur le modèle de l’Australie qui affronte désormais une véritable épidémie, marquée chaque année par la survenue d’environ de 8.000 cas, dont plus de 1.000 sont mortels ».

Changement durable

Pour "Le Figaro", le principal accusé de ce changement climatique d’une rapidité sans précédent est l’effet de serre. « L’émission, par les activités de l’homme, de gaz capables de s’échauffer sous l’effet du rayonnement solaire, constitue désormais l’ennemi climatique numéro un », souligne le quotidien, indiquant que « sa contribution (...) paraît de plus en plus à même de créer le déséquilibre, de faire basculer le climat vers une situation où (...) les excès deviendraient la règle, et les moyennes des exceptions ».
« Le simple déplacement de l’anticyclone de quelques centaines de kilomètres », rappelle le journal parisien, « comme c’est le cas actuellement, est là pour souligner combien l’équilibre climatique est une affaire subtile ».

Se préparer ensemble

Pour "Le Figaro", il apparaît donc que la France commence à percevoir concrètement les conséquences de ce réchauffement climatique : ce dernier mois a vu des conséquences directes de la canicule persistante perturber l’activité économique. Ainsi, des trains n’ont pas pu circuler car des rails se sont dilatés, une centrale nucléaire a du être arrosée d’urgence, les incendies de forêt se sont multipliés. Tout cela montre, selon "le Figaro" que « nous ne sommes pas préparés à ces bouleversements ».
Il faut faire vite, mais « c’est dans les racines même de l’économie et de nos modes de vie que se trouvent les remèdes », indique le journal. Tout devra changer : « nos habitations, nos transports, nos structures urbaines, nos modes de production et de consommation ».
"Le Figaro" rappelle que les gouvernements qui ont signé le Protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effets de serre sont conscients de la nécessité d’anticiper tous ces changements. Et « même si le protocole de Kyoto est appliqué, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient néanmoins augmenter de 60% entre 1990 et 2010 ». Or, même si aujourd’hui il était possible de faire cesser immédiatement les émissions de gaz à effet de serre, le mal est déjà fait. Il faudrait plusieurs dizaines d’années pour que cesse le dérèglement, car, comme le précise "Le Figaro", « les simulations climatiques nous avertissent : le changement en cours sera durable ».

La lutte contre les gaz à effet de serre est même devenue une priorité nationale, inscrite à l’unanimité dans la loi suite à l’initiative du sénateur de La Réunion, Paul Vergès. Un Observatoire national destiné à atténuer les conséquences de ce réchauffement climatique a été créé. Car si changer nos modes de vie apparaît être une nécessité, cela ne pourra se faire sans une volonté politique partagée par le plus grand nombre possible d’élus, de décideurs et de citoyens. Cela ne peut marcher que si cette volonté se situe non seulement au-delà des opinions politiques, mais aussi au-delà des frontières, car le réchauffement concerne tous les habitants de la planète.

An plis ke sa
Protocole de Kyoto

Après son rejet par les Américains, son avenir repose désormais entre les mains de la Russie. Il ne manque plus en effet qu’une ratification de sa part pour que cet accord international puisse entrer en vigueur. Aussi le commissaire européen à l’Environnement a-t-il appelé en juillet la Russie à ratifier le protocole « d’ici à la conférence internationale sur les changements climatiques qu’elle doit accueillir fin septembre à Moscou ».

Les vagues de chaleur vont-elles se multiplier ?

Pour l’Organisation météorologique mondiale (OMM), mai 2003 a été le mois le plus chaud dans le monde depuis le début des relevés météorologiques en 1880. « Cette année pourrait bien être la troisième année la plus chaude après 1998 et 2002, au vu des données sur les cinq premiers mois », estime de son côté Jean Jouzel, du GIEC. Dans leur dernier rapport de 2001, les experts du GIEC considèrent que ce réchauffement devrait se poursuivre et tablent sur une hausse de 1,4 à 5,8°C entre 1990 et 2100. Avec une répartition des pluies différente, en augmentation l’hiver et en diminution l’été. Les modèles climatiques du Hadley Center en Grande-Bretagne prédisent même des canicules deux étés sur trois d’ici à 2100, contre une moyenne actuelle d’une par siècle.

Les tempêtes et les crues vont-elles s’intensifier ?

La plupart des climatologues s’accordent sur ce point : les phénomènes climatiques extrêmes devraient se multiplier en Europe, qu’il s’agisse de sécheresses ou de précipitations intenses. Ainsi, un nombre record de 562 tornades a été enregistré en mai aux États-Unis. Cependant, la prudence reste de mise sur ce point. « Il ne faut pas croire que ces prévisions s’appliquent à l’ensemble des phénomènes dévastateurs, met en garde Pierre Bessemoulin, directeur de la climatologie à Météo France. Nous n’avons pas de signal statistique par exemple d’une occurrence accrue des tempêtes du type de 1999 ou d’une remontée au nord des cyclones. »

Les glaciers vont-ils disparaître ?

La couverture neigeuse et l’extension des glaciers devraient continuer à diminuer, tant au niveau des pôles qu’en Europe. La canicule qui règne en Suisse depuis plusieurs semaines entraîne ainsi une fonte de la glace jusqu’à 4.000 mètres d’altitude, « une situation réellement exceptionnelle », selon le glaciologue Martin Funk, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. À terme, la fonte des glaciers et l’expansion thermique de l’eau devraient entraîner une élévation du niveau des océans de 9 à 88 centimètres d’ici à 2100, prévoient les experts du GIEC.

Quelle origine ?

La réalité du réchauffement fait aujourd’hui l’objet d’un quasi-consensus. Est-il pour autant dû à l’effet de serre ? La majorité des experts pensent que oui. « Il y a de plus en plus de preuves que ces températures ne sont pas dues à des variations naturelles du climat et que les activités humaines y sont pour quelque chose avec l’augmentation des gaz à effet de serre », explique ainsi le président du GIEC, Rajendra Pachauri, interrogé par l’AFP.

(Source : "Le Figaro")


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus