Quels sont les effets du changement climatique à La Réunion ?

« Observer pour prévenir »

31 octobre 2006

Deux écoles de scientifiques s’opposent : ceux qui voient dans l’intensification des cyclones les effets du changement climatique et ceux qui estiment que leur fréquence et leur intensité n’ont pas varié. Alarmistes ou lucides, aveugles ou intéressés...? Les avis divergents n’enlèvent rien au fait que le changement climatique est en marche. Quels sont ses effets à La Réunion ? Peut-on déjà observer des modifications du climat ou en prévoir ? Éléments de réponse avec Jacques Ecormier, responsable de la Cellule Prévisions au centre Météo France de La Réunion.

Depuis le 19ème siècle et l’entrée dans l’ère industrielle, la température de la planète a augmenté. Certains contestent un emballement du mercure depuis 1960. Un constat néanmoins partagé celui-là : la température de la mer a augmenté de l’ordre de 0,5° en un siècle. « C’est énorme », commente Jacques Ecormier.

« Dans 40 ans, on pourra tirer des conclusions »

Suite au passage du GIEC en février 2005, Bruno Haie, prévisionniste à Météo France-Réunion a réalisé un important travail d’homogénéisation des données météorologiques de 1970 à 2004. Son étude, qui n’est pas encore rendue publique, relève que durant cette période, il n’y a pas eu de modification des températures maximales. Par contre au niveau des minimales, on constate une variation de la température durant la nuit de l’ordre de 0,5°, soit une augmentation de la température moyenne de 0,2°. Jacques Ecormier souligne que cette variation, « négligeable », est « liée essentiellement à l’impact de l’océan. » S’agissant des précipitations, si aucune variation n’est enregistrée sur l’Est et le Nord, les régions Sud et Ouest souffrent d’une baisse de la pluviométrie de l’ordre de 30 à 40% sur cette période. « Dans 40 ans, on pourra tirer des conclusions », estime le prévisionniste. Il rappelle que si la température au niveau des pôles a augmenté, cette hausse est moins perceptible dans les zones tropicales. A La Réunion et dans la zone, on ne ressentirait donc pas de variation de température significative. En revanche, Météo France travaille de plus en plus sur la question pluviométrique. Sur ce point, La Réunion a pour atout (une fois n’est pas coutume) son relief montagneux et accidenté, sans lequel 9 mois sur 12 elle souffrirait du temps asséché de la région Ouest, serait en proie à des difficultés d’alimentation en eau comme c’est le cas à l’île Maurice. Le problème de sa répartition, son exploitation et sa gestion n’en demeurent pas moins entiers. L’observation des données pluviométriques, le renforcement des prévisions sont un enjeu également pour l’aménagement du territoire, la prise en compte des zones inondables et l’érosion des sols.

Rester vigilant

Et sur cette question pluviométrique, Jacques Ecormier défend que le cyclone est « un bienfait », « une soupape de sécurité. » La pluviométrie dans l’Ouest serait d’ailleurs essentiellement liée à la tempête. Reste qu’en raison du développement de l’urbanisation, les dégâts matériels seront de plus en plus importants. Et sans commenter les divergences scientifiques, entre « un qui dit qu’il y a augmentation des cyclones intenses et l’autre qui dit le contraire », le prévisionniste précise que le dernier phénomène extrême enregistré à La Réunion remonte à 1948. « Leur nombre est stable. Si la température de l’océan augmente, celle de l’atmosphère aussi. Pour qu’il y ait un cyclone intense, il faut que l’écart de température soit très élevé. Par contre, le phénomène Catarina au Brésil en mars 2004 reste troublant... » En clair, pas de quoi s’alarmer, mais il faut rester vigilant ! Mettre en place les outils d’observation pour anticiper les phénomènes extrêmes et ainsi pourvoir à la sécurité des populations, homogénéiser les méthodes de collectage et d’analyse des données. « En 1840-50, les premières données cycloniques venaient des bateaux lorsqu’ils tombaient dessus. En 1970, l’image satellitaire a permis des données plus fiables, puis en 1980, les satellites géostationnaires. Pour bien comparer, il faut des données identiques, utiliser les mêmes modèles d’observation d’un bassin à un autre. » L’Atlantique Nord est en avance sur cette question. Depuis 1945, les États-Unis utilisent la reconnaissance aérienne pour étudier les phénomènes, ceux-là même qui tendent à minorer la recrudescence de leur intensité peut-être pour ne pas avoir à explorer de nouveaux modes de développement, plus respectueux de l’environnement.

Laboratoire de physique de l’atmosphère en 2007

« Dès qu’il y a un phénomène climatique, il ne faut pas de suite l’attribuer au changement climatique », tient à souligner le prévisionniste. D’autant plus à La Réunion, ou le « climat n’est jamais stable. » Bien que les observations locales récentes, n’apportent pas encore d’éléments de réponses quant aux effets, présents et à venir, du changement climatique, il n’en demeure pas moins que ce dernier « est en route. » Bien que la prévision saisonnière soit de nature probabiliste, elle offre une marge d’anticipation qui intéresse de plus en plus les secteurs économique, agroalimentaire, de l’énergie... La Réunion travaille avec les pays de la zone à la mise en place d’une carte de prévision des phénomènes dangereux (fortes pluies, vents...) La prévision saisonnière est un sujet important inscrit dans la LOLF qui mentionne leur nécessaire amélioration. Météo France-Réunion produit déjà des bulletins de prévisions trimestriels, l’intérêt étant pour l’heure de les comparer pour mettre en place des bases d’étude et d’observation. Afin de parfaire la qualité des données, le Laboratoire de physique de l’atmosphère, impulsé par la Région Réunion, devrait voir le jour en début d’année dès la signature de la convention entre les différents acteurs : Météo-France, Université et Centre Météorologique Régional Spécialisé. « C’est une bonne chose, souligne Jacques Ecormier, cela va éviter de travailler séparément sur les mêmes sujets, va augmenter nos moyens humains et financiers. Observer pour prévenir. »

S. L.


Centre Météorologique Régional Spécialisé (CMRS) Cyclones Tropicaux à La Réunion

Le risque cyclonique est l’un des risques majeurs auxquels doivent faire face nombre de services météorologiques. Suite à la mort de près de 300.000 personnes causée par un cyclone tropical au Bangladesh en 1970, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) - suivant une résolution de l’assemblée générale des Nations Unions - a décidé d’établir en 1972, un Projet sur les Cyclones Tropicaux. C’est devenu depuis un Programme à part entière de la Veille Météorologique Mondiale. Son objectif principal est d’aider les pays concernés par des actions de coopération internationale à faire face au risque cyclonique en améliorant d’une part les prévisions météorologiques et les processus d’alerte. Régionalement, ce programme se décline dans chacun des six bassins d’activité cyclonique, avec la mise en place de groupes de travail spécialisés dans le domaine des cyclones tropicaux appelés “Comités des cyclones tropicaux” dans l’Océan Indien et le Pacifique Sud, “Comité des Typhons” dans le Pacifique Nord et “Comité des ouragans” dans l’Atlantique. Dans chacun de ses six bassins, l’OMM a également mis en place un centre responsable de la détection et de la prévision des perturbations cycloniques, dit Centre Météorologique Régional Spécialisé (CMRS) Cyclones Tropicaux visant à uniformiser et transmettre les informations. Depuis 1993, Météo-France à La Réunion a été désigné CMRS pour le Sud-Ouest de l’Océan Indien. Un module de formation des prévisionnistes de la zone est actuellement en cours.


Des mots pour comprendre

Le "Sommet de la Terre"
La Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, dite "Sommet de la Terre" a eu lieu en 1992 à Rio au Brésil. À cette occasion des centaines de pays ont adopté la convention sur les changements climatiques. “La Convention-Cadre des nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a reconnu l’existence de changements climatiques induits par les activités humaines. Il a alors été déclaré que les pays industriels, en tant que principaux responsables devaient lutter contre ce phénomène. L’objectif énoncé par la CCNUCC est de "stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique". Et ce en convenant "d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable."
La CCNUCC est entrée en vigueur en mars 1994. Les pays développés, les pays en transition vers une économie de marché et l’Union Européenne s’étaient engagés à stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 pour l’an 2000.
De plus, les pays développés et la Communauté européenne figurant à l’annexe II de la Convention devront soutenir financièrement et technologiquement les pays en développement. Ceci marque l’importance qui est donnée aux changements climatiques affectant tous les domaines fédérés par le concept de développement durable”.

Le protocole de Kyoto
Cette ville a été pendant plus de dix siècle la capitale impériale du Japon. Dans cette ville en décembre 1997, 157 États ont adopté un protocole. Il vise à “l’obligation de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire. Les pays industrialisés s’engagent à diminuer de 5,2% en moyenne leurs émissions des six principaux gaz par rapport à leur niveau de 1990 et cela à l’horizon 2010. Quant aux pays en développement, ils ne sont pas tenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans l’immédiat,, mais ils participent au processus international. Au 25 novembre 2004, 129 États avaient signé le protocole. Alors que les Etats-Unis se sont retirés dés 2001, l’Union européenne et d’autres pays industrialisés comme le Japon, le Canada et de l’Europe Centrale ont paraphé le protocole en 2002. Dans ce cadre, la France s’est engagée à maintenir ses émissions en 2010 à leur niveau de 1990, soit 530 millions de tonnes équivalent de CO2”.

La fonte des neiges
Elle est révélatrice du réchauffement de la planète. Au cours du 20ème siècle, la durée d’enneigement dans certaines régions de montagne a considérablement diminué. Cette évolution provoque d’ores et déjà des conséquences néfastes sur les stations de ski de moyenne montage.

L’élévation du niveau des océans...
... est semble-t-il, une des conséquences du réchauffement de la terre. Selon la moyenne des estimations, le niveau augmentera d’environ 50 centimètres d’ici 2100. Des deltas et des zones côtiéres pourraient être entièrement recouverts. “Ce sera le cas des Îles Maldives mais aussi des régions comme le Languedoc-Roussillon ou la Camargue”.

La Charte de l’Environnement...
... de La France a une valeur constitutionnelle. Elle a été initiée par le Président de La République, Jacques Chirac, sous l’impulsion de Nicolas Hulot. Cependant, elle a été élaborée par une commission dite Coppens car présidée par le Professeur Yves Coppens. En 2004, ce texte a été soumis à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 28 février 2005 a entériné, par 531 voix contre 23, le projet de loi constitutionnel qui introduit le Charte de l’environnement dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Le 1er mars de cette même année, le texte est promulgué. Que dit-il ? Article 1 : “Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé” ; Article 2 : “Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement” ; Article 6 : “Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social”.


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